Au Sénégal, le président Sall annonce une loi d’amnistie

Lundi, le président Sall a réaffirmé sa volonté d’apaisement.
Photo: Seyllou Agence France-Presse Lundi, le président Sall a réaffirmé sa volonté d’apaisement.

Le chef de l’État sénégalais, Macky Sall, a annoncé lundi un projet de loi d’amnistie des faits survenus au cours des troubles traversés par son pays depuis trois ans, en pleine crise autour du report de la présidentielle.

Le président Sall, qui lançait des concertations de deux jours pour tenter de trouver un accord sur une nouvelle date de présidentielle, ne s’est toujours pas prononcé sur la question, malgré de multiples pressions nationales et internationales pour organiser le scrutin le plus vite possible et créer les conditions de sortie d’une des pires crises qu’ait connues le Sénégal depuis des décennies.

Les chances que ces concertations aboutissent à « l’apaisement » voulu sont incertaines. Des protagonistes majeurs, dont 17 des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel, les ont boycottées. Un large front politique et citoyen réclame que le président Sall organise la présidentielle sans autre condition avant le 2 avril, date officielle de la fin de son deuxième mandat.

Le collectif Aar Sunu Élection (« Préservons notre élection »), qui milite contre le report, appelle à une journée «villes mortes» dans tout le pays et une grève générale mardi.

La loi d’amnistie qu’il présentera mercredi en conseil des ministres sera soumise à l’Assemblée précisément « dans un esprit de réconciliation nationale » pour surmonter les profondes divisions des dernières années, patentes avec l’actuel imbroglio électoral, a dit M. Sall. Elle viserait les faits survenus au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021, et encore récemment en février après l’annonce du report de la présidentielle.

Des centaines de personnes ont été arrêtées et poursuivies sous différents chefs depuis 2021. Parmi elles figurent des personnalités de premier plan, dont l’opposant antisystème Ousmane Sonko, au coeur de l’agitation, et son second Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle.

Différents acteurs s’opposent toutefois à une loi d’amnistie : dans la majorité parce qu’elle pourrait effacer les actes graves de manifestants ; dans l’opposition par crainte qu’elle n’exonère des responsables gouvernementaux ou sécuritaires de la mort de nombreux manifestants. 

L’opposition redoutait comme un piège que cette amnistie fasse partie des concertations pour tenter de trouver un accord sur la date de la présidentielle.

« Grand théâtre »

Le président Sall a dit souhaiter que les Sénégalais votent d’ici au début de la saison des pluies, qui commence en juin / juillet. Il a déjà dit douter de la faisabilité d’une élection avant le 2 avril.

Il a redit son engagement à partir ce jour-là alors qu’une partie de l’opposition soupçonne un plan pour rester au pouvoir au-delà de ses deux mandats de 12 ans au total. « J’ai envie de partir », a-t-il même lâché sur un ton personnel en bouclant la première journée d’échanges.

Certains parmi les quelques centaines de responsables politiques, représentants de la société civile et autres dignitaires religieux qui participaient aux discussions ont ouvertement réclamé qu’il reste jusqu’à l’installation de son successeur, y compris au-delà du 2 avril. D’autres ont préconisé une présidence par intérim.

Le « dialogue national » lui livrera, a priori mardi, des conclusions sur deux sujets : la date de la présidentielle et l’organisation de l’après-2 avril jusqu’à l’investiture de son successeur.

L’un des 17 candidats à boycotter les concertations, Cheikh Tidiane Dieye, a qualifié le « dialogue national » de « théâtre » que le chef de l’État « aurait pu organiser au Grand théâtre » de Dakar. Lui et un certain nombre de concurrents se sont rendus à la Cour constitutionnelle pour demander aux « Sages » de constater formellement le manquement du chef de l’État à son devoir d’organiser la présidentielle.

Le président Sall a déclenché une onde de choc le 3 février en décrétant un report de dernière minute de l’élection. Il a invoqué les vives querelles auxquelles ont donné lieu la validation des candidatures et sa crainte qu’un scrutin contesté ne provoque de nouveaux heurts.

L’opposition a dénoncé un « coup d’État constitutionnel ». Des manifestations réprimées ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d’interpellations.

Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report. Il a constaté l’impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l’organiser « dans les meilleurs délais ».

Du côté de la résistance au chef de l’État, certains s’inquiètent des conséquences d’une vacance de la présidence sans succession établie. D’autres l’accusent de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s’accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril.

Ils redoutent que le « dialogue » serve à réexaminer les candidatures. Le président Sall a indiqué avoir reçu les représentants de deux collectifs de candidats disqualifiés.

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