Rose Ouellette ressuscitée sur scène
Lorsque Gabrielle Fontaine a été approchée pour jouer Rose Ouellette pour le Théâtre de l’oeil ouvert, elle ne savait pas trop de qui il s’agissait. Puis, quand on lui a dit que Rose Ouellette était La Poune, elle s’est souvenue de la personne âgée, au sourire coquin, qui jouait, dans le Bye-bye de fin d’année, déguisée comme l’extraterrestre E.T., ou qui apparaissait dans l’annonce de bière rousse de Molson.
Au fil des textes écrits par Geneviève Beaudet, Rose Ouellette s’est dévoilée derrière La Poune, une femme plus discrète que son personnage comique, une femme d’affaires aussi, la première femme à diriger deux théâtres en Amérique du Nord. Rose Ouellette a aussi popularisé l’art de l’improvisation au Québec. C’est cette femme que le public pourra découvrir dans La géante, la pièce musicale présentée par le Théâtre de l’oeil ouvert, en première cet été, avec Gabrielle Fontaine dans le rôle principal.
L’idée est venue de Geneviève Beaudet. « J’avais le mandat, avec Jade Bruneau, la directrice du Théâtre de l’oeil ouvert, d’écrire un théâtre musical, avec comme personnage principal une femme importante du Québec, dit-elle en entrevue. Je suis tombée par hasard sur La Poune. J’ai découvert que je connaissais, un peu, La Poune, mais que je ne connaissais pas la femme extraordinaire, la femme d’affaires qu’elle a été toute sa jeunesse. » Cette femme, c’est celle que Geneviève Beaudet a entrepris de faire connaître aux plus jeunes « sous un jour lumineux et aussi jeune, cool et accessible ».
« Faire rire même si les coeurs ont envie de pleurer ; Rose Ouellette en fait l’oeuvre de sa vie. Elle brave les préjugés d’une époque qui a une petite tendance à préférer les femmes à la maison, bien sages, bien occupées à autre chose qu’à briller sur les planches. Elle crée un personnage intemporel, rempli d’audace et de candeur, un personnage qui, sous ses airs de petit matelot espiègle, est beaucoup plus profond et féministe qu’il n’y paraît », écrit Geneviève Beaudet, dans un texte introduisant le spectacle.
En fait, La géante remontera dans le temps, à partir de la jeunesse de Rose Ouellette, dans le Faubourg à m’lasse de Montréal marqué par la guerre, puis par la crise, et se termine lorsque celle-ci a environ 40 ans, juste avant qu’elle commence à faire de la télévision. « Elle venait d’un milieu pauvre, dit Gabrielle Fontaine. Elle a eu 14 frères et soeurs qui sont décédés en bas de l’âge de 2 ans. Donc on est, dans le Faubourg à m’lasse, dans une période de grande précarité, de grande pauvreté. C’est une charge dramatique, c’est montrer l’époque de l’après-guerre. Mais c’est montrer aussi l’autre penchant. C’est-à-dire que Rose voulait faire rire dans cette époque tellement triste. Il y a du tragique, mais aussi du burlesque. »
« Ce qu’on dit, par exemple, c’est qu’à cette époque, il y avait des gens qui prêtaient leurs femmes à des contremaîtres pour pouvoir travailler », raconte Geneviève Beaudet.
Du théâtre et de la soupe
Dans ce contexte, Rose Ouellette, qui dirige le théâtre Cartier, puis le théâtre National, monte « jusqu’à quinze spectacles par semaine, des spectacles, très politisés, sur ce qui se passait dans l’actualité. Son but est de rendre le théâtre accessible, dans la politique, mais aussi dans l’humour, toujours », poursuit Gabrielle Fontaine. Pour que les gens de milieu ouvrier se déplacent au théâtre, Rose Ouellette les recevait avec de la soupe chaude, gardait les prix les plus bas possible. Et les gens venaient.
L’histoire de Rose Ouellette, c’est aussi celle d’une grande histoire d’amour entre deux femmes : Rose elle-même et Gertrude Bellerive, qui était aussi sa secrétaire. Sur scène, c’est Jade Bruneau qui incarnera Gertrude.
Derrière La Poune, c’est donc Rose Ouellette qui se dévoile. « C’était une femme d’affaires qui avait du caractère, qui avait de l’ambition, qui avait dune force intérieure pour diriger une équipe », dit Gabrielle Fontaine. Mais on verra aussi La Poune sur scène, dans un numéro que Geneviève Beaudet a inventé pour le spectacle.
Petite et rousse, comme Rose Ouellette, Gabrielle Fontaine a tout de même dû travailler son accent, pour adopter un parler plus typique du Faubourg à m’lasse. Reste que la femme qu’elle incarnera était lumineuse, « très positive » selon les témoignages de ceux qui l’ont connue, notamment sa petite-fille Kathleen Verdon.
Théâtre musical, L’oeil ouvert fait autant chanter que danser. Ce sera cette fois sur une musique originale d’Audrey Thériault.