Un tour du chapeau des brasseries sportives
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Qu’on les nomme tavernes, bars ou brasseries, les établissements qui présentent du sport à leur clientèle font partie intégrante du paysage québécois depuis des lustres. Dans chaque communauté, petite ou grande, ces lieux rassembleurs et festifs ont accompagné notre histoire, ainsi que l’évolution de nos moeurs. Et même s’ils ont beaucoup changé, ils incarnent encore aujourd’hui un pan important de notre culture. Alors, braquons nos regards vers trois de ces temples de libations sportives.
Ce n’est un secret pour personne : à une certaine époque, les tavernes, sportives ou non, étaient avant tout une histoire de gars. Des boys’ clubs qui réunissaient autour d’une bière des collègues, une ligue de garage, des voisins. C’est ce principe très genré qu’un Alsacien (ça ne s’invente pas !) est venu changer en 1984 en ouvrant la toute première Cage aux sports, aujourd’hui La Cage — Brasserie sportive, dans le Vieux-Montréal.
« Georges Durst avait remarqué à quel point la rivalité Canadiens-Nordiques alimentait la vie des Québécois. Il a donc été le premier à diffuser des matchs de hockey sur de grands écrans. Il a aussi révolutionné le milieu des tavernes en proposant un concept de restauration qui permettrait aux femmes et aux familles de se joindre à la fête. C’était très visionnaire », raconte Jean Bédard, qui s’est lancé dans la vingtaine avec des amis dans l’aventure d’une première franchise La Cage aux sports à Saint-Hyacinthe en 1989. Et ce, avant d’en ouvrir deux autres et de se voir confier, en 1995, les rênes de cette enseigne dont il est toujours président, avec 39 établissements (dont un à Bordeaux, en France) à son actif.
M. Bédard est évidemment un acteur clé de l’évolution de La Cage aux sports depuis 40 ans. En l’écoutant, nous nous transportons dans les années 1980 et 1990, à l’intérieur de ces brasseries sportives au décor, disons, chargé de l’époque. On y voit des boiseries aux murs, capitonnages rouge vif, pancartes et fanions en abondance, cadres et artefacts, éléments surprenants comme des chevaux de carrousel ou une cabine téléphonique anglaise. Et ce, sans oublier le grand avion jaune typique de La Cage aux sports suspendu au plafond. Le contraste est frappant avec les établissements actuels, souvent lumineux et au décor plus contemporain et dépouillé.
Mais il faut rappeler que La Cage aux sports était déjà conçue pour la fête. « C’était un lieu rassembleur, avec toutes sortes de personnes qui vivaient par et pour le hockey québécois. À un tel point que, quand la Sainte-Flanelle perdait avant ou pendant les séries, on se disait que l’été allait être très long pour nous ! » avoue Jean Bédard en riant.
Pour plus de prévisibilité, surtout après quelques années de disette sportive québécoise, le président a de plus en plus travaillé le menu liquide et solide proposé dans ses établissements. Sous sa gouverne, le nombre de 3 bières — Molson, Labatt, O’Keefe — des débuts a grimpé jusqu’à 24, juste en fût. « Les gens avaient peur d’être malades s’ils en prenaient d’autres ! » conte M. Bédard. Elles voisinent désormais avec du vin et des cocktails.
Une progression similaire a touché la nourriture, qui a toujours primé sur la consommation d’alcool dans ces établissements. « Le menu est resté longtemps assez court. On allait à La Cage pour commander des ailes de poulet, des poutines, quelques salades et surtout le fameux combo poulet rôti à la broche-côtes levées-salade de chou-frites, indique le président. Tandis qu’à présent, on peut y déguster des tartares, des calmars frits, des pokés, et également de la bonne pizza maison. Toutes nos sauces sont faites avec des fonds de viande, nous utilisons de l’huile de caméline locale, etc. Bref, même si nous sommes toujours fidèles à l’équation bouffe-bière-sport, La Cage est aussi devenue un restaurant où on peut se rendre juste pour manger et prendre un verre. » Comme quoi, tout en gardant son identité, La Cage embrasse pleinement son présent et son avenir.
Brasseries sportives de quartier
Même si on pense souvent à La Cage en matière de brasserie sportive, cette enseigne est loin d’être la seule à avoir marqué les Québécois. À Montréal, par exemple, le Bruno Sports Bar, le Burgundy Lion ou encore la Taverne Midway sont toutes des adresses prisées des amateurs de sport. Charles Landry, qui a repris le Midway avec ses associés en 2014, a redonné ses lettres de noblesse à cette institution. Des générations de clients s’y sont rendues depuis son ouverture en 1927 au coeur de l’emblématique Red Light.
« Comme nous sommes fans de sports, il était logique que nous l’intégrions dans notre concept, dit-il. Mais nous voulions une taverne à notre image, un endroit où il serait possible de regarder un match tout en buvant et en mangeant des trucs de qualité. »
Avec une vingtaine de bières pression, un choix de plus de 400 spiritueux et des plats à partager simples, mais bien faits, le pari de M. Landry a été relevé. En l’espace de 10 ans, le Midway est devenu une destination pour une clientèle éclectique, qui vient ou non pour les séries de hockey, le Super Bowl ou les grands tournois de baseball qui y sont diffusés. Preuve, d’ailleurs, que le genre plaît toujours, Charles Landry et ses associés s’apprêtent à ouvrir, non loin de là, un second petit bar dans quelques semaines, Chez Miller.
Impossible, toutefois, de clore cet article sans partir un peu en région, où les brasseries sportives ont occupé une place tout autant, sinon plus importante que celles situées dans les métropoles. Pour ce faire, rendons-nous à Terrebonne, une ville moyenne dont le coeur festif se trouve dans la Brasserie McTavish depuis 25 ans. On y consacre même la journée du dimanche au football américain, avec des matchs de la NFL suivis fidèlement par des fans, hommes comme femmes, vêtus des maillots de leurs équipes préférées de la ligue.
« C’est devenu une tradition ici, confirme Maxime Laforest, copropriétaire de cette petite brasserie de quartier. Mais cela ne nous empêche pas de diffuser toutes sortes de sports sur nos écrans, surtout quand des Québécois et des Canadiens arrivent en finale de certains tournois. C’est plutôt la fibre nationale qui attire nos clients. »
Qu’il s’agisse donc d’un match de série des Canadiens, de la participation de nos athlètes aux Jeux olympiques, ou tout simplement d’un championnat disputé par une équipe junior locale, toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver au McTavish. Avant, c’était essentiellement un verre de bière à la main. Maintenant, c’est avec un menu réconfortant en plus, signé Le Gras dur. Mais l’atmosphère électrisante typique des brasseries sportives, elle, demeure la même, quelle que soit l’époque. Après tout, il n’y a rien de plus rassembleur que le sport, n’est-ce pas ?
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