Vivre de ce qui me passionne sans compromettre ma propre santé

Je souhaite travailler dans mon domaine d’étude, le merveilleux monde de la biologie, écrit l’autrice.
Photo: Christophe Archambault Agence France-Presse Je souhaite travailler dans mon domaine d’étude, le merveilleux monde de la biologie, écrit l’autrice.

Le domaine biomédical m’a toujours passionné. Toute jeune, je me souviens d’avoir supplié mes parents pour avoir un livre à colorier, car cela me semblait être un passe-temps bien populaire à la maternelle. Cependant, mon livre de coloriage, je le voulais sur l’anatomie humaine. Je revois mon père arriver à la maison avec cette brique intitulée Anatomie à colorier de Lawrence M. Elson. Un livre beaucoup trop complexe et dispendieux pour une enfant qui sait à peine communiquer convenablement encore. Aujourd’hui, j’en ris, mais il reste tout de même fascinant qu’à cet âge, je portais déjà en moi ce fort intérêt pour la biologie humaine.

La nature a suivi son cours, et à l’aube de mes 20 ans, je terminais un baccalauréat en laboratoire médical de l’Université de Moncton. C’est le coeur plein d’espoir et de bonne volonté que j’ai commencé ma carrière dans le CISSS du Témiscouata.

Cependant, la triste réalité du système de santé au Québec m’a vite rattrapée. J’entrais alors dans un système gravement malade, qui ne peut s’occuper de lui-même, mais qui espère encore traiter des centaines de milliers de patients. Travailler un simple huit heures dans ce réseau paraît presque déshonorant, parce que mes collègues font minimalement entre 12 et 16 heures par jour. Il ne faut pas leur en vouloir, c’est beau se démener corps et âme au service de la communauté. Cependant, est-ce réaliste de procéder ainsi pendant de nombreuses années ?

Le pire, pour moi, a été les gardes de nuit. Le téléphone sonne en pleine nuit, il est deux heures du matin — je viens de terminer un quart de douze heures, et j’en ai un autre qui va débuter au lever du soleil — c’est un patient qui fait un accident vasculaire cérébral (AVC). J’ai 20 minutes pour me rendre à l’hôpital, où je vais devoir analyser les échantillons et transmettre les résultats au médecin. Une fois tout ça terminé, je peux enfin retourner à la maison pour y trouver un peu de sommeil, mais pour combien de temps ? Est-ce que le téléphone va sonner une deuxième fois cette nuit ? Combien d’heures vais-je pouvoir dormir avant d’entamer ma journée de travail ?

Le lendemain arrive finalement, mais avec la même histoire, qui se répète, encore et encore.

La nature a suivi son cours, et quelques années plus tard, je me retrouve aujourd’hui à vendre des assurances habitation pour une entreprise privée. Bien que ce ne soit pas un travail qui me passionne, il me permet au moins de dormir sur mes deux oreilles et d’arriver à la maison le coeur léger et bien reposée.

Alors quand on m’interroge sur mes aspirations professionnelles, je réponds ceci. Je souhaite travailler dans mon domaine d’étude, le merveilleux monde de la biologie, car il s’agit d’un monde qui n’a jamais cessé de me passionner, même à travers l’épuisement. Je souhaite travailler pour un employeur qui comprend que le bien-être de ses employés est un pilier lorsqu’il est question d’offrir un service de qualité, et qu’il ne sert à rien d’offrir des services si l’on ne peut en garantir l’efficacité ni la validité. Je souhaite travailler pour un employeur qui m’offre des conditions de travail propices à l’innovation, au développement et au surpassement de soi, en plus de prioriser ma santé physique et mentale.

Je souhaite pouvoir enfin vivre de ce qui me passionne, sans avoir à compromettre ma propre santé. Je veux contribuer au diagnostic, au traitement et à la rémission des patients, qui eux aussi souffrent depuis trop longtemps de la défectuosité de notre système de santé au Québec.

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