Les appels à un plan de rattrapage scolaire «récurrent» se multiplient

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, avait annoncé au début du mois de janvier dernier un plan de rattrapage scolaire de quelque 300 millions de dollars.
Photo: Christinne Muschi La Presse canadienne Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, avait annoncé au début du mois de janvier dernier un plan de rattrapage scolaire de quelque 300 millions de dollars.

Le plan de rattrapage scolaire mis en place de façon « exceptionnelle » à la suite de la grève des enseignants québécois l’hiver dernier a fait ses preuves, estiment plusieurs acteurs du milieu qui voudraient que cet investissement devienne « récurrent ». Une avenue qu’écarte cependant le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

La semaine dernière, le conseil d’établissement de l’école Cardinal-Roy, à Québec, a pris le taureau par les cornes en acheminant une lettre au ministre de l’Éducation afin de prier celui-ci de reconduire pour les prochaines années le plan de rattrapage de quelque 300 millions de dollars qui avait été annoncé au début du mois de janvier. Ce plan a notamment permis l’offre de tutorat aux élèves en dehors des heures normales et d’activités éducatives spécialisées à de nombreux jeunes, de même que de cours d’été gratuits à des élèves de 4e et de 5e secondaire qui ont échoué dans des matières essentielles à l’obtention du diplôme.

« Nous observons que les mesures mises en place ont un impact très positif sur la motivation et la persévérance des élèves » en permettant l’offre de services éducatifs « adaptés aux besoins de tous les élèves », indique la lettre, dont Le Devoir a obtenu copie. « Ça a vraiment eu un gros impact », souligne en entrevue Dominique Richard, qui signe cette lettre à titre de présidente du conseil d’établissement de cette école secondaire. Elle n’a pas encore reçu de réponse de la part du ministre.

Le document plaide ainsi pour que ce « soutien additionnel » mis en place à la suite des grèves des enseignants qui négociaient alors les conditions de renouvellement de leurs conventions collectives ne soit pas « exceptionnel », mais plutôt « récurrent », pour assurer le maintien des « conditions pédagogiques propices à la réussite éducative de tous les élèves ».

Des « projets novateurs » menacés

Or, il est prévu que ce financement additionnel prendra fin le 31 décembre, malgré les bilans « très satisfaisants » que le ministre Bernard Drainville a dressés au sujet de ce plan de rattrapage en février et à la fin du mois d’avril. Ce dernier compte rendu indiquait entre autres que 175 000 élèves avaient bénéficié de services de tutorat et que près de 158 000 jeunes avaient reçu un service de soutien pédagogique financé dans le cadre de ce plan.

« Ce que les ressources du plan de rattrapage ont fait, c’est qu’elles ont permis à des écoles de développer des projets nouveaux, des projets novateurs. Ce serait dommage qu’ils ne puissent pas se poursuivre », soutient en entrevue la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, Kathleen Legault.

Ce plan de rattrapage a d’ailleurs permis au Réseau réussite Montréal de bonifier le nombre de places offertes dans des camps d’été de la métropole, notamment à des jeunes ayant des problèmes de littératie. Il donne aussi à l’organisme l’occasion d’offrir du soutien individualisé à des jeunes à risque de décrochage scolaire, entre autres, au moment où ceux-ci en ont bien besoin.

« Il y a des feux jaunes sérieux qui s’allument partout, et la grève est venue aggraver, pour certains jeunes, une situation qui était difficile pour plusieurs d’entre eux. Et de penser que les aider cette année, c’est suffisant pour dire qu’ils ont tout ce qu’il faut dans le sac à dos pour terminer leur parcours scolaire […], ce n’est pas vrai pour tous les jeunes », soulève la directrice générale de l’organisme, Andrée Mayer-Périard. « Tous les indicateurs nous laissent présager que les besoins seront encore là l’an prochain », prévient-elle.

Les élèves en difficulté « écopent »

Le président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles, Carl Ouellet, a d’ailleurs interpellé le ministère de l’Éducation pour lui demander que le soutien financier rattaché à ce plan de rattrapage devienne « récurrent », a-t-il confié au Devoir. « On aurait besoin de ces sommes-là sur le long terme parce qu’on est imaginatifs et qu’on veut aider nos élèves. Donc, c’est certain que si on a des sous de plus, on va être capables de mettre en place des structures pour soutenir nos élèves qui sont le plus en difficulté », indique-t-il. Autrement, sans un renouvellement des fonds prévus dans ce plan de rattrapage, le nombre de places offertes en tutorat diminuera, de même que le nombre d’enseignants qui peuvent offrir de l’aide spécialisée.

« Encore une fois, ce sont nos élèves en difficulté qui écopent, malheureusement », soupire M. Ouellet.

Dans ce contexte, la Fédération des syndicats de l’enseignement presse elle aussi Québec de « reconduire ces sommes annuellement ». « Ça ne pourrait qu’être profitable pour les élèves de tous les secteurs, y compris en formation professionnelle et à l’éducation des adultes », a-t-elle ajouté par courriel.

Joint par Le Devoir, le cabinet du ministre Drainville s’est dit satisfait de voir que ce soutien additionnel déployé l’hiver dernier a été « un succès ». « Maintenant, il faut comprendre que le plan de rattrapage a été mis en place de façon exceptionnelle afin de minimiser l’impact des grèves sur les élèves », ajoute le cabinet. Sa reconduction n’est ainsi pas envisagée par Québec, bien que le ministre assure vouloir « continuer de travailler avec les gens du terrain pour améliorer la réussite des élèves ».

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