Valoriser les savoirs et le rôle des femmes autochtones

Pascaline David
Collaboration spéciale
Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec
Photo: Photo fournie par l’organisation Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec

Ce texte fait partie du cahier spécial Développement autochtone

Depuis des millénaires, les femmes autochtones sont des porteuses de savoirs et des gardiennes du territoire. Environ 150 d’entre elles, issues de différentes nations, générations et professions, se sont réunies pour échanger et définir leurs actions à venir, lors du Grand Sommet organisé dans le cadre du 50ᵉ anniversaire de Femmes autochtones du Québec (FAQ), au mois de mai dernier. L’organisme défend les droits des femmes autochtones et promeut la non-violence, la justice, l’égalité ainsi que la santé pour toutes.

« Cela nous paraissait important de revenir sur notre action lors du Grand Sommet, lance la présidente de Femmes autochtones du Québec, Marjolaine Étienne. Il y avait un vrai besoin de revisiter le passé tout en prenant conscience des réalités d’aujourd’hui afin de déterminer notre action pour l’avenir. » Cet espace d’écoute, d’échange et d’apprentissage a permis de dégager les quatre grands axes d’intervention prioritaires de FAQ. Ce sont le leadership et la gouvernance, la culture et l’identité, le territoire et les changements climatiques ainsi que le développement socioéconomique.

Présidente depuis 2021, Mme Étienne croit fermement en l’autonomisation des femmes autochtones. Elle a cocréé un programme spécifiquement consacré au leadership, avec l’École des dirigeants des Premières Nations d’HEC Montréal. « Il reste encore beaucoup de travail pour améliorer les conditions de vie des femmes autochtones et mettre en lumière leur implication dans les communautés, ajoute-t-elle. FAQ est une actrice incontournable pour cela, grâce à la richesse de son expertise. »

Marjolaine Étienne se réjouit de la présence grandissante d’alliés dans la société québécoise. La découverte des restes d’enfants autour de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops a marqué un tournant. « Cela a été très difficile, témoigne-t-elle, sans trouver les mots exacts pour décrire l’émotion ressentie. Ça a déclenché une prise de conscience individuelle et collective et cela a ouvert la discussion sur d’autres questions liées aux femmes autochtones. » Il semble aujourd’hui important de favoriser les réussites et réalisations des communautés. En particulier les femmes, qui ont besoin de modèles pour oser prendre leur place.

Luttes environnementales

Melissa Mollen Dupuis, autrice innue, réalisatrice, animatrice de radio et militante pour les droits des Autochtones, en est un excellent exemple. Elle est connue pour son engagement dans le mouvement Idle No More (Jamais plus l’inaction), déployé en réaction à la loi omnibus C-45 du gouvernement Harper, adoptée en 2012, et qui menaçait la protection de l’eau sur le territoire. « Ça a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres, se souvient-elle. Cela a enclenché ma réflexion sur le racisme environnemental, les projets développés sur des territoires autochtones sans leur consentement libre et éclairé. » Idle No More a d’ailleurs été mené principalement par des femmes autochtones, car la protection de l’eau est une de leurs responsabilités depuis des millénaires.

« Chez nous, quand ça va très mal, ce sont les mères et les grands-mères qui se mobilisent », poursuit Melissa Mollen Dupuis. Historiquement, les femmes — et particulièrement les grands-mères chez les Innus — étaient centrales dans la cohésion des villages. Leurs savoirs botaniques et médicinaux étaient, par ailleurs, essentiels. Chez les Iroquoiens, les femmes les plus âgées et les plus expérimentées — les mères de clans — choisissaient les hommes qui formaient le gouvernement. Les lois coloniales ont fait disparaître ce rôle, transformant notamment la façon de sélectionner les dirigeants.

« En s’impliquant, les femmes autochtones reprennent une position de leadership qui n’a rien à voir avec le pouvoir ou la gloire, mais avec le bien-être des communautés, ajoute Melissa Mollen Dupuis. La colonisation, le racisme et le sexisme les ont trop longtemps exclues et dévalorisées. » Le 28 mai dernier, elle a d’ailleurs participé à une discussion avec l’anthropologue abénaquise Nicole O’Bomsawin, animée par Widia Larivière, directrice et cofondatrice de Mikana, un organisme qui promeut le dialogue entre allochtones et Autochtones.

Décoloniser les esprits et la science

Avant la colonisation, les communautés autochtones ont vécu en circularité et en harmonie avec le territoire. « Notre modèle traditionnel comprend que la planète a des ressources finies et la responsabilité que cela implique, c’est-à-dire qu’on n’a pas de voisins sur Mars pour nous dépanner d’une tasse de sucre, illustre Melissa Mollen Dupuis avec humour. Réautochtoniser les savoirs profiterait à tout le monde, à l’inverse du colonialisme qui favorise un groupe spécifique. »

Ces savoirs ancestraux doivent être considérés comme des sciences à part entière, issues d’observations précises et partagées. Les travaux de chercheuses et chercheurs autochtones et les connaissances issues des communautés en général tendent à être de plus en plus intégrés aux sciences occidentales. L’Organisation des Nations unies (ONU), dans un rapport scientifique, a reconnu les bénéfices d’une gestion autochtone des aires protégées pour favoriser la biodiversité et la santé des forêts.

Melissa Mollen Dupuis estime fondamental de trouver des manières de réconcilier les savoirs et de repenser les structures de pouvoirs pyramidales. À travers l’éducation des plus jeunes et la sensibilisation du public, elle s’est donné pour mission d’outiller les futures générations afin que ses enfants — et tous les autres — puissent continuer à habiter « l’Île de la Tortue ».

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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