Le Rassemblement national se heurte à un plafond de verre, la gauche en tête
Coup de théâtre en France : le Rassemblement national est devancé par la coalition du président Macron et par l’alliance des partis de gauche. Le jeune Jordan Bardella ne sera pas premier ministre. L’extrême droite s’est de nouveau heurtée à un plafond de verre. À l’issue d’élections législatives extrêmement polarisées, c’est la gauche qui arrive en tête en nombre de sièges.
L’avenir politique du pays n’est pas moins incertain, puisqu’aucun des trois grands blocs ne dispose de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
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Le président Emmanuel Macron a appelé à la prudence face à ces résultats encore partiels. Il ne s’est pas avancé sur la composition du prochain gouvernement ni sur le nom de celui qu’il désignera comme son premier ministre. Le premier ministre sortant, Gabriel Attal, a annoncé qu’il présenterait sa démission au président lundi.
Ensemble, la coalition centriste à laquelle Gabriel Attal et Emmanuel Macron appartiennent a toutefois fait mieux que prévu dimanche soir à l’issue du second tour des élections législatives, remportant 158 circonscriptions.
Mais le grand gagnant de la soirée est sans contredit le Nouveau Front populaire (NFP), coalition hétéroclite rassemblant les trois principaux partis de gauche, qui étaient à couteaux tirés avant qu’Emmanuel Macron ne procède à la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin dernier. Le programme du NFP comprend plusieurs mesures marquées très à gauche, comme l’augmentation de 14 % du salaire minimum et le passage à la semaine de 32 heures pour les « métiers difficiles ». Cette alliance promet aussi de revenir sur l’impopulaire réforme qui a fait passer l’âge légal de la retraite à 64 ans.
La présence au sein du NFP de la France insoumise, le parti de gauche radicale dirigé par Jean-Luc Mélenchon, rebutait plusieurs électeurs. Reste que le bloc de gauche est parvenu dimanche soir à devenir la première force politique du pays, fort de 180 sièges remportés pour la coalition, dimanche.
En prenant la parole devant ses militants en début de soirée, Jean-Luc Mélenchon a vu dans ce résultat la défaite du macronisme. Il a écarté l’idée que le NFP forme une coalition encore plus large avec les centristes afin de disposer de la majorité absolue.
« Notre peuple a clairement écarté la solution du pire », a-t-il aussi déclaré en parlant de la défaite du Rassemblement national.
Le Rassemblement national (RN) semblait avoir le vent en poupe dans les dernières semaines. Le parti d’extrême droite, étroitement lié à la dynastie des Le Pen, était arrivé largement en tête lors du premier tour des élections législatives, dimanche dernier. Jamais la formation politique n’avait semblé si proche du pouvoir. Pour certains, la question était de savoir si le RN allait obtenir une majorité absolue ou relative de sièges. Or, il en est loin, bien qu’il réalise le meilleur résultat de son histoire (143 sièges).
Un résultat bien en deçà des attentes qui s’explique par les désistements de candidats du Nouveau Front populaire et de la coalition présidentielle pour faire barrage à l’extrême droite.
Jordan Bardella, le protégé de Marine Le Pen qui devait être nommé premier ministre en cas de victoire du RN, est arrivé avec la mâchoire serrée à son rassemblement de campagne. Il a dénoncé « l’alliance du déshonneur », entre le président Macron et le Nouveau Front populaire. Il s’est également inquiété de l’entrée possible au gouvernement de « l’extrême gauche » de Jean-Luc Mélenchon.
Sur place, les visages étaient longs. Une jeune militante a même éclaté en sanglots à l’annonce des résultats. Plusieurs montraient du doigt les médias.
« Je pense que l’on a été battus par les médias, qui ne cessent de diaboliser notre programme, qui nous traitent de racistes, d’antisémites, d’homophobes, alors que ce n’est pas vrai. Il y a plein de militants ici qui sont juifs, qui sont immigrés, qui sont gais », a déploré avec rancoeur Livio Lebos, un militant de 19 ans de la banlieue parisienne.
Ambiance de fête à Paris
L’atmosphère était tout autre à Paris, ville cosmopolite où le vote pour le Rassemblement national reste marginal. Des milliers de militants de gauche ont célébré la défaite de l’extrême droite en s’attroupant spontanément sur la place de la République. Il y régnait une énergie électrique. En fin de soirée, les policiers encerclaient l’endroit et se tenaient prêts à intervenir en cas de débordements.
« C’était mal parti pour la gauche dans cette élection et, finalement, on a gagné. Le RN a perdu. Le racisme aussi. La France reste soudée et elle le restera toujours », a constaté Jenna Ben Gahia, une jeune Franco-Algérienne qui trouvait important de venir fêter dimanche soir.
Myriam Rais tenait aussi à venir exprimer sa joie. Sans vouloir jouer les trouble-fête, cette juriste de profession note cependant que la gauche est loin de la majorité absolue et que le RN vient de réaliser le meilleur score de son histoire.
« La gauche a un examen de conscience à faire. Elle a perdu le vote des ouvriers au profit du RN. Le RN a réussi à leur faire croire que tous leurs problèmes étaient liés à l’immigration, alors qu’il n’en est rien », a souligné la Française d’origine algérienne, qui espère maintenant que le Nouveau Front populaire ne la décevra pas.
Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat- Le Devoir.