La Russie bloque l’accès à 81 médias européens sur son territoire
La Russie a annoncé mardi son intention de bloquer l’accès sur son territoire à la diffusion de 81 médias européens, dont le site de l’AFP, en « représailles » à la décision de l’UE en mai d’interdire quatre médias d’État russes.
Cette décision intervient dans un contexte de tensions de plus en plus exacerbées entre Moscou et les Européens après plus de deux ans et demi d’offensive russe en Ukraine. La Russie reproche aux Européens leur soutien à Kiev et l’UE accuse Moscou d’actions déstabilisatrices et d’ingérence sur le continent.
« Des contre-mesures sont introduites sur l’accès depuis le territoire russe aux moyens de diffusion de médias de pays membres de l’UE », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué, en rejetant la responsabilité de ces restrictions sur Bruxelles.
Dans la liste publiée par le ministère russe mardi figurent également les médias allemand Der Spiegel, espagnols El Mundo et El Pais, la télévision italienne RAI, et d’autres médias français comme les quotidiens Le Monde, Libération et les chaînes LCI et CNews, ainsi que Radio France et Arte.
La Russie a « peur de la vérité », a déclaré le département d’État américain, en réaction à l’annonce par Moscou.
« C’est un nouveau signe de la répression du journalisme par le gouvernement russe, qui a peur que son propre peuple entende la vérité sur les actions de la Russie », a déclaré à la presse le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.
Les Vingt-Sept s’étaient accordés mi-mai pour sanctionner quatre médias russes — Voice of Europe, Ria Novosti, Izvestia et Rossiïskaïa Gazeta -, accusés par Bruxelles de diffuser de la propagande pro-Kremlin.
Les sanctions prises par l’UE doivent aussi inclure une « interdiction du financement russe des médias, des ONG et des partis politiques de l’UE », avait alors précisé la commissaire européenne chargée des Valeurs et de la Transparence, Vera Jourova.
Moscou avait dans la foulée menacé de représailles l’Union européenne, avec qui les relations sont exécrables dans le contexte du conflit en Ukraine. Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe, avait alors promis des mesures « très douloureuses ».
Représailles
La liste diffusée mardi par les autorités russes comporte 81 sites Internet de 25 pays membres de l’UE et certains opérants dans plusieurs pays. Elle inclue le site de l’AFP.
Le ministère a déclaré qu’il « reviendrait » sur ces restrictions si les sanctions européennes contre les médias russes étaient levées.
« La Russie a averti à plusieurs reprises et à différents niveaux que le harcèlement politique des journalistes russes et les interdictions injustifiées des médias russes dans l’UE ne resteraient pas sans réponse », a-t-il indiqué.
L’Italie a « condamné avec force « la décision russe, évoquant une « mesure injustifiée » qui vise deux chaînes de télévision, dont la TV publique RAI, ainsi que deux quotidiens nationaux, La Stampa et La Repubblica.
L’Union européenne a de son côté interdit depuis plus de deux ans la diffusion en Europe de plusieurs médias russes ou pro-russes, dont Russia Today, accusant Moscou d’utiliser ces médias pour « propager sa propagande et conduire des campagnes de désinformation ».
La Russie a déjà bloqué l’accès, pour diverses raisons, à de nombreux sites et réseaux sociaux occidentaux, dont Facebook, