Pas d’échéancier pour l’itinérance zéro dans la Ville de Québec
La Ville de Québec veut mettre fin à l’itinérance et entend mobiliser l’ensemble de la communauté, secteur privé compris, autour de cette ambition.
« Mettre fin à l’itinérance est une volonté, je pense, partagée de tous, a déclaré jeudi le maire de la capitale, Bruno Marchand, en marge de la présentation de la “toute première vision en matière d’itinérance” de la Ville. Maintenant, entendons-nous bien : ça va prendre du temps. »
Du temps et de l’argent. Le maire a annoncé, jeudi, l’octroi de 1,5 million de dollars supplémentaires pour soulager la crise actuelle, de plus en plus visible dans les rues et les périphéries de la capitale nationale. Les sommes que Québec consacre désormais à l’itinérance atteignent quatre millions de dollars, a souligné le maire, « soit une augmentation de 135 % par rapport à 2021 ».
Les investissements augmentent au rythme d’un défi sans cesse grandissant : selon les données du plus récent dénombrement, le nombre de sans-abri a bondi de 76 % entre 2018 et 2022 dans la région de la Capitale-Nationale, passant de 525 à 927 en seulement quatre ans.
La Ville entend jouer un rôle fédérateur dans la lutte contre l’itinérance. « Fini, le temps où on laissait les gens, notamment du communautaire, seuls au combat », a affirmé Bruno Marchand. La vision présentée jeudi, fruit d’un travail de consultation amorcé l’hiver dernier, s’articule autour de cinq axes et stipule que l’itinérance « est un enjeu de communauté » où « nous sommes tous parties prenantes de la solution ».
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Le maire fixe un « objectif ambitieux qui ne tolère pas d’avoir réduit de 50 % l’itinérance », toutefois sans déterminer d’échéancier pour l’atteindre. « À la fin du mandat, nous n’aurons pas mis fin à l’itinérance, a-t-il cependant précisé. Si la Finlande est sur un plan de 30 ans, la Ville de Québec aura certainement besoin de plusieurs années. »
Dans un contexte où le taux d’inoccupation des logements dont le loyer est inférieur à 1000 $, à Québec, se situe en dessous de 1 %, plus de 31 000 ménages consacrent plus du tiers de leurs revenus à se loger, et 2000 autres sont en attente d’un logement subventionné.
La Ville veut accélérer la cadence de la mise en place du volet habitation de sa vision, qui vise à bâtir 500 logements sociaux et abordables par année, dont 100 réservés aux « clientèles vulnérables ». Elle entend aussi développer le parc de maisons de chambres sur son territoire et « bonifier l’accompagnement » pour aider les sans-abri à trouver un logement.
Lors du dernier dénombrement, 56 % des personnes itinérantes interrogées souhaitaient plus d’aide pour trouver un toit. La vision prévoit de mettre à contribution le milieu privé pour fournir davantage de logements à prix abordables ainsi que la multiplication de la participation sociale des personnes itinérantes, notamment en favorisant leur retour à l’emploi selon des horaires alternatifs, à la journée.
Parsemée de grandes orientations sur l’importance, par exemple, de « renforcer les mécanismes de concertation et d’échanges interdisciplinaires », la vision prévoit aussi quelques mesures plus concrètes, comme la multiplication de babillards communautaires facilement consultables par les personnes itinérantes pour soulager leur « fracture numérique ».
La Ville entend aussi étendre la couverture de services dédiés à l’itinérance « là où sont les besoins ». Le phénomène ne se cantonne plus au centre-ville, mais gagne les périphéries éloignées comme Portneuf, Beauport et Beaupré. Le financement récemment accordé par le gouvernement du Québec, soit 15,5 millions de dollars en aide d’urgence pour les refuges au lendemain du Sommet sur l’itinérance de l’Union des municipalités du Québec, en septembre, puis 145 millions de dollars sur cinq ans présentés lors de la récente mise à jour économique, serviront à déployer plus largement le filet social.
La vision, qui doit orienter l’action de la Ville jusqu’en 2030, prévoit surtout de sortir l’itinérance d’une « logique d’urgence », a indiqué le maire de Québec, pour que l’aide ne tombe plus « à la dernière minute ». Le Répit Basse-Ville, un lieu d’hébergement de nuit ouvert à l’année pour quiconque a besoin d’un toit, peu importe son état, s’inscrit dans cet objectif de prise en charge permanente, et non plus seulement hivernale.
Québec doit présenter au premier trimestre 2024 le plan d’action qui concrétisera la vision présentée jeudi.