Semer la biodiversité

Julie Francœur, cariboumag.com
Collaboration spéciale | cariboumag.com
Des plantes indigènes dans un parc urbain à l’angle de l’avenue Van Horne et de la rue St-Urbain, à Montréal
Photo: Philippe Denis Des plantes indigènes dans un parc urbain à l’angle de l’avenue Van Horne et de la rue St-Urbain, à Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Logée au coeur des Laurentides, l’entreprise Akène, culture forestière propose des solutions pratiques pour végétaliser nos villes, nos arrière-cours et nos balcons de manière à contrer la perte de biodiversité.

« Rien dans mon parcours ne laissait présager que je me lancerais un jour dans la production de semences », raconte Philippe Denis, fondateur d’Akène. Il a travaillé pendant 20 ans en communication marketing avant de se consacrer brièvement au brassage de bières artisanales. Puis, à l’automne 2020, il acquiert une terre à bois en plein coeur de la forêt laurentienne avec l’idée de rendre disponibles des graines de plantes sauvages et indigènes, dont certaines sont actuellement menacées d’extinction.

« Au début de la pandémie, je me suis retrouvé à m’occuper des enfants et à faire l’école à la maison. Ç’a été une période de réflexion forcée qui m’a donné le goût d’investir dans du concret pour la prochaine génération », se souvient-il.

Le natif de Saint-Ubalde, dans la MRC de Portneuf, raconte qu’il s’est mis à imaginer un projet qui devrait lui permettre de concilier vie familiale et convictions écologiques.

« L’étalement urbain, la gestion du territoire forestier, l’agriculture industrielle, tout ça a fait en sorte qu’au niveau mondial, on a perdu près de 70 % de la biodiversité depuis les années 1970. Et le rythme s’accélère », dit-il.

Photo: Philippe Denis Des semences d'Akène

Clés de voûte de la biodiversité faunique

Si Philippe Denis passe le plus clair de son temps à produire et à récolter des semences, une partie de son travail consiste à sensibiliser et à éduquer le public au rôle crucial que jouent les végétaux sauvages et indigènes dans nos écosystèmes.

« Sans plantes indigènes, tout s’écroule, explique celui qui a été fortement influencé par les écrits de Douglas Tallamy, un entomologiste de renom aux États-Unis. Les insectes ont tendance à se nourrir d’un spectre très étroit de plantes, parfois d’une seule espèce. Et 90 % de ceux qui sont phytophages [qui mangent des végétaux] dépendent de plantes avec lesquelles ils ont coévolué pendant des dizaines, voire des centaines de milliers d’années », dit-il.

C’est notamment le cas du papillon monarque qui, pour pondre, a besoin de l’asclépiade, une plante longtemps considérée comme une mauvaise herbe par l’industrie agricole. « C’est la seule espèce que sa chenille peut consommer. Pas d’asclépiades, pas de monarques », résume-t-il en faisant allusion au déclin du lépidoptère récemment classé « en voie de disparition » au Canada.

Photo: Philippe Denis Un monarque sur une asclepias incarnata

Un autre exemple est donné par le phragmite, une graminée vivace extrêmement envahissante qui forme des colonies le long de nos autoroutes et de nos routes de campagne. En envahissant les fossés, cette plante originaire d’Eurasie a délogé la quenouille, qui procurait habitat et nourriture au cryptophage des quenouilles en plus de servir de lieu de nidification pour le petit blongios (un échassier au statut vulnérable). De façon contrastée, le phragmite, qui héberge 170 herbivores dans son aire de répartition naturelle, n’attire pas plus de 5 variétés d’insectes ici.

Pour Philippe Denis, cette perte de biodiversité est notamment liée à la pression exercée par les espèces exotiques qui ont été introduites en Amérique du Nord. « L’industrie de l’horticulture ornementale propose dans les jardineries toutes sortes de plantes, dont certaines sont hautement invasives. Celles qui ne le sont pas ont souvent une fonction purement esthétique. D’un point de vue écologique, ce sont quasiment des nains de jardin ! » explique-t-il

À cela s’ajoute notre façon d’occuper le territoire. « On a développé un cadre bâti qui a éliminé les habitats des végétaux sauvages et indigènes au profit de surfaces minéralisées, de monocultures et de terrains couverts de gazon », constate-t-il.

Photo: Philippe Denis Une eurybia macrophylla

Chaque balcon compte

Philippe Denis se réjouit du fait qu’on commence à parler de l’importance des plantes sauvages et indigènes pour la préservation de la biodiversité faunique. Après trois ans à développer ses semences, il multiplie aujourd’hui les partenariats avec d’autres petites entreprises afin de varier son offre et de proposer des graines adaptées aux différentes zones de rusticité du Québec, notamment.

« Mon objectif n’est pas de grossir ni de tout produire tout seul. Je ne cherche pas à cultiver dans mon sol ce qui n’a pas la capacité d’y pousser naturellement. L’enjeu, pour moi, c’est vraiment de bâtir une production en mettant sur pied un réseau de cueilleurs, de fermiers et de propriétaires terriens un peu partout au Québec », explique-t-il.

Pour l’heure, Akène offre une vaste gamme de plantes qui peuvent facilement s’intégrer aux jardins, aux balcons et aux carrés d’arbres qui longent les habitations dans les quartiers de la métropole. « Je veux donner un outil aux gens qui souhaitent avoir un impact à leur échelle. Chaque geste compte. »

Les avantages des plantes sauvages et indigènes

Elles attirent les oiseaux et les insectes pollinisateurs.

Elles résistent aux parasites.

Elles exigent peu d’entretien et peu d’eau.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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