Le secteur de l’huile d’olive en quête de solutions face au changement climatique

Cette photo prise le 22 juillet 2022 montre des oliviers près de Jaen, dans le sud-est de l’Espagne.
Photo: Pierre-Philippe Marcou Agence France-Presse Cette photo prise le 22 juillet 2022 montre des oliviers près de Jaen, dans le sud-est de l’Espagne.

Améliorer l’irrigation, sélectionner de nouvelles variétés, déplacer les cultures… Face au réchauffement climatique, qui affecte les récoltes et fait bondir les prix, les professionnels de l’huile d’olive redoublent d’efforts pour développer des solutions en lien avec le monde scientifique.

« Le changement climatique est déjà une réalité, il faut qu’on s’y adapte », a soutenu mercredi Jaime Lillo, directeur exécutif du Conseil oléicole international (COI), à l’occasion du premier Congrès mondial de l’huile d’olive, qui réunit 300 participants à Madrid jusqu’à vendredi.

Une « réalité » douloureuse pour l’ensemble de la filière, qui fait face depuis deux ans à une baisse de production d’une ampleur inédite, sur fond de vagues de chaleur et de sécheresse extrême dans les principaux pays producteurs, comme l’Espagne, la Grèce ou l’Italie.

D’après le COI, la production mondiale est ainsi passée de 3,42 millions de tonnes en 2021-2022 à 2,57 millions de tonnes en 2022-2023, soit une chute d’environ un quart. Et au vu des données transmises par les 37 États membres de l’organisation, elle devrait à nouveau reculer en 2023-2024 à 2,41 millions de tonnes.

Cette situation a provoqué une envolée des prix, allant de 50 % à 70 %, selon les variétés concernées au cours de l’année écoulée. En Espagne, qui fournit la moitié de l’huile d’olive mondiale, les prix ont même triplé depuis début 2021, au grand dam des consommateurs.

« Scénarios complexes »

« La tension sur les marchés et l’escalade des prix ont constitué un stress test particulièrement délicat pour notre secteur. Nous n’avions jamais connu cela auparavant », a assuré Pedro Barato, président de l’Organisation interprofessionnelle de l’huile d’olive espagnole.

« Nous devons nous préparer à des scénarios de plus en plus complexes nous permettant de faire face à la crise climatique », a-t-il poursuivi, comparant la situation vécue par les oléiculteurs aux « turbulences » traversées par le secteur bancaire durant la crise financière de 2008.

Les perspectives, de fait, ne sont guère réjouissantes.

Aujourd’hui, plus de 90 % de la production mondiale d’huile d’olive provient du bassin méditerranéen. Or, selon le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), cette région — décrite comme un « point chaud » du changement climatique — se réchauffe 20 % plus vite que la moyenne.

Une situation qui pourrait affecter la production mondiale sur le long terme. « Nous faisons face à une situation délicate », qui implique de « changer la façon dont nous traitons les arbres et les sols », résume Georgios Koubouris, chercheur à l’Institut grec de l’olivier.

« L’olivier est l’une des plantes les mieux adaptées au climat sec. Mais en cas de sécheresse extrême, il active des mécanismes pour se protéger et ne produit plus rien. Pour avoir des olives, il faut un minimum d’eau », soutient de son côté Jaime Lillo.

Génétique et goutte-à-goutte

Parmi les solutions mises en avant à Madrid figure la recherche génétique : depuis plusieurs années, des centaines de variétés d’oliviers sont testées afin d’identifier les espèces les plus adaptées au changement climatique, en fonction notamment de leur date de floraison.

L’objectif, c’est de trouver « des variétés qui ont besoin de moins d’heures de froid en hiver et qui résistent mieux au stress provoqué par le manque d’eau à certains moments clés » de l’année, comme le printemps, résume Juan Antonio Polo, responsable des questions technologiques au COI.

L’autre grand axe sur lequel planchent les scientifiques concerne l’irrigation, que la filière souhaite développer grâce au stockage des eaux de pluie, au recyclage des eaux usées ou à la désalinisation de l’eau de mer, tout en améliorant son « efficience ».

Cela implique d’abandonner l’« irrigation de surface » et de généraliser les « systèmes de goutte-à-goutte », qui apportent de l’eau « directement aux racines des arbres » et permettent d’éviter les déperditions, insiste Kostas Chartzoulakis, de l’Institut grec de l’olivier.

Pour s’adapter à la nouvelle donne climatique, une troisième piste, plus radicale, est également envisagée : abandonner la production dans certains territoires, qui pourraient devenir inadaptés car trop désertiques, et la développer dans d’autres.

Ce phénomène « a déjà commencé », quoiqu’à petite échelle, avec l’essor de « nouvelles plantations » dans des régions jusqu’alors étrangères à la culture de l’olivier, précise Jaime Lillo, qui se dit « optimiste » pour l’avenir, malgré les défis auxquels se heurte le secteur.

« Grâce à la coopération internationale, nous allons peu à peu trouver les solutions », promet-il.

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