Trop de silence entoure le dossier de Stablex
Le 12 juin dernier, Radio-Canada nous apprenait que Benoit Charette, ministre de l’Environnement, mettait de la pression sur la mairesse de Blainville afin de permettre l’agrandissement du site de déchets industriels toxiques de la compagnie américaine Stablex, semblant ainsi aller à l’encontre du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) qui a recommandé, en 2023, de ne pas autoriser ce projet.
La Coalition des groupes environnementaux – Dossier Stablex a, depuis, pris connaissance du fait que le ministère a délivré à la multinationale, le 10 juin dernier, un permis d’exploitation pour les cinq prochaines années (de juin 2024 à juin 2029).
De nombreuses questions nous viennent en tête. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle n’a pas fait les manchettes malgré son importance.
Comment se fait-il qu’aucune sortie publique du ministre n’ait eu lieu à ce sujet ?
Le ministère de l’Environnement, dans un article de La Presse+, s’est permis d’attaquer la qualité de l’analyse des échantillonnages faite par la Coalition qui montre une contamination des eaux et des sédiments. Du même souffle, le ministère affirme dans un communiqué de presse qu’il a lui-même réalisé une inspection et un échantillonnage rigoureux qui atteste la conformité du site.
Si c’est le cas, pourquoi les données brutes de cet échantillonnage n’ont-elles pas été rendues publiques ? Pourquoi l’analyse n’a-t-elle pas été rendue publique ? Pourquoi les normes utilisées (ce qui peut modifier grandement les conclusions d’une analyse) n’ont-elles pas été rendues publiques ? Est-ce que Stablex a été informé de la visite du ministère avant l’échantillonnage ou non ? Est-ce que le dépassement de 320 fois la norme de cadmium enregistré par l’échantillonnage citoyen sur un site près de Stablex n’est que la pointe de l’iceberg ou une anomalie comme le prétend le ministre ?
De plus, la Coalition a fait parvenir au ministre, le 16 mai, une liste de demandes afin que, si une autorisation devait être renouvelée, on puisse s’assurer d’éviter toute contamination. Est-ce que les demandes de la Coalition assurant une plus grande transparence ont été incluses dans le nouveau permis ? Est-ce que le ministre a tenu compte de la demande de limiter Stablex à la cellule 5 existante ?
La Coalition se questionne également sur l’importance que le gouvernement actuel accorde au processus de consultation que représente le BAPE. Pour le dossier Northvolt, l’idée d’un BAPE complet a en effet été rejetée par le ministre de l’Environnement. Pour Stablex, par contre, il y a bel et bien eu un BAPE, mais on ne semble pas vouloir en tenir compte. Est-ce que le ministre considère maintenant que le BAPE est inutile pour les grands projets au Québec ?
Est-ce qu’une consultation publique nationale sur l’avenir de l’enfouissement des déchets toxiques au Québec, telle que la Coalition le demandait, pourrait encore avoir une utilité maintenant que l’autorisation a été délivrée pour les cinq prochaines années à Stablex ? Est-ce que le ministre considère maintenant que son rôle principal est d’accompagner les entreprises plutôt que de défendre l’environnement et de lutter activement contre la crise climatique ?
La liste de questions est longue et les réponses absentes, pour l’instant.
Il est temps que le ministre de l’Environnement fasse preuve de beaucoup plus de transparence dans le dossier Stablex. La population de Blainville et de l’ensemble du Québec a droit à des réponses.
*Ont cosigné cette lettre : Eau Secours ; Mères au front, Rivières des Mille-Îles (MAF-RDMI) ; Mouvement d’action régional en environnement (MARE) ; Société pour vaincre la pollution (SVP) ; Coalition Alerte à l’enfouissement Rivière-du-Nord (CAER).
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