«Espèces dangereuses», Sergueï Shikalov
Né en Russie en 1986, Sergueï Shikalov s’installe en France en 2016. Dans son premier roman, écrit dans sa langue d’adoption, l’auteur rappelle que dans les années 1990, grâce à une providentielle dépénalisation, être gai et russe semblait envisageable. « Pendant une dizaine d’années, on a existé. » En 2013, une loi interdit toute forme de « propagande homosexuelle » en direction des mineurs, ce qui inclut tout discours favorable à la communauté LGBTQ+, dont les membres sont alors de retour parmi les « espèces dangereuses ». Dans ce récit initiatique et sociologique, où la culture populaire joue un rôle clé, au-dessus duquel plane la cultissime Mylène Farmer, le narrateur utilise le « on », un pronom qui exprime le collectif tout en évoquant l’intime. Dans une langue aussi laconique que percutante, un style qui émeut sans jamais puiser au pathos, l’auteur restitue la violence et l’espoir, la culpabilité et le désir, la honte et le romantisme. Une fois en France, dissocié de sa patrie, mais sans trahir son peuple, ses parents et ses amis qui sont restés là-bas, le narrateur arrive à dire : « C’est moi. J’existe. J’ai l’honneur d’être. »