Québec limite sa hausse de taxes à 3,9% malgré un contexte économique jamais vu depuis 1991

À Québec, les propriétaires résidentiels verront leur compte de taxes grimper de 3,9 % en 2024 ; les commerçants et les industriels écoperont davantage avec une hausse chiffrée à 4,7 %.
Guillaume Levasseur Le Devoir À Québec, les propriétaires résidentiels verront leur compte de taxes grimper de 3,9 % en 2024 ; les commerçants et les industriels écoperont davantage avec une hausse chiffrée à 4,7 %.

Sous pression en raison d’une inflation évaluée à 5,6 % pour une deuxième année d’affilée, la Ville de Québec se serre la ceinture pour proposer « une hausse modérée des taxes municipales » qui représente, malgré tout, l’augmentation la plus salée depuis 20 ans. Les propriétaires de biens immobiliers résidentiels verront leur avis d’imposition grimper de 3,9 % en 2024 ; les commerçants et les industriels écoperont davantage avec une hausse chiffrée à 4,7 %.

Le budget présenté mercredi prévoit des dépenses totalisant 1,9 milliard de dollars, en hausse de 132 millions par rapport à l’exercice précédent. Signe que l’inflation fait mal aux coffres publics : le seul maintien des services existants demande une contribution supplémentaire de 118,1 millions de dollars à la Ville. 

« C’est du jamais vu depuis 1991 que l’inflation, pendant deux années consécutives, atteint 11,2 %, a expliqué le directeur général de la Ville, Luc Monty. Nous sommes frappés de plein fouet dans tous nos achats de biens et de services. »

À la facture pour maintenir les services en place s’additionnent différents « ajouts aux citoyens » qui totalisent 22,5 millions de dollars. Dans un contexte où Québec est aux prises avec une hausse de la criminalité, la part du lion revient à la sécurité urbaine et au soutien aux services rendus, deux postes budgétaires qui gonflent de 4,2 millions et de 6,7 millions de dollars dans le budget 2024. 

La Ville généralise l’augmentation de taxes à 3 % pour l’ensemble de la population, mais additionne un ajustement à la « tarification relative à l’eau et aux matières résiduelles » à la hausse. Pour les propriétaires de biens immobiliers résidentiels, cet ajustement ajoute 1 point de pourcentage à la facture. Pour les commerçants et les industriels, cet ajustement s’élève à 1,7 point de pourcentage — une augmentation que les propriétaires non résidentiels facturés au volume pourront tempérer en diminuant leur consommation d’eau ou leur production de leurs déchets.

La Ville diminue de 0,1 point de pourcentage la taxe relative aux dettes des anciennes villes, ce qui réduit la hausse d’autant pour les propriétaires résidentiels. Pour une maison unifamiliale moyenne, la hausse de 3,9 % prévue en 2024 représente une augmentation moyenne de 120 $, pour totaliser 3182 $. 

Onze années sur quatorze entre 2007 et 2021, la Ville a chargé une hausse de taxes plus élevée que l’inflation annuelle. Aujourd’hui, elle est en bas de l’inflation.

Le maire Bruno Marchand a nuancé l’augmentation, la plus importante depuis les fusions municipales de 2002. « Onze années sur quatorze entre 2007 et 2021, la Ville a chargé au secteur commercial une hausse de taxes plus élevée que l’inflation annuelle. Aujourd’hui, elle est en bas de l’inflation. »

Nouvelles mesures d’écofiscalité

Malgré la pression économique exercée par l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et des salaires et le dérèglement des chaînes d’approvisionnement, la Ville maintient la cadence et ajoute 30 millions de dollars dans l’enveloppe réservée à l’adaptation aux changements climatiques, déjà garnie de 15 millions de dollars en 2023. L’ambition de l’administration est de se doter d’un coffre de 300 millions de dollars à l’horizon 2028.

« Si nous voulons préparer l’avenir, il faut avoir les ressources pour s’adapter », a insisté le maire. Le budget 2024 prévoit plusieurs mesures d’écofiscalité, notamment une taxe sur les grands stationnements qui prévoit, au centre-ville, une ponction de 2,75 $ pour chaque m2 de surface imperméable au-delà des 30 premières cases de stationnement. Cette mesure, prévoit la Ville, ajoutera 1,7 million de dollars dans ses coffres. Le coût de la vignette de stationnement pour le deuxième véhicule d’une même adresse passera aussi de 150 $ à 225 $.

