L’Union européenne impose des surtaxes aux véhicules électriques chinois

La hausse des exportations a permis aux marques chinoises de grignoter des parts de marché dans l’UE, passant de moins de 2% des voitures électriques vers la fin 2021 à près de 8% fin 2023, selon l’institut spécialisé Jato. Sur la photo, des gens visitent un kiosque du fabricant de véhicules chinois BYD, lors du Salon de l’automobile de Pékin («Beijing Auto Show 2024»), le 29 avril dernier.
Photo: Pedro Pardo Agence France-Presse La hausse des exportations a permis aux marques chinoises de grignoter des parts de marché dans l’UE, passant de moins de 2% des voitures électriques vers la fin 2021 à près de 8% fin 2023, selon l’institut spécialisé Jato. Sur la photo, des gens visitent un kiosque du fabricant de véhicules chinois BYD, lors du Salon de l’automobile de Pékin («Beijing Auto Show 2024»), le 29 avril dernier.

L’Union européenne (UE) a imposé jeudi à titre conservatoire jusqu’à 38 % de droits de douane supplémentaires sur les importations de véhicules électriques chinois, avant une décision définitive en novembre, accusant Pékin d’avoir illégalement favorisé ses constructeurs.

Face aux « subventions déloyales » accordées selon Bruxelles aux entreprises chinoises, ces droits « compensateurs » entreront en vigueur vendredi, s’ajoutant aux taxes de 10 % déjà appliquées par l’UE aux véhicules importés de Chine.

À l’issue d’une enquête antisubventions entamée en octobre, Bruxelles avait annoncé ces surtaxes le 12 juin, tout en lançant des discussions avec Pékin pour tenter de résoudre le problème et désamorcer les risques de guerre commerciale.

La Chambre de commerce chinoise dans l’UE a fustigé une « mesure protectionniste motivée par des facteurs politiques », espérant que les pourparlers débouchent « le plus tôt possible ».

Cui Dongshu, secrétaire général de la Fédération chinoise des constructeurs de voitures, a condamné auprès de l’AFP « une erreur complète », susceptible d’augmenter le coût des véhicules « au détriment des consommateurs » européens.

La Commission a désormais quatre mois pour décider de surtaxes définitives, ce qui laisse ouverte une fenêtre de dialogue. Ces droits définitifs, qui devront être avalisés par les Vingt-Sept, seraient valables cinq ans.

Bruxelles emboîte le pas aux États-Unis, qui avaient annoncé mi-mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100 %, contre 25 % précédemment.

Championne des moteurs essence et diesel, l’industrie automobile européenne craint de voir ses usines disparaître si elle échoue à endiguer la déferlante annoncée des modèles électriques chinois. Pékin a pris de l’avance en investissant de longue date dans les batteries.

Dans l’UE, le marché est en plein essor avant l’interdiction en 2035 des ventes de véhicules neufs à moteur thermique : or les véhicules électriques chinois représentent 22 % du marché européen, contre 3 % il y a trois ans, selon les estimations du secteur. Les marques chinoises occupent 8 % de parts de marché.

« Des contacts se poursuivent »

« Les consultations avec le gouvernement chinois se sont intensifiées ces dernières semaines […] Des contacts se poursuivent au niveau technique » pour parvenir à « une solution mutuellement acceptable », selon la Commission.

Bruxelles imposera des surtaxes de 17,4 % au fabricant chinois BYD, 19,9 % à Geely et 37,6 % à SAIC (marque MG…). Les autres constructeurs seront soumis à un droit supplémentaire moyen d’environ 21 % s’ils ont coopéré à l’enquête, ou de 37,6 % dans le cas contraire. Ces droits ne seront perçus que si des droits définitifs sont institués.

Le constructeur chinois XPeng a affirmé à l’AFP qu’il « ne changera pas » sa stratégie de développement et cherchera à trouver « des moyens de minimiser l’impact » sur ses clients européens.

Son homologue NIO dit « rester pleinement engagé » sur le marché européen et assure « maintenir les prix de ses modèles à ce stade ». MG France a pour sa part pris les devants en dédouanant et stockant 2600 véhicules, a indiqué sa direction.

Des modèles de marques non chinoises produits en Chine sont aussi ciblés : Tesla Model 3, Mini électriques, Volvo EX40…

Si les surtaxes sont confirmées par Bruxelles, seule une majorité qualifiée d’États membres (15 pays représentant 65 % de la population européenne) pourrait s’opposer à leur adoption définitive.

Selon l’institut allemand Kiel, ces droits additionnels pourraient réduire de 42 % les importations de véhicules électriques venant de Chine, une baisse « largement compensée par l’augmentation des ventes de producteurs européens et d’importations de pays tiers ».

Pour autant, à long terme, cela ne rendrait pas forcément plus abordable le prix des voitures électriques en Europe, prévient-il.

Réticences allemandes

Si la France et l’Espagne poussaient activement pour des mesures proportionnées, l’Allemagne, très engagée en Chine, bataillait au contraire avec la Suède et la Hongrie pour éviter des sanctions, craignant des représailles de Pékin.

Les constructeurs automobiles allemands Audi, BMW, Mercedes et Volkswagen réalisent près de 40 % de leurs ventes mondiales en Chine. « Les effets négatifs de cette décision l’emportent sur les avantages possibles », a déploré Volkswagen jeudi.

Pékin a menacé l’UE de mesures de rétorsion : la Chine a déjà annoncé mi-juin une enquête antidumping sur les importations de porc européen, après une enquête lancée en janvier sur les eaux-de-vie de vin de l’UE (dont le cognac). Vins, produits laitiers et voitures à grosses cylindrées seraient aussi dans son viseur, selon la presse chinoise.

Cette nouvelle passe d’armes s’inscrit dans les tensions commerciales grandissantes entre les Occidentaux et la Chine, également accusée de détruire la concurrence dans d’autres secteurs : éoliennes, panneaux solaires, batteries…

Avec l’intention de freiner les importations de véhicules électriques chinois sans les bloquer complètement, l’UE assure cependant se conformer aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Elle espère ainsi protéger une filière qui emploie 14,6 millions de salariés dans l’UE tout en évitant un conflit mortifère avec son deuxième partenaire économique derrière les États-Unis.

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