La Ville de Montréal donne «un break» de deux ans aux promoteurs

Les promoteurs ont remis 38,7 millions de dollars depuis le 1er avril 2021 à la Ville plutôt que de lui céder des terrains ou d’inclure des logements sociaux et abordables dans leurs projets.
Photo: Getty Images iStockphoto Les promoteurs ont remis 38,7 millions de dollars depuis le 1er avril 2021 à la Ville plutôt que de lui céder des terrains ou d’inclure des logements sociaux et abordables dans leurs projets.

Afin de donner un répit aux promoteurs immobiliers confrontés à une hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction, la Ville de Montréal suspendra pendant deux ans la contribution financière pour l’aménagement de logements abordables prévue à son Règlement pour une métropole mixte. Une mesure qui permettra aux promoteurs immobiliers d’économiser de 3000 à 4000 $ pour chaque logement réalisé dans la métropole.

Cette contribution continuera toutefois d’être exigée aux promoteurs dans certaines zones bien précises de la métropole où la Ville souhaite stimuler davantage la réalisation de logements abordables. Celles-ci ne représentent qu’un faible pourcentage du territoire montréalais.

« Pour deux ans, on va donner un break, un moment de répit aux promoteurs » afin de stimuler une reprise à la hausse des mises en chantier dans la métropole, a résumé jeudi le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, lors d’une conférence de presse tenue dans le Vieux-Montréal.

En parallèle, l’administration municipale limite également à 5 %, pendant deux ans, la hausse annuelle des contributions financières exigées aux promoteurs qui ne cèdent pas des terrains ou des bâtiments destinés à des logements sociaux dans le cadre de ce règlement.

« Il y a une fenêtre d’opportunité importante. C’est ça qu’on vient dire aux promoteurs et ils en sont conscients », a déclaré M. Dorais. Il espère ainsi que ces modifications réglementaires auront pour effet d’inciter des promoteurs à « construire davantage » et « plus rapidement », au moment où les mises en chantier ont diminué de 37 % dans la région de Montréal l’an dernier, selon des données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Les contributions exigées aux promoteurs grimperont ensuite à un rythme plus soutenu en 2026 et en 2027, afin d’inciter les promoteurs à développer davantage des projets de logements sociaux plutôt que de remettre un montant à la Ville. Depuis le 1er avril 2021, la vaste majorité des promoteurs ont pris la voie de la compensation financière plutôt de céder des terrains ou d’inclure des logements sociaux ou abordables dans leurs projets. La Ville a ainsi amassé 38,7 millions de dollars, mais un seul projet de logements sociaux issu de ce règlement est actuellement en construction à Montréal.

Les promoteurs satisfaits

La Ville, qui adoptera la semaine prochaine les modifications prévues à ce règlement, viendra par ailleurs restreindre le nombre de développements immobiliers qui sont assujettis à celui-ci. Ce ne seront ainsi désormais que les projets de 20 logements et plus qui devront contribuer financièrement au développement de logements sociaux et abordables dans la métropole, alors que cette exigence s’applique actuellement à tout développement de cinq logements et plus.

Les compensations remises par la Ville aux promoteurs qui leur cèdent des terrains ont par ailleurs été révisées à la hausse afin de tenir compte de la hausse notable des valeurs foncières notée ces dernières années à Montréal. Ainsi, au lieu de recevoir 5,8 millions de dollars de la Ville pour un terrain pouvant accueillir 100 logements sociaux dans le quartier Griffintown, un promoteur encaissera plutôt 8,4 millions, ce qui représente un bond de près de 45 %, montrent des données présentées jeudi par l’administration municipale.

« On ne peut que saluer cette nouvelle mouture du Règlement pour une métropole mixte », a réagi en entrevue au Devoir le directeur aux affaires publiques et gouvernementales à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec, Fabrice Fortin. « Quand on diminue la facture imposée aux promoteurs, ça aide à l’abordabilité, donc ça contribue à la mixité », a-t-il dit. M. Fortin estime ainsi que ces modifications réglementaires pourraient contribuer à « amenuiser la crise du logement » en stimulant la construction de nouvelles habitations dans la métropole.

L’Institut de développement urbain du Québec (IDU), qui faisait partie d’une série d’acteurs du milieu des affaires qui réclamait il y a quelques mois un moratoire sur l’application de ce règlement, dans le contexte économique actuel, s’est également dit satisfait jeudi des modifications annoncées à celui-ci. « La Ville de Montréal prend la bonne décision en reportant certains ajustements prévus au Règlement pour une métropole mixte en raison du contexte économique actuel », a réagi par écrit la présidente-directrice générale de l’IDU, Isabelle Melançon.

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain déplore pour sa part que ce règlement continue de permettre aux promoteurs « de verser une contribution financière au lieu de réaliser du logement social ». « Le regroupement comprend mal le choix d’épargner les promoteurs de construire du logement social dans les grands développements considérant que les besoins sont si criants », indique l’organisme, dans un communiqué émis jeudi.

« Pour Ensemble Montréal, la situation est très claire. La seule option qui est possible en ce moment, c’est une suspension pure et simple du règlement », a pour sa part lancé en marge de cette conférence de presse le porte-parole d’Ensemble Montréal en matière d’habitation, Julien Hénault-Ratelle.

Or, ce règlement « est là pour rester », a martelé Benoit Dorais. « Ça donne des résultats positifs et on est confiant que ce qu’on annonce aujourd’hui, c’est un pas dans la bonne direction. »

La Ville souligne d’ailleurs que sept ententes conclues jusqu’à maintenant avec des promoteurs ayant accepté de léger des terrains ou des bâtiments permettront à terme la réalisation d’environ 660 logements sociaux. Les Montréalais devront toutefois faire preuve de patience avant de voir ceux-ci sortir de terre, lorsque ces projets auront obtenu le financement nécessaire.

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