Vers une meilleure efficacité énergétique pour les plus vulnérables

Leïla Jolin-Dahel
Collaboration spéciale
Au Québec, un ménage sur six est en situation de précarité énergétique. C’est un sur trois dans les provinces de l’Atlantique.
Photo: Getty Images Au Québec, un ménage sur six est en situation de précarité énergétique. C’est un sur trois dans les provinces de l’Atlantique.

Ce texte fait partie du cahier spécial Énergies

Des experts cherchent des avenues pour contrer la précarité énergétique des ménages à faible revenu.

Alors que le Québec et le Canada doivent décarboner leur énergie, un ménage sur cinq au pays n’a pas accès aux ressources énergétiques nécessaires à ses besoins de tous les jours. Une équipe de recherche de l’Université McGill se penche sur ce phénomène afin de proposer des solutions pour plus d’efficacité énergétique auprès des populations plus vulnérables.

La précarité énergétique survient lorsqu’une personne est incapable d’avoir accès aux services essentiels nécessaires afin de maintenir des températures intérieures confortables, explique Mylène Riva, professeure au Département de géographie de l’Université McGill et autrice principale d’une étude publiée récemment dans le Canadian Journal of Public Health.

Ce concept reste encore méconnu en contexte canadien. « On adapte des mesures qui sont développées ailleurs. Elles sont fiables, mais l’on doit peut-être davantage réfléchir à ce qu’est la précarité énergétique », ajoute celle qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en logement, communauté et santé.

Ainsi, ces personnes peinent à chauffer leurs maisons, à les garder fraîches en été, à s’éclairer ou à utiliser leurs électroménagers au moment nécessaire, explique-t-elle. Et des études ont déjà conclu que cette précarité, avec une température basse à l’intérieur d’une résidence, était en lien avec l’aggravation de certaines maladies chroniques, rappelle Mme Riva.

Ses travaux visent à documenter de façon quantitative la précarité énergétique par le biais d’analyses de données publiées dans l’Enquête canadienne sur le logement de 2018 faite par Statistique Canada. « On réalise aussi différentes études pour mieux comprendre ce que c’est de vivre la précarité énergétique. À quoi ressemble le quotidien de ces gens », précise la chercheuse.

Les populations rurales plus touchées

Les populations rurales sont plus touchées par la précarité énergétique que celles vivant près des centres urbains. Mais les données dans les grandes villes seraient sous-évaluées, étant donné le nombre important d’appartements où l’électricité et le chauffage sont inclus dans le prix du loyer. « On sous-estime donc fort probablement la proportion de gens en situation de précarité énergétique en milieu urbain », observe Mme Riva.

Alors qu’au Québec, c’est un ménage sur six qui subit cette situation, elle en touche un sur trois dans les provinces de l’Atlantique. Les personnes âgées, celles habitant seules, les familles monoparentales ou à faible revenu, ou encore celles résidant dans des logis nécessitant des réparations majeures sont davantage touchées. La chercheuse ajoute que les gens vivant avec des maladies chroniques, des limitations ou des incapacités sont plus à risque.

Des travaux sont menés dans la municipalité de Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, où environ 40 % des gens se trouvent en situation de précarité énergétique. Les experts tentent maintenant de déterminer l’impact d’une amélioration énergétique des logements sur le bien-être des ménages les moins bien nantis.

Si les initiatives gouvernementales afin de bonifier l’efficacité énergétique des bâtiments restent peu nombreuses pour aider les populations vulnérables à effectuer la transition énergétique, il serait nécessaire d’en créer davantage, croit Mme Riva. « Il y a beaucoup de solutions qui passent par l’habitation. Différents programmes pour s’assurer que les gens ne vivent pas dans une passoire énergétique peuvent être implantés », avance-t-elle.

La chercheuse rappelle la présence de mesures comme le Prêt canadien pour des maisons plus vertes. L’initiative prévoit notamment des dispositifs pour les demandeurs de groupes autochtones et pour les collectivités du Nord et hors réseau en milieux ruraux.

Elle souligne également l’existence du projet Energize Bridgewater, qui permet à certains ménages à faible revenu de cette municipalité d’améliorer le système de chauffage et l’isolation afin de développer leur efficacité énergétique. « On travaille avec EnviroCentre, à Ottawa, pour évaluer comment le renforcement de l’efficacité énergétique d’un bloc d’un petit quartier de logements sociaux dans l’est d’Ottawa est associé ou non à l’évolution de la santé des résidents de ce logement », ajoute-t-elle.

Mme Riva plaide aussi pour la création d’un revenu minimum garanti afin de soutenir les personnes en situation de précarité énergétique. « Dans les entrevues qu’on a menées jusqu’à présent, on voit beaucoup de décisions de type “heat or eat”, se chauffer ou manger », souligne-t-elle.

Selon elle, il est nécessaire de tenir compte de l’efficacité énergétique lors de la construction de nouveaux bâtiments. « Il y a différents modèles qui existent pour concevoir des maisons, des plex, des logements sociaux, qui sont abordables et efficaces sur le plan énergétique », observe-t-elle.

Pour l’instant, la majorité des programmes d’efficacité énergétique visent des ménages qui ne sont pas à faible revenu — en finançant en partie l’installation d’une thermopompe notamment, ce qui n’est pas à la portée de toutes les bourses —, mais plusieurs initiatives visant à épauler les plus vulnérables risquent de voir le jour, anticipe Mme Riva. « Ça change et ça va évoluer rapidement au cours des prochaines années. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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