L’OTAN fête ses 75 ans avec un horizon parsemé d’incertitudes
Cela s’annonçait comme une grande fête pour les 75 ans d’une alliance élargie et revigorée : le sommet de l’OTAN cette semaine à Washington risque, au contraire, d’être assombri par les incertitudes sur l’Ukraine et les turbulences politiques des deux côtés de l’Atlantique.
Il planera comme une drôle d’atmosphère sur la capitale des États-Unis de mardi à jeudi, lorsque Joe Biden accueillera ses 31 homologues de l’OTAN tant les débats autour de sa capacité à affronter Donald Trump à la présidentielle de novembre inquiètent bien au-delà de son pays.
Le président français, Emmanuel Macron, ne sera pas en reste, après le séisme politique provoqué par l’ascension inédite de l’extrême droite aux législatives.
Sans parler du trouble-fête Viktor Orbán, le premier ministre hongrois, qui assure la présidence de l’Union européenne (UE), après son déplacement controversé vendredi à Moscou où il s’est entretenu avec le président russe, Vladimir Poutine.
Une série d’événements qui risque d’animer les discussions entre les dirigeants lors des séances de travail, d’un dîner solennel et des apartés en marge du sommet.
« Il y a beaucoup d’échanges, de doutes, liés à nos situations intérieures respectives », avait confié la semaine dernière un responsable européen. L’objectif du sommet « sera de dissiper ces perceptions », avait-il avancé sous couvert de l’anonymat.
Les dirigeants de l’OTAN, fondée en 1949 du temps de l’Union soviétique et qui s’est élargie à la Finlande et la Suède après l’invasion russe de l’Ukraine, auront à coeur d’afficher leur unité.
Quel message adresser à l’Ukraine en particulier ? Ce sera la grande question de ce sommet, où le président Volodymyr Zelensky est aussi attendu.
Débats sur l’adhésion de l’Ukraine
Depuis le sommet de Vilnius l’année dernière, où Volodymyr Zelensky avait singulièrement agacé les Américains, les dirigeants de l’OTAN font miroiter une adhésion à terme de Kiev.
Mais ils ne sont pas prêts à lui envoyer une invitation en bonne et due forme tant que la guerre avec la Russie se poursuivra.
« Les chances pour nous d’obtenir une invitation à joindre l’OTAN sont proches de zéro », Washington et Berlin y étant opposés, déplorait récemment une source diplomatique ukrainienne.
Les États-Unis parlent plutôt d’un soutien permettant de jeter « un pont vers l’adhésion », sur la base d’un programme robuste d’aide et d’accords bilatéraux de défense, tandis que nombre de pays européens plaident pour inscrire le caractère « irréversible » de cette adhésion dans le communiqué final.
« Cela continue d’être discuté », reconnaît-on de sources diplomatiques.
L’idée est que « lorsque les 32 alliés s’accorderont sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance, ce pays soit prêt, véritablement prêt, dès le premier jour, à se brancher sur le reste de l’Alliance », a affirmé un haut responsable américain.
Parmi les décisions attendues, la prise en charge par l’OTAN de la coordination de l’aide militaire occidentale à l’Ukraine, jusqu’à présent assurée par les États-Unis.
Ce serait une première, car les alliés se sont montrés réticents à tout ce qui pourrait provoquer une escalade avec la Russie.
L’OTAN devrait aussi officialiser un soutien militaire à l’Ukraine de 40 milliards d’euros par an et fournir de nouveaux moyens de défense aérienne, selon des diplomates.
L’Asie en ligne de mire
L’idée avancée par le secrétaire général sortant, Jens Stoltenberg, qui cédera sa place au Néerlandais Mark Rutte en octobre, c’est d’« institutionnaliser » le soutien de l’OTAN.
Afin aussi de se protéger des aléas politiques des deux côtés de l’Atlantique, les alliés européens s’inquiétant d’une victoire de Donald Trump et de son « imprévisibilité ».
Les Européens ont, dans le même temps, répondu aux appels à augmenter leurs dépenses militaires, ce que l’OTAN mettra en exergue cette semaine.
L’autre grand sujet sera la main tendue à des pays partenaires dans l’Asie-Pacifique, les dirigeants japonais, coréen, australien et néo-zélandais étant invités à participer au sommet jeudi, aux côtés de l’UE.
L’OTAN est géographiquement limitée à la zone euro-atlantique, mais les États-Unis ont appelé à plusieurs reprises l’alliance à répondre à la montée en puissance de la Chine.
Des pays comme la France estiment que l’OTAN n’a rien à faire dans la zone, mais plaident une coopération accrue en s’engageant davantage par exemple dans le cyberespace, le spatial et les technologies.
Le sommet devrait déboucher sur une ferme condamnation du soutien de Pékin à la Russie, qui, selon les pays occidentaux, permet à Moscou de maintenir à flot son effort de guerre.