Le tramway de Québec perd l’appui inconditionnel du parti qui l’a initié

Le chef de Québec d’abord, Claude Villeneuve (ici photographié en novembre 2021), a accusé le maire de Québec de plomber l’appui de la population à l’égard du projet.
Renaud Philippe Archives Le Devoir Le chef de Québec d’abord, Claude Villeneuve (ici photographié en novembre 2021), a accusé le maire de Québec de plomber l’appui de la population à l’égard du projet.

Le tramway, à Québec, pourrait perdre l’appui du parti qui l’a mis en premier sur les rails. L’opposition officielle à l’hôtel de ville, héritière de l’ancienne formation de Régis Labeaume, refuse désormais d’accorder « un chèque en blanc » à son successeur.

Mercredi matin, le maire de Québec, Bruno Marchand, apparaissait à la une de plusieurs médias de la capitale. Lors de cette tournée médiatique, il profitait de sa tribune pour répéter que le tramway et la place qu’il occupe dans le débat public occultent d’autres enjeux d’importance pour la capitale.

« Ça absorbe beaucoup d’espace, probablement trop », confiait-il au Soleil, avant de rectifier son adverbe. « Assurément trop. »

Ce même tramway revenait pourtant le monopoliser au cours de la même journée. À peine revenu de congé de paternité, le chef de l’opposition officielle, Claude Villeneuve, n’a pas perdu de temps pour jeter les gants et accuser le maire de « nuire » à l’acceptabilité sociale du projet.

L’accession de Bruno Marchand à la tête de la Ville a plombé l’appui de la population à son égard, a-t-il lancé, graphique en main, lors d’un point de presse tenu mercredi matin. Le chef de l’opposition officielle reproche au maire de semer la confusion avec « des déclarations contradictoires, des intentions qui ne sont pas claires [et] des messages qui nous font douter de sa volonté. »

« Notre position est claire : on veut un tramway, a indiqué le chef de Québec d’abord. Mon problème, ce n’est pas le projet. C’est le porteur qui n’est pas fiable. »

Brassage de cartes à Québec

Le maire Bruno Marchand répète que le tramway deviendra réalité, en ajoutant toutefois un bémol depuis cet été : « pas à n’importe quel prix ». Récemment, il a indiqué que si les deux consortiums en lice pour décrocher le lucratif contrat des infrastructures se montrent trop gourmands, la Ville pourrait prendre en main ce volet du chantier pendant qu’Alstom fabrique les rames.

Une pilule qui ne passe pas auprès de l’opposition officielle, qui commence à se dissocier d’un tramway qu’elle a pourtant défendu bec et ongles au pouvoir. « C’est de moins en moins le projet de tramway qui était sur la table au moment de l’élection sous l’ancienne administration », a accusé le conseiller de Maizerets-Lairet. « Moi, quand on me parle de faire le tramway en régie, on est dans un tout autre univers en termes de gestion de risques, en termes de réalisation du projet, a affirmé Claude Villeneuve. Si le projet de Bruno Marchand ne nous rassure pas, ne nous sentirons pas obligés de l’appuyer. »

Les pièces de l’échiquier municipal, à Québec, ont connu un rebrassage avant la rentrée politique d’automne. L’ancien meneur de la fronde contre le tramway de Québec, Jean-François Gosselin, a quitté son siège d’indépendant pour rallier le parti au pouvoir avec sa collègue Bianca Dussault. Les deux transfuges ont ainsi procuré une majorité aux troupes de Bruno Marchand, qui peuvent désormais gouverner sans être contraint d’obtenir l’appui des camps opposés.

Pour Claude Villeneuve, la « promotion » de Jean-François Gosselin au comité exécutif, lui qui promettait encore de « mettre la hache » dans le tramway au cours de la dernière campagne électorale, envoie encore un signal ambigu à la population. « J’ai bien hâte de voir l’effet Marchand quand on y aura ajouté l’indice Gosselin », a raillé le chef de l’opposition à propos de l’appui toujours minoritaire de la population à l’égard du tramway.

Un allié qui débarque, déplore le maire

Le maire n’a pas tardé à répliquer, accusant son adversaire de faire des « sparages politiques » pour engranger dans un objectif électoraliste. L’opposition officielle, selon le maire, veut « créer beaucoup de bruit et essayer d’attirer l’attention. Je pense que ça témoigne, a-t-il ajouté, d’un geste désespéré. »

Bruno Marchand a rappelé que les troupes de Claude Villeneuve ont elles-mêmes fait défection au moment du vote qui octroyait la construction des rames à Alstom, au printemps dernier. « Nous avons un allié qui débarque du bateau et qui décide de partir de son bord. Libre à lui de le faire, a indiqué le maire, mais nous, nous ne pouvons pas compter sur lui. »

C’est d’ailleurs parce que l’appui de l’opposition officielle vacillait lors de votes importants sur le tramway que son équipe a entrepris de recruter deux opposants notoires au projet. « Nous avions grandement besoin de travailler autrement, a souligné le maire, parce que nos alliés n’étaient pas fiables. »

Bruno Marchand a également rejeté du revers de la main l’accusation de son adversaire voulant que son élection eût provoqué une chute des opinions favorables à l’égard du tramway, rappelant que sous l’ère de Régis Labeaume, il n’avait jamais réussi à rallier une majorité.

Le coût du chantier demeure encore à déterminer. Évaluée à 3,3 milliards de dollars aux dernières élections municipales, la facture du tramway a, depuis, grimpé de 600 millions de dollars. L’inflation et le contexte économique difficile contribueront encore à faire gonfler la note, avertit lui-même le maire de Québec.

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