Le candidat antisystème proche d’une victoire à la présidentielle sénégalaise

Les résultats publiés bureau par bureau dans les médias et sur les réseaux sociaux donnent un net avantage au candidat Bassirou Diomaye Faye (ci-haut) devant celui du pouvoir, Amadou Ba, et très loin devant les 15 autres concurrents.
Photo: Seyllon Agence France-Presse Les résultats publiés bureau par bureau dans les médias et sur les réseaux sociaux donnent un net avantage au candidat Bassirou Diomaye Faye (ci-haut) devant celui du pouvoir, Amadou Ba, et très loin devant les 15 autres concurrents.

Le candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye paraissait se rapprocher dimanche au Sénégal d’une victoire à la présidentielle dès le premier tour qui s’apparenterait à un séisme politique.

Cinq autres candidats ont félicité M. Faye au vu de la tendance du dépouillement des suffrages toujours en cours, à l’issue d’une élection qui devait trancher entre la continuité et un changement peut-être radical après trois années d’agitation et de crise politique.

Anta Babacar Ngom, seule candidate parmi 17 concurrents, a parlé sur X (anciennement Twitter) de « victoire incontestable ». Déthié Fall a félicité M. Faye sur les réseaux sociaux « pour sa belle victoire manifestement acquise au vu des tendances très fortes qui se dégagent depuis le début de la proclamation des résultats ». Trois autres concurrents, Papa Djibril Fall, Mamadou Lamine Diallo et El Hadji Mamadou Diao, ont fait de même.

Les résultats publiés bureau par bureau dans les médias et sur les réseaux sociaux donnent un net avantage au candidat Bassirou Diomaye Faye devant celui du pouvoir, Amadou Ba, très loin devant les 15 autres concurrents.

Des centaines de sympathisants de M. Faye chantaient et dansaient au son du tam-tam au siège de sa campagne à Dakar. Des cortèges de jeunes à moto parcouraient, klaxon hurlant, les rues de la capitale en scandant « au Palais » présidentiel. L’atmosphère était plus sombre du côté des quelques dizaines de sympathisants de M. Ba au quartier général de celui-ci.

Des résultats officiels ne devraient pas être connus avant le courant de la semaine.

Une victoire de M. Faye, 43 ans, « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche », et proche de l’opposant Ousmane Sonko, pourrait annoncer une véritable remise en cause systémique.

Son programme insiste sur le rétablissement de la « souveraineté » nationale, bradée selon lui à l’étranger. Il a promis de combattre la corruption et de mieux répartir les richesses. Il a aussi promis de renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers conclus avec des compagnies étrangères.

Le Sénégal pourrait commencer à produire du gaz et du pétrole en 2024.

Il incarne « le choix pour la rupture », a dit de lui-même M. Faye en votant au côté de ses deux épouses dans son village de Ndiaganiao (ouest).

Diaraaf Gaye, commerçant de 26 ans, a « voté Diomaye sans réfléchir ». « Il est temps que le pays parte sur de nouvelles bases avec des jeunes » au pouvoir, dit-il.

M. Ba, 62 ans, prolongerait, lui, l’action du sortant Macky Sall, dont il était le premier ministre il y a encore quelques semaines et qui l’a désigné pour lui succéder.

MM. Faye et Ba se sont déclarés « confiants » en une victoire dès le premier tour.

Il faut la majorité absolue des suffrages exprimés pour l’emporter au premier tour. Aucune date n’a été fixée pour un second tour.

Les électeurs ont fait la queue par dizaines ou par centaines pendant la journée devant différents bureaux, sans qu’aucune appréciation exacte de la participation (qui était de 66 % en 2019) ne soit fournie. Aucun incident notable n’a été rapporté et plusieurs électeurs ont exprimé leur satisfaction de voter, après les troubles provoqués par le report de l’élection.

« On y est finalement arrivé. Alhamdoulila (Dieu soit loué). Ces derniers temps n’ont pas été faciles pour le Sénégal », s’est félicitée Mita Diop. « Mais tout ça est derrière nous », s’est réjouie cette commerçante de 51 ans, devant un bureau de vote à Dakar.

Quelque 7,3 millions d’électeurs étaient appelés à choisir entre 17 concurrents.

Photo: John Wessels Agence France-Presse Les Sénégalais devaient initialement voter le 25 février. Les urnes et les bulletins de dimanche arborent toujours cette date. Le report du vote par le président Macky Sall, au début du mois de février, a déclenché des violences qui ont fait quatre morts.

Le scrutin est suivi avec attention, le Sénégal étant considéré comme l’un des pays les plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par les putschs. Dakar maintient des relations fortes avec l’Occident, tandis que la Russie renforce ses positions alentour.

Les Sénégalais devaient initialement voter le 25 février – les urnes et les bulletins de dimanche arboraient d’ailleurs toujours cette date.

Le report du vote a déclenché des violences qui ont fait quatre morts. Plusieurs semaines de confusion ont mis à l’épreuve la pratique démocratique du Sénégal, jusqu’à ce que soit arrêtée la date du 24 mars. La campagne a été réduite à deux semaines, tombant en plein mois de jeûne musulman.

Malgré ces atermoiements, les observateurs de l’UE ont constaté que les opérations s’étaient déroulées « dans le calme, dans l’efficacité et [de manière] très ordonnée », a dit la cheffe de la mission, Malin Björk.

C’est la première fois qu’un président sortant ne se présente pas à sa réélection.

« Nouvelles bases »

M. Ba devait assumer l’héritage du président Sall, une pauvreté persistante, un chômage élevé, et les centaines d’arrestations de la période récente.

Le pays a connu depuis 2021 des épisodes de troubles causés par le bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir, conjugué aux tensions sociales et au flou longtemps maintenu par le président Sall sur sa candidature à un troisième mandat. La crise s’est prolongée avec le report de la présidentielle.

Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées, mettant à mal l’image du pays, injustement selon le gouvernement.

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