Marie-les-bains: s’offrir une parenthèse florale à la teinturerie

Catherine Girouard
Collaboration spéciale
La teinturière Marie-Ève Dion travaille avec des fleurs entières en pétales, en poudre, séchées ou fraîches.
Photo: Catherine Girouard La teinturière Marie-Ève Dion travaille avec des fleurs entières en pétales, en poudre, séchées ou fraîches.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

« Que demande-t-on d’une fleur sinon qu’elle soit belle et odorante une minute, pauvre fleur, et après ce sera fini », écrivait le poète et dramaturge Paul Claudel. Marie-Eve Dion a un rapport bien différent avec les plantes, imprimant une à une ces éphémères sur des foulards, chaussettes, rubans, sacs, taies d’oreiller et autres tissus, les rendant ainsi éternelles à sa façon. Incursion dans l’un des ateliers de teinture végétale (ecoprint) qu’elle propose tout au long de la saison chaude entre son jardin et sa cuisine, comme une douce parenthèse estivale à s’offrir.

On se sent en vacances dès qu’on arrive chez Marie-Eve Dion, à Eastman. La salle à manger au plafond cathédrale et aux larges fenêtres fait la part belle aux arbres qui entourent sa résidence. Le chat vient nous saluer, entre et sort à son aise. Achetée sur un coup de coeur, sa maison est aussi devenue son atelier, où elle crée et propose différentes formations de teinture végétale pour partager sa passion.

« Mon émerveillement pour la teinture ne s’est pas amoindri avec le temps, raconte celle qui est tombée dans le bain un peu par hasard. Bachelière en design de mode, elle était costumière en cinéma quand elle s’est initiée à la teinture végétale par simple plaisir. Séduite, elle expérimente, s’inscrit à plusieurs formations et lance finalement sa teinturerie végétale Marie-les-bains au printemps 2021. « J’aime cueillir et travailler dans le jardin, c’est quelque chose de plus physique, et ensuite travailler avec les tissus, la soie, un travail créatif et délicat », explique-t-elle.

Photo: Catherine Girouard Marie-Ève Dion devant sa maison pour la cueillette lors de l’atelier

Un bouquet de cosmos mauves côtoie une théière au milieu de la table. Nous sommes sept participantes à assister à son atelier ce jour-là, assises côte à côte face à l’artisane. Quatre artistes dans l’âme qui ont pris part récemment à une autre formation donnée par Marie-Eve Dion, et trois initiés — dont moi.

« Chaque imprimé est unique à sa plante », affirme la teinturière en ouvrant devant nous son cahier de scrapbooking regroupant ses tests d’impressions. « On voit beaucoup de trucs pour teindre sur le Web, surtout avec tout ce qui est alimentaire, comme la betterave, le chou rouge ou les fèves noires, continue-t-elle. Ça a l’air bien beau, mais ça n’a aucune ténacité. Ce n’est pas parce que ça tache que ça teint ! »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le pigment bleu rouge des baies n’est par exemple pas tinctorial, dit-elle. Mais les pelures d’oignon, d’avocat et de grenade le sont. Ce qui explique pourquoi de gros pots Mason remplis de pelures séchées sont alignés sur son comptoir de cuisine.

Photo: Catherine Girouard le cahier de scrapbooking de Marie-Ève Dion, rempli de tests d’impression

Du jardin aux tissus

Marie-Eve Dion nous invite à la suivre à l’extérieur. Une version miniature de son jardin principal, situé à Valcourt, entoure sa maison. « Environ 75 % de ce que j’utilise en ecoprint sont les plantes que je cultive, estime l’artisane. On peut imprimer tant avec des fleurs séchées que fraîches, mais j’aime beaucoup travailler avec celles que je viens de cueillir. »

Panier d’osier au bras et ciseaux à la main, elle présente les caractéristiques de chacune de ses espèces végétales. « La camomille des teinturiers, ça fait des imprimés de soleil. Ici, il y a des tagètes, dont j’aime utiliser les pétales. Là, ce sont des cosmos. C’est vraiment une fleur prolifique, ce petit plan deviendra un gros buisson. Les coréopsis rouges fournissent des imprimés verts. Les feuilles du sumac vinaigrier, là-bas, elles donneront plutôt du jaune, comme les fleurs de l’achillée blanche. »

Photo: Catherine Girouard Des foulards colorés de Marie-les-bains

La nuance obtenue en teinture végétale est rarement celle que les plantes arborent, explique Marie-Eve Dion en cueillant ici et là. « C’est chimique, ça dépend du pigment. Parmi les fleurs sauvages qu’on trouve au Québec, on en arrive à des résultats qui sont souvent jaunes une fois imprimés. Ce n’est pas pour rien que je cultive autant de fleurs, pour avoir plus de couleurs. »

Celles-ci sont très présentes dans les créations de Marie-les-bains. « Je me suis donné le mandat de faire de la couleur, car on voit beaucoup de pastels depuis quelques années, avec le mouvement minimaliste », explique-t-elle. Et parce qu’elle aime la couleur flamboyante qu’il fournit, elle se sert aussi d’un insecte, la cochenille, qu’elle utilise entière ou en poudre.

Un savoir ancestral qui se perd

De retour dans la salle à manger, bouquets à la main, on s’amuse à choisir les fleurs, les feuilles et les pétales qu’on dispose sur nos tissus. Durant l’atelier, chaque participante imprimera un échantillon de tissus et un foulard de soie avec lesquels elle repartira.

La teinture végétale est utilisée depuis 5000 à 6000 ans. Les plus anciennes traces qui ont été trouvées datent de l’époque néolithique. La perte de ce savoir s’explique par l’arrivée du colorant synthétique au XIXe siècle. Des teintures tenaces qui permettent de créer plus vite, mais qui ont une empreinte environnementale énorme. Au contraire de l’ecoprint, pour lequel un intérêt grandissant se fait sentir, note Marie-Eve Dion.

Photo: Catherine Girouard Des créations des participantes de l’atelier

Sous l’oeil attentif de l’artisane, on replie nos tissus humidifiés sur nos fleurs, on les roule dans un morceau de drap usé, puis dans un papier parchemin, et on attache le tout bien serré. Nos petits boudins sont ensuite « cuits » à la vapeur pendant 25 minutes dans un bon vieux steamer à hot-dogs.

« Les bazars sont nos meilleurs amis ! dit en riant Marie-Eve Dion. Il n’y a pas une grosse communauté autour de la teinture ni d’outils spécifiques pour en faire à la maison. On doit être créatifs et utiliser des appareils culinaires comme mon steamer, des chaudrons, des paniers à vapeur en bambou… »

On déroule nos petits boudins bien chauds et s’émerveille devant nos foulards maintenant colorés. « Il y a toujours un niveau de surprise dans ce qu’on fait, souligne la teinturière. Une fleur ne sortira jamais pareil. Et il faut avoir une certaine résilience : la perfection n’existe pas. »

Une jolie façon d’apprendre à regarder autrement, peut-être, les plantes croisées au jardin et dans nos prochaines randonnées estivales…

Circuit-Court pour d’autres découvertes

Marie-les-bains fait partie des entrepreneurs présentés par Circuit-Court, une plateforme web consacrée aux artisans établis dans les Cantons-de-l’Est. Le site permet de découvrir des adresses uniques, des ateliers, et des événements dans la région, favorisant la consommation locale et responsable. Plusieurs arrêts à noter sur la route des vacances !

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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