L’Église doit verser 104 millions de dollars aux victimes d’abus à Terre-Neuve-et-Labrador

L’orphelinat Mount Cashel à St. John’s, à Terre-Neuve, est visible sur cette photo de 1989
Photo: Andrew Vaughan Archives La Presse canadienne L’orphelinat Mount Cashel à St. John’s, à Terre-Neuve, est visible sur cette photo de 1989

L’Église catholique romaine a été condamnée à verser des indemnités totalisant 104 millions $ à 292 survivants d’abus historiques à Terre-Neuve-et-Labrador, y compris ceux du désormais tristement célèbre orphelinat Mount Cashel à Saint-Jean de Terre-Neuve.

La décision de vendredi a été accueillie avec soulagement, souffrance et même chagrin par les survivants qui ont enduré une lutte de plusieurs décennies pour la justice, a déclaré l’avocat Geoff Budden.

Son entreprise représente plus de 200 survivants des mauvais traitements subis dans l’ancien orphelinat de Mount Cashel entre les années 1940 et le début des années 1960.

«Certains en tirent une validation», a-t-il raconté dans une entrevue. «Ils sont heureux qu’on les ait crus, que leurs revendications aient été acceptées et qu’ils vont recevoir une compensation… mais ça déclenche. Ça rappelle des souvenirs, et c’est un combat.»

Un combat qui n’est pas terminé, dit-il : l’Église n’a pas assez d’argent pour payer les indemnités.

Les totaux publiés vendredi incluent les réclamations de Mount Cashel et d’autres cas d’abus impliquant l’Église au cours des dernières décennies, a déclaré Me Budden.

Jusqu’à présent, 292 plaintes pour abus ont été acceptées, indique le document judiciaire. Dix autres sont en attente et 65 ont été refusées. L’indemnisation moyenne est d’environ 356 000$, mais elle varie de 55 000$ à 850 000$.

C’est l’affaire Mount Cashel qui a permis à ces règlements de se produire. À travers une série sinueuse de procès qui ont débuté en 1999, Me Budden et son équipe ont réussi à faire valoir que l’Église était responsable des abus physiques et sexuels subis par les garçons de Mount Cashel de la part des Frères Chrétiens, un ordre laïc catholique romain qui dirigeait l’endroit.

La responsabilité a été cimentée en 2021, lorsque la Cour suprême du Canada a rejeté la demande de l’archidiocèse catholique romain de St. John de faire appel d’une décision d’un tribunal inférieur.

L’orphelinat a été fermé en 1990 et démoli en 1992. Les horreurs qui se sont produites à l’intérieur de ses murs ont précipité un changement culturel massif par rapport à l’autorité de l’Église à Terre-Neuve-et-Labrador.

Après que l’affaire Mount Cashel ait établi que l’Église pouvait être tenue responsable des actes de ses membres, les avocats pourraient faire valoir le même argument dans d’autres cas d’abus impliquant l’Église, a indiqué Me Budden.

Neuf des clients de Me Budden du dossier initial de Mount Cashel sont morts en attendant une résolution, a-t-il déclaré. Les réclamations incluses dans le montant de vendredi concernaient les successions d’environ 30 personnes impliquées dans des affaires judiciaires et décédées en attendant un règlement, a-t-il ajouté.

L’archidiocèse ne dispose que d’environ 45 millions $ pour payer ces règlements. L’argent a été collecté au cours d’une procédure de faillite en cours, lorsqu’elle a vendu des propriétés dans l’est de Terre-Neuve, notamment la célèbre basilique-cathédrale Saint-Jean-Baptiste, à St. John’s.

Bob Buckingham, un avocat de St. John’s dont le cabinet représente 70 survivants ayant vu leur réclamation acceptée, a mentionné qu’il travaillait avec Me Budden pour identifier des sources d’argent supplémentaires. Les possibilités incluent les polices d’assurance des églises, d’autres organisations religieuses et le gouvernement provincial, a illustré Me Buckingham dans un communiqué de presse.

«C’est la première page du dernier chapitre de la bataille tortueuse que (l’Église) a menée à nos clients pendant des décennies , a-t-il lâché. Tout au long de cette bataille, nous avons offert à l’Église des opportunités de résoudre ces problèmes sur un certain nombre de points. Ils ont refusé. Au lieu de cela, ils ont plaidé jusqu’au tout dernier moment.»

Les règlements peuvent toujours faire l’objet d’un appel, de la part de l’Église ou des demandeurs, a-t-il nuancé.

Me Budden a également déclaré qu’il existe d’autres moyens de collecter des fonds. «Aucune garantie, mais je suis optimiste que nous puissions y arriver», a-t-il dit.

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