Vue du Québec, la France s’en va au diable

On ne comprend pas cette alliance diabolique, ce goût que l’Hexagone a pour l’autodestruction volontaire.
Photo: Thomas Padilla Associated Press On ne comprend pas cette alliance diabolique, ce goût que l’Hexagone a pour l’autodestruction volontaire.

Vue du Québec, d’outre-mer, pas d’outre-tombe encore (comme certains de mes oncles qui ont traversé l’océan pour participer au débarquement sur les plages de Normandie à la Seconde Guerre mondiale), la France ferait désormais sien, avec les fondateurs vichystes du Rassemblement national (RN), le slogan perfide de Poutine « 1941-1945, on peut le refaire » ! Cette France pour laquelle nous nous sommes battus et que nous avons libérée avec les Alliés, cette France serait-elle aveuglée au point de renouer des liens d’ombre et d’erreur avec ces forces noires, ces lois racistes ? Finira-t-on, avec les nouvelles lois xénophobes du RN, par taguer sur les portes des « binationaux » des svastikas nazis ou les Z ensanglantés de Poutine ?

Comment croire, après la joie de la Libération et de la reconstruction, comment croire, après « les Trente Glorieuses », qu’une France progressiste et libre n’ait pas réussi à dissiper cette noirceur et cette ignorance, au point qu’il nous faudrait envisager, au Québec, que nos jeunes puissent avoir à retraverser l’océan avec les Alliés d’aujourd’hui pour sortir la France des griffes de l’extrême droite ? Ainsi donc, il s’agirait de « le refaire » encore ! Comment est-ce possible que la France ait perdu à ce point la mémoire ?

L’extrême droite n’est pas morte : elle étend sa main sur toute l’Europe. Poutine avance ses chars sur l’Ukraine, menace la Moldavie, la Géorgie, les pays baltes et la Pologne. Au Québec, on ne comprend pas comment la France pourrait porter au pouvoir un parti comme le Rassemblement national, subventionné par Poutine. On ne comprend pas cette alliance diabolique, ce goût que la France a pour l’autodestruction volontaire.

Vue du Québec, une telle France nous fait honte et nous peine. Ce n’est pas cette France qui nous inspire. On souhaiterait que la France s’aime un peu plus et qu’elle se réveille, qu’elle fasse rayonner à nouveau le flambeau de la liberté, non pas la liberté de haïr, mais celle d’aimer. Au Québec, on prie pour que la France se lève, combatte pour la liberté, sème à tous vents son message d’espoir et de paix (comme sur la couverture de nos Petits Larousse à l’école) ! Au Québec, nous prions pour qu’elle dissipe cette ignorance xénophobe, chasse cette peur de l’autre, repousse ces forces du mensonge, ces ombres et ces erreurs.

Au Québec, nous nous disons, comme quand nos pères et nos oncles ont traversé l’Atlantique pour la libérer du monstre nazi, que, si la douce France veut « le refaire », que ce soit la vraie chose, la vraie guerre pour la vraie France de la liberté, la France de la tolérance, la France de l’ouverture au monde, à l’image de l’âme qu’elle a révélée dans ses plus grandes heures de gloire. Au Québec, nous avons toujours cru que là était sa vraie mission, que là était la victoire de la France : éclairer le monde de sa grande culture et de sa grande flamme vivifiante.

Au Québec, c’est ce que nous avons toujours appris de la France, c’est toujours ainsi que nous avons imaginé la France, dans sa pure et vive flamme, cette flamme qui nous a permis, à nous Québécois et Québécoises, de survivre en terre d’Amérique, cette flamme qui a été notre âme même et qui nous anime encore au plus profond de notre coeur. Vive la France… libre !

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