L’UE salue la victoire du Labour, sans s’attendre à rouvrir les accords post-Brexit
Les dirigeants de l’UE ont salué vendredi l’écrasante victoire travailliste aux élections britanniques, avec l’espoir d’un réchauffement des relations entre Londres et Bruxelles… mais sans attendre de bouleversements dans les accords post-Brexit.
« Une victoire électorale historique », a salué le président du Conseil européen, Charles Michel, dans ses félicitations au nouveau premier ministre britannique Keir Starmer, affirmant se réjouir de travailler avec Londres sous un gouvernement « Labour ».
« L’UE et le Royaume-Uni sont des partenaires essentiels, qui coopèrent dans tous les domaines d’intérêt mutuel pour nos citoyens », a déclaré M. Michel, qui prévoit de rencontrer M. Starmer lors du sommet de la Communauté politique européenne, prévu le 18 juillet prochain.
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« Nous discuterons des défis communs tels que la stabilité, la sécurité, l’énergie et l’immigration », a-t-il indiqué.
Le dirigeant travailliste a promis de réduire les tensions commerciales avec l’Union européenne, premier partenaire du Royaume-Uni.
Mais il a aussi promis que son gouvernement ne remettrait jamais en cause le Brexit et qu’il n’essaierait pas de revenir dans le marché unique européen, assurant vouloir simplement que le « Brexit fonctionne » – son slogan de campagne.
L’étendue des avancées possibles pour améliorer les accords existants, conclus après la décision du Royaume-Uni de quitter l’UE, sera néanmoins assez limitée, font valoir des diplomates à Bruxelles sous couvert d’anonymat.
« Avec une approche différente, basée sur la coopération et sans hostilité, les choses seront plus faciles, mais pas nécessairement plus simples », a expliqué l’un d’eux.
Les accords post-Brexit de 2020 et 2023 encadrant les relations commerciales entre Londres et Bruxelles sont « très complexes » et « incluent des équilibres difficiles à changer », fait-il valoir.
« Tout ce qui était faisable [en termes d’aménagements] a déjà été réalisé, ou a déjà été proposé », abonde un autre diplomate.
Seuls des ajustements à la marge restent possibles dans plusieurs domaines : règles d’importation de plantes ou d’animaux, échanges accrus pour la jeunesse, respect de certaines normes européennes par les industriels britanniques, reconnaissance mutuelle de certaines qualifications…
« L’atmosphère va changer »
Une meilleure coopération en matière de défense et de sécurité est également vue des deux côtés de la Manche comme une priorité.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré vendredi avoir hâte d’oeuvrer avec M. Starmer pour, entre autres, « renforcer la sécurité européenne ». Et la première ministre estonienne Kaja Kallas, juste nommée cheffe de la diplomatie de l’UE, a salué « l’engagement du Royaume-Uni à notre sécurité commune ».
La guerre en Ukraine et l’instabilité dans le monde, sans compter avec un retour éventuel de Donald Trump à la Maison Blanche sont autant d’arguments pour renforcer cette coopération.
« C’est dans l’intérêt de l’UE, mais aussi de la Grande-Bretagne », a expliqué l’un des diplomates interrogés par l’AFP.
Pour Mark Leonard, directeur du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), think tank basé à Bruxelles, l’instabilité internationale et le retour éventuel de l’ex-président américain Donald Trump rendent la coopération en matière de défense « plus pertinente ».
Le Royaume-Uni et 23 des 27 pays de l’UE sont membres de l’OTAN, une organisation vivement critiquée et qualifiée d’« obsolète » par Donald Trump.
Les différents gouvernements conservateurs britanniques ont beaucoup politisé la relation avec Bruxelles pour défendre la « souveraineté post-Brexit » du Royaume-Uni, mais le futur gouvernement de Keir Starmer devrait adopter une attitude plus « rationnelle », a encore jugé Mark Leonard.
Pour autant, il lui faudra tenir compte des inquiétudes britanniques liées à l’immigration : « Je pense que la vraie véritable ligne rouge serait un retour à la liberté de circulation des personnes, c’est le seul signal clair qui a émergé du référendum sur le Brexit » en 2016, estime M. Leonard.
Les élections britanniques n’occupent pas néanmoins les esprits en ce moment à Bruxelles, avertit Barry Colfer, directeur de recherches de l’Institute of International and European Affairs. « Ce qui se passe en France ou est en train de se passer aux États-Unis jouent un rôle plus central pour l’UE », observe-t-il.
Dans l’ensemble, à Bruxelles, on se montre plus « optimiste » sur l’attitude du nouveau gouvernement à Londres, qu’on anticipe davantage « pragmatique », mais sans attendre de bouleversement immédiat, selon des diplomates.
« L’atmosphère va changer, mais les résultats concrets prendront du temps », a jugé l’un d’eux, tout en soulignant la « disponibilité » du côté européen.