Des témoins décrivent le «chaos» de la bousculade qui a fait 121 morts en Inde

Des gens se rassemblent devant la maison d’une victime décédée dans une bousculade lors d’un sermon à Hathras.
Photo: Arun Sankar Agence France-Presse Des gens se rassemblent devant la maison d’une victime décédée dans une bousculade lors d’un sermon à Hathras.

Les survivants de la bousculade la plus meurtrière en Inde depuis plus d’une décennie ont témoigné mercredi du « chaos » ayant régné la veille pendant un très vaste rassemblement au cours duquel un prédicateur hindou a promis d’améliorer la vie des plus pauvres, mais dont 121 des participants ont péri.

Une foule de quelque 250 000 personnes était rassemblée pour écouter un prédicateur mardi à Hathras dans l’État de l’Uttar Pradesh (nord), selon un rapport de police, soit plus du triple des 80 000 personnes autorisées.

Cet hindou qui a une grande notoriété dans l’Uttar Pradesh n’a pas réapparu depuis le drame.

Quelques heures après la bousculade mortelle, mercredi matin, des vêtements abandonnés et des chaussures jonchaient encore le site, un champ boueux le long d’une autoroute.

Selon des témoins, de nombreuses personnes sont tombées les unes sur les autres en dévalant une pente jusqu’à un fossé gorgé d’eau.

« Tombés les uns sur les autres »

« Tout le monde — toute la foule, incluant des femmes et des enfants — a quitté le site de l’événement en même temps », a expliqué Sheela Maurya, une policière de 50 ans, qui était en service.

« Il n’y avait pas assez de place et les gens sont tombés les uns sur les autres ».

Les services de gestion des catastrophes de l’Uttar Pradesh ont diffusé mercredi matin la liste des noms des 121 morts, pour la plupart des femmes.

Les autorités ont d’abord accusé une tempête de poussière d’avoir déclenché le mouvement de panique, mais la police a ensuite affirmé que la bousculade était survenue quand des « fidèles ont commencé à ramasser de la terre » à l’endroit où le prédicateur était passé.

Le ministre en chef de l’Uttar Pradesh, s’est rendu en hélicoptère auprès des dizaines de blessés.

« Ce type d’incident n’est pas un simple accident », a déclaré aux journalistes Yogi Adityanath, le ministre qui est aussi un moine hindou, vêtu de sa robe safran. Une enquête judiciaire a été ouverte.

Un groupe de femmes s’est alors « approché de lui pour le toucher », a poursuivi M. Adityanath.

« Une foule les a suivies et elles sont tombées les unes sur les autres. Les organisateurs les ont bousculés […], c’est comme ça que c’est arrivé ».

La police a de son côté dit rechercher ces organisateurs pour les interroger.

Des « charlatans »

La policière, qui travaillait mardi lors de la cérémonie dans une chaleur humide et étouffante, a aussi été blessée.

« J’ai essayé d’aider des femmes, mais je me suis évanouie et j’ai été écrasée par la foule », dit-elle. « Je ne sais pas comment, mais quelqu’un m’a tirée de là, et je ne me souviens plus de grand-chose ».

« L’autoroute principale qui longe le champ était bondée de gens et de véhicules sur des kilomètres, il y avait beaucoup trop de monde ici », a souligné Hori Lal, 45 ans, qui vit dans le village de Phulrai Mughalgadi, à proximité.

« Une fois que les gens ont commencé à tomber sur le côté et à être écrasés, c’était le chaos ».

Sudha, 30 ans, avait quant à elle marché, pris le train puis fait du stop pour entendre Bhole Baba parler, à environ 80 kilomètres de chez elle. Elle était accompagnée de son plus jeune fils, Yuvansh, âgé de quatre ans et dont on a retrouvé après le drame le corps sans vie sous une pile d’autres cadavres.

Un portrait du prédicateur est cependant toujours accroché sur un des murs de sa maison dans la petite localité de Northa.

Ayant eu vent des changements positifs que ce dernier aurait apportés à des femmes ayant assisté à ses prêches, qui avaient « cessé d’être maltraitées » par leurs époux, « je pensais que participer (à l’événement) aurait amélioré la situation de mon mari et que notre vie serait devenue meilleure », explique-t-elle.

« Tout le monde tombait comme des matelas », témoigne pour sa part Kamini, 28 ans, qui a transporté mercredi jusqu’à Gohra, un autre village, la dépouille de sa belle-mère Mira Devi avec laquelle elle était allée écouter Bhole Baba. « Je ne pourrai plus jamais me rendre à des rassemblements aussi grands ».

Au service des urgences de l’hôpital, Sandeep Kumar, 29 ans, est assis à côté de sa soeur blessée, Shikha Kumar, 22 ans. « Après la fin de l’événement, tout le monde voulait sortir rapidement et c’est ce qui a débouché sur la bousculade […]. Elle a vu des gens s’évanouir, se faire écraser ».

« Le gouvernement doit arrêter ces charlatans. Des dizaines de foyers ont été détruits et des mères pleurent à cause d’eux », s’emporte à cet égard Om Vati, 40 ans, du village de Northa.

Le premier ministre Narendra Modi a annoncé une indemnisation de 2 400 dollars pour les proches des personnes décédées et de 600 dollars pour les blessés dans cet « accident tragique ».

La chambre haute du Parlement a observé une minute de silence mercredi.

Les rassemblements religieux en Inde détiennent un triste record d’épisodes mortels dus à une gestion des foules défaillante et à des lacunes en matière de sécurité.

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