Une société d’État fédérale accorde 500 millions de dollars à un projet d’énergie fossile

Le trafic maritime lourd lié aux projets d’exportation de gaz naturel en Colombie-Britannique risque de nuire à plusieurs espèces de mammifères marins sensibles à la pollution sonore.
Photo: Koji Sasahara Associated Press Le trafic maritime lourd lié aux projets d’exportation de gaz naturel en Colombie-Britannique risque de nuire à plusieurs espèces de mammifères marins sensibles à la pollution sonore.

La société d’État Exportation et développement Canada (EDC) vient d’accorder un financement de 400 à 500 millions de dollars au projet d’usine flottante de liquéfaction Cedar LNG, qui s’implantera en Colombie-Britannique. Le premier ministre Justin Trudeau a d’ailleurs salué la construction du complexe, qui sera alimenté par le gazoduc Coastal GasLink, lequel transporte essentiellement du gaz exploité par fracturation.

Selon ce qu’a précisé EDC en réponse aux questions du Devoir, l’accord de financement, qui prévoit un prêt de 400 à 500 millions de dollars, servira à « soutenir la construction de l’installation flottante de Cedar LNG et d’infrastructures terrestres connexes ». « Le financement accordé par EDC à ce projet s’inscrit dans sa volonté d’appuyer la transition énergétique mondiale et la réconciliation économique des Autochtones », ajoute la société d’État.

Le projet Cedar LNG, piloté par la Première Nation Haisla et la Pembina Pipeline Corporation, est conçu pour l’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) par navire méthanier vers le marché Asie-Pacifique dès 2027. Son usine flottante de liquéfaction pourra traiter 11,3 millions de mètres cubes de gaz chaque jour et produire ainsi chaque année 3,3 millions de tonnes de GNL. Le coût du projet est estimé à 5,5 milliards de dollars.

Le gaz naturel proviendra de la formation de Montney, où il est emprisonné dans des réservoirs dits « étanches » qui nécessitent des opérations de fracturation pour l’en extraire. Le gaz sera acheminé vers le complexe Cedar LNG, situé dans la même région que le mégaprojet LNG Canada, par le réseau Coastal GasLink, dont la construction a suscité une vive controverse et la crise nationale des blocages ferroviaires au début de 2020. En pleine crise de la COVID-19, EDC avait accordé un prêt pouvant atteindre 500 millions de dollars à la multinationale TC Energy pour l’aider à financer la construction de ce gazoduc.

« Transition »

Même s’il s’agit d’un projet directement lié à l’industrie des énergies fossiles, EDC y voit un moyen de soutenir « la transition vers un avenir sobre en carbone ».

La société d’État fait aussi valoir, dans sa réponse écrite, qu’elle « reconnaît qu’il est urgent de prendre des mesures face aux changements climatiques ». « En tant qu’organisme de crédit à l’exportation du Canada, elle est résolue à favoriser une économie à faible émission de carbone tout en remplissant son mandat : soutenir les exportateurs canadiens et accroître la compétitivité du pays sur les marchés mondiaux. »

Dans une « déclaration de décision » datée de mars 2023 et signée par le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, le gouvernement canadien précisait d’ailleurs que le projet devait atteindre la « carboneutralité » d’ici 2050. Cette cible de « zéro émission nette » ne tient pas compte de l’exploitation du gaz naturel ni de son utilisation une fois exporté.

Dans ce complexe industriel, la production sera alimentée par l’hydroélectricité, ce qui signifie qu’il aura « une intensité d’émissions de gaz à effet de serre parmi les plus faibles au monde, comparativement aux autres projets de GNL », selon Ottawa. Un message repris cette semaine par Justin Trudeau, qui a diffusé une vidéo pour saluer le démarrage officiel du projet d’exportation de gaz naturel.

Navires méthaniers

Le promoteur devra aussi mettre en oeuvre « un plan d’atténuation des impacts découlant du transport maritime dans la région ». Selon ce que précise l’étude d’impact, on trouve notamment 17 espèces de mammifères marins dans la zone, dont 10 désignées en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Toutes ces espèces sont sensibles au dérangement lié au transport commercial, qui sera amplifié dans la région en raison de la réalisation des projets LNG Canada (production annuelle de 14 millions de tonnes de GNL) et Cedar LNG.

Même si le projet Cedar LNG est présenté comme un élément de la « transition » énergétique, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) avait produit un rapport très critique d’un autre mégaprojet d’exportation de gaz naturel liquéfié, GNL Québec, en rejetant les prétentions environnementales des promoteurs.

L’agence fédérale concluait que GNL Québec nuirait aux efforts climatiques du Canada, et notamment à l’atteinte de la « carboneutralité » d’ici 2050. Le document rejetait donc en bloc les affirmations du promoteur selon lesquelles le projet d’exportation de gaz naturel serait bénéfique dans la lutte contre la crise climatique.

Le rapport de l’AEIC écartait aussi l’argument de GNL Québec selon lequel le gaz naturel serait un partenaire de la « transition énergétique ». Le document rappelle plutôt que l’Agence internationale de l’énergie a publié en 2021 une analyse qui conclut que les pays doivent « renoncer » à autoriser le développement de « nouveaux sites pétroliers et gaziers » afin de respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.

Le gouvernement Trudeau avait rejeté le projet GNL Québec.

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