Des victimes «abandonnées» par l’IVAC lancent un cri du coeur

Émilie Arsenault, une mère de 31 ans dont les deux enfants ont été assassinés par leur père à Wendake, en octobre 2020, lors de la conférence de presse, dimanche.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Émilie Arsenault, une mère de 31 ans dont les deux enfants ont été assassinés par leur père à Wendake, en octobre 2020, lors de la conférence de presse, dimanche.

Des victimes se sont réunies dimanche, à Montréal, pour demander de nouveau à Québec d’abolir la disposition « sans coeur » de la réforme du régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) qui met un terme après trois ans à l’aide qui leur est offerte.

Adoptée en 2021 par le gouvernement Legault, la réforme de l’IVAC a permis à plus de victimes d’être indemnisées, étant donné qu’elle a abrogé la liste des infractions admissibles. Mais cette nouvelle loi a toutefois également imposé une limite temporelle aux prestations de remplacement de revenu.

En mars, Le Devoir avait notamment rapporté le cri du coeur d’Émilie Arsenault, une mère de 31 ans dont les deux enfants ont été assassinés par leur père à Wendake, en octobre 2020. Présente à la conférence de presse ce dimanche, elle a affirmé que l’IVAC ferait d’elle « une victime une deuxième fois » cet automne. Comme bien d’autres, elle a reçu une lettre indiquant que ses prestations prendraient fin le 13 octobre prochain, trois ans après l’entrée en vigueur de la réforme.

« Je ne sais pas trop ce que je vais faire. J’anticipe une catastrophe », a-t-elle dit, en essuyant ses larmes. « Dans la vie, je suis éducatrice à l’enfance de formation. Puis aujourd’hui encore, je ne me vois vraiment pas retourner au travail et être en présence d’enfants. Ça me fait penser aux miens », a-t-elle souligné, en regardant une photo de ses bambins posée devant elle.

À ses côtés, l’avocate Sophie Mongeon a déploré le fait que l’aide sociale sera le « seul filet » qu’il restera aux victimes après le 13 octobre prochain. « On les condamne à vivre au seuil de la pauvreté », s’est-elle désolée, en regardant la salle où se trouvaient d’autres victimes.

Photo: Valérian Mazataud Le Devoir De gauche à droite, l’avocate Sophie Mongeon, Émilie Arsenault, dont les deux enfants ont été assassinés, l’avocat et ancien ministre Marc Bellemare et le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, lors de la conférence de presse de dimanche

Contacté par Le Devoir, le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a affirmé par écrit qu’il avait dû faire des choix en menant sa réforme. « Et ce sont ces choix qui nous permettent aujourd’hui d’indemniser deux fois plus de personnes victimes. L’an dernier, ce sont plus de 320 millions de dollars qui ont été versés aux personnes victimes d’actes criminels, ce qui représente 200 millions de dollars de plus qu’en 2018. »

Après le 13 octobre 2024, il sera cependant possible pour les victimes de recevoir de l’aide durant deux années supplémentaires « si elles participent à une mesure de réinsertion professionnelle, pour une période d’aide totale de cinq ans », avait précisé en mars dernier Cathy Chénard, porte-parole au ministère de la Justice.

Pas de recours juridiques

À l’heure actuelle, Me Mongeon soutient qu’il n’existe aucune procédure juridique lui permettant de contester le délai de trois ans. « Ce maximum est écrit dans la loi. Et on ne peut pas dire que c’est discriminatoire basé sur l’âge, sur le sexe, c’est une prescription de temps », a-t-elle expliqué.

En compagnie de l’avocat Marc Bellemare, elle a donc invité tous les gens touchés par cette situation à se joindre au groupe Facebook « Victimes abandonnées par IVAC ». « La pression qui sera mise sur le gouvernement va être forte cet automne », a souligné Me Bellemare.

Ce dernier a aussi dit s’inquiéter de voir la santé mentale des victimes se dégrader quand leurs prestations prendront fin.

En mars, Le Devoir avait demandé au ministère de la Justice comment cette limite temporelle avait été déterminée. Au moment de la réforme, « plus de 90 % des personnes victimes ne recevaient plus de remplacement de revenu au-delà d’une période d’aide de cinq ans », avait répondu la porte-parole Cathy Chénard.

Avec Marie-Michèle Sioui

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