« On a laissé croire aux gens qu’un espace de stationnement, ça ne coûte rien à la Ville, mais chaque espace coûte 500 $. Pour être équitable avec ceux qui n’ont pas besoin de vignette, il faut se rapprocher de ce que ça coûte vraiment. Il y a des frais associés à avoir des stationnements inutilisés pour la Ville. »

L’augmentation de 4,7 % imposée au secteur non résidentiel totalise une moyenne de 4600 $ pour un bâtiment d’une valeur de deux millions. « Le non-résidentiel, dans la grande majorité des cas, a un pouvoir sur sa hausse de taxes, a expliqué le maire Bruno Marchand.  Un propriétaire qui réduirait de 16 % sa consommation d’eau et de 7 % ses déchets verrait la hausse de son compte de taxes réduite à 3,9 %. »

La mesure vise à « infléchir les comportements », a souligné le maire, dans un contexte où « l’entreprise moyenne consomme 1800 m3 d’eau et émet 27 tonnes de matières résiduelles par année. »

Les hausses de taxes et l’ajustement relatif à la consommation d’eau et de matières résiduelles permettent d’ajouter 57,7 millions de dollars aux coffres de la Ville. Pour équilibrer son budget, la Ville entend réduire son train de vie jusqu’à épargner 23,8 millions de dollars. 

Le budget 2024 prévoit des économies dans l’ensemble des unités administratives : trois millions dans l’entretien des voies de circulation, y compris le déneigement ; 487 000 $ dans la réduction des déplacements et des fournitures de bureau ; 1,3 million de dollars dans l’économie de la consommation d’énergie. Le contrôle de la masse salariale représente la plus importante source d’épargne, soit 8 millions de dollars.

La Ville se félicite d’alléger le poids de sa dette sur ses finances malgré le contexte économique difficile. Cette dernière diminuera de 5,1 millions de dollars en 2024 pour s’établir à 1529 millions de dollars, soit 86,9 % des revenus. Le service de la dette, lui, coûtera 318 millions aux coffres publics.

« Il abandonne les commerçants »

Le chef de l’opposition officielle, Claude Villeneuve, salue l’introduction de mesures d’écofiscalité dans le budget, à l’instar de Jackie Smith, de Transition Québec. Celle-ci déplore toutefois que la taxation des stationnements bétonnés se cantonne au centre-ville. « Les gains à faire, a-t-elle indiqué, se trouvent en dehors, notamment à Lebourgneuf. »

Pour la deuxième opposition, la hausse des coûts de stationnement imposés aux automobilistes lance une « guerre à l’auto ». « On veut que les gens se débarrassent de la voiture », a déploré le chef intérimaire d’Équipe Priorité Québec, Patrick Paquet.

La hausse de taxes imposée aux commerçants, déjà matraqués par l’inflation et, dans plusieurs cas, par le remboursement des prêts d’urgence contractés pendant la pandémie, représente un « abandon », selon l’opposition officielle. « Il n’a pas l’air de comprendre ce que c’est d’être en affaires, a indiqué Claude Villeneuve. Le contexte d’inflation te rattrape des deux côtés : ce n’est clairement pas un budget qui tient compte des difficultés des commerçants. »

613 millions engagés pour le tramway

La présentation du budget a permis de mettre à jour les sommes engagées par la Ville de Québec dans les différents chantiers du tramway, mis sur pause par le gouvernement au début du mois de novembre. À la fin de l’année, ce montant atteindra 613 millions de dollars et pourrait culminer, fin 2024, à plus de 900 millions. Le maire de Québec, Bruno Marchand, s’est dit « profondément convaincu qu’au moment où [le gouvernement a décidé de remiser le tramway], il n’avait pas pris la pleine mesure » des montants qui pourraient se voir engloutis dans un chantier qui risque, désormais, de ne jamais voir le jour.

L’enregistrement des chats obligatoire

La Ville de Québec rendra obligatoire l’enregistrement des chats en 2024. La mesure, qui concernera 12 000 félins, selon la Ville, et qui coûtera 12 $ par tête, garnira les coffres de 145 000 $.

À voir en vidéo