Au Kazakhstan, Xi et Poutine plaident pour un «ordre mondial multipolaire juste»
Les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping se sont livrés mercredi au Kazakhstan à un satisfecit sur l’état des relations entre Pékin et Moscou, qui entendent contrer l’influence de l’Occident dans les affaires internationales.
Leur rencontre à Astana, la capitale de la première économie d’Asie centrale, a eu lieu à la veille d’un sommet régional réunissant plusieurs pays aux relations tendues avec l’Occident, l’Organisation de coopération de Shanghaï(OCS).
L’OCS, composé majoritairement de pays dirigés par des autocrates, «s’est affirmée en tant que l’un des piliers clés d’un ordre mondial multipolaire juste», a estimé M. Poutine, alors que l’Iran, sous sanctions occidentales, a intégré l’an passé l’organisation et que la Biélorussie, ostracisée par l’Occident pour soutenir l’invasion russe en Ukraine, deviendra membre jeudi.
Cette rencontre Xi-Poutine intervient un mois et demi après leur sommet en Chine mi-mai, où le dirigeant russe était allé chercher un soutien accru à sa guerre en Ukraine.
Plus tôt mercredi, le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan, également présent à Astana, avait invité M. Poutine en Turquie lors d’un entretien bilatéral, alors qu’Ankara propose depuis le début de l’invasion russe en Ukraine ses bons offices de médiation entre Kiev et Moscou.
L’OCS, qui compte actuellement neuf pays membres (Chine, Inde, Iran, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Pakistan, Tadjikistan), est pensée comme une plateforme de coopération concurrente des organisations occidentales, censée contribuer à l’avènement d’un monde « multipolaire », terme récurrent dans la bouche des dirigeants russes et chinois.
« Le principal est de démontrer au monde qu’il existe des plates-formes internationales alternatives, d’autres centres de pouvoir, où les intérêts de tous les États sans exception sont respectés », a déclaré mercredi le président Loukachenko dans une entrevue à l’agence de presse kazakhe Kazinform.
L’OCS se targue de regrouper 40 % de la population de la planète et environ 30 % du PIB mondial, mais en dehors de ces symboles forts, de nombreuses dissensions existent entre ses membres.
Si MM. Poutine et Xi souhaitent faire front commun face à l’Occident, ils restent ainsi concurrents sur le plan économique, notamment en Asie centrale, région riche en hydrocarbures et cruciale pour le transport de marchandises entre l’Europe et l’Asie, tandis que Pékin entretient des relations parfois tendues avec l’Inde et le Pakistan, autres membres.
Les dirigeants d’Asie centrale sont régulièrement courtisés par MM. Poutine, Erdogan et Xi.
Cette tendance s’est accentuée depuis l’invasion russe de l’Ukraine, Moscou voulant maintenir son influence sur ces républiques ex-soviétiques, désormais étroitement liées à la Chine via des projets économiques d’envergure.
L’Asie centrale, Kazakhstan en tête, est un maillon essentiel du projet chinois des nouvelles routes de la soie, vaste chantier d’infrastructures lancé il y a plus d’une décennie par Xi Jinping.
Le président chinois a ainsi loué le « partenariat stratégique éternel » entre Pékin et Astana, selon une lettre publiée mardi par le média d’État « Pravda du Kazakhstan ».
Les pays occidentaux entendent néanmoins rester dans le jeu et plusieurs dirigeants européens se sont récemment rendus dans la région.
Nouvel essor
L’adhésion prévue de la Biélorussie portera à dix le nombre de membres de cette organisation fondée en 2001, qui a pris un nouvel essor ces dernières années comme bloc censé faire contrepoids à l’influence occidentale, avec un accent mis sur les questions sécuritaires et économiques.
L’organisation se donne notamment pour objectif de lutter contre ce que Pékin appelle les « trois maux » : le séparatisme, le terrorisme et l’extrémisme.
Signe de l’importance croissante de l’organisation, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, sera également présent à Astana.
Le premier ministre indien Narendra Modi, attendu en Russie ce mois-ci, sera cependant absent. L’Iran, qui attend de désigner son nouveau président lors du second tour de la présidentielle vendredi, sera représenté par son président par intérim, après la mort mi-mai du dirigeant Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère.
Outre ses pays membres, l’OCS comprend également 14 États partenaires de dialogue, comme la Turquie et des pays arabes du Golfe.
À l’issue du sommet d’Astana, la Chine occupera la présidence tournante de l’OCS pour la période 2024-2025.