Artistes-maquilleuses-coiffeuses, un métier moins superficiel qu’il n’y paraît
Ils passent inaperçus, ou presque. Ils sont pourtant des acteurs essentiels du milieu culturel. Le Devoir propose une série de portraits de métiers de l’ombre, à travers les confidences de professionnels qui les pratiquent ou les ont déjà pratiqués. Aujourd’hui : les artistes-maquilleurs-coiffeurs.
Carole Méthot et Laurie Deraps n’arrêtent pas une minute. Elles sont toutes les deux des artistes-maquilleuses-coiffeuses de renom à Montréal et à l’étranger. Si elles oeuvrent beaucoup dans l’univers de la mode (fashion week, magazines, photographie, etc.), elles accompagnent également les artistes. La première aime suivre les musiciens au fil de leur trajectoire et de leurs vidéoclips, comme Emma Beko et Isabella Lovestory, mais aussi Hubert Lenoir, qu’elle maquille depuis ses débuts.
« Nous partageons ensemble notre créativité et notre extravagance, donc je peux me permettre beaucoup de choses », dit-elle en parlant de Lenoir. Carole Méthot considère même que cette collaboration est l’impulsion qui a donné un coup d’accélérateur à sa carrière. Depuis, les contrats s’enchaînent pour elle, de l’Amérique du Nord à l’Europe, ce qui lui apporte un certain équilibre entre l’inventivité des musiciens et les demandes spécifiques de la mode. « Les maquillages que je fais sont parfois aussi simples qu’ils peuvent être dingues », s’enthousiasme-t-elle. « J’apprends toujours, car chaque mission et chaque client se révèlent telles de véritables expérimentations. »
Pour sa part, Laurie Deraps, jointe à Paris où elle se trouve actuellement pour des raisons professionnelles, se plaît à donner vie à la vision des designers et des artistes avec qui elle travaille. Elle estime à ce propos que la créativité qu’impliquent le maquillage et la coiffure sont comparables à celle de la peinture et de la sculpture. « J’ai fait de la conception pour les cirques Éloize et du Soleil et je peux dire que je m’y suis éclatée ! C’est super quand les directeurs artistiques nous font confiance », confie-t-elle.
Tout est politique
Pour Laurie Deraps, cela va de soi de pouvoir maquiller et coiffer toutes celles et tous ceux qui passent entre ses mains, sans exception. « Je ne suis pas quelqu’un de nécessairement politique, mais c’est quelque chose qui vient me chercher », confie-t-elle au sujet de la diversité et de l’inclusivité. « Il y a des histoires d’horreur de personnes noires qui arrivent en plateau et qui ne peuvent pas se faire coiffer parce que des coiffeurs blancs ne veulent pas toucher leurs cheveux… donc elles doivent se maquiller et se coiffer elles-mêmes. »
C’est dans cette optique que Laurie Deraps n’a pas hésité à suivre les cours offerts par Stéphanie Odia, puis par l’Institut national de l’image et du son pour les cheveux frisés très serrés. « Ça devrait faire partie de la formation de base de la coiffure. J’ai tellement appris, et ça me donne une autre vision. C’est primordial de pouvoir coiffer toutes les textures de cheveux », souligne l’artiste-maquilleuse-coiffeuse.
Plus encore, elle est convaincue que la coiffure, plus politique qu’on pourrait le penser, est le reflet de l’instant. « C’est fascinant de voir comment les cheveux suivent le courant et les mouvements. La fluidité du brushing des années 1970 a libéré les femmes de la structure des rouleaux », illustre-t-elle, tout en établissant un parallèle avec l’amour libre prôné par la libération sexuelle de l’époque.
Alors que certains professionnels du maquillage et de la coiffure craignent la montée en puissance de l’intelligence artificielle dans les technologies de création d’images, incarnée notamment par les filtres sur les réseaux sociaux, Carole Méthot est optimiste quant à l’avenir de sa carrière. « Je ne pense pas que ça va durer, indique-t-elle. Les gens voudront toujours voir le côté tangible d’un maquillage ou d’une coiffure dans la vraie vie. »
Fortes de leurs expériences, Carole Méthot et Laurie Deraps estiment toutes deux que le très précis métier d’artiste-maquilleuse-coiffeuse s’enrichit bien davantage au fil de la curiosité, de la volonté et des rencontres que sur les bancs de l’école.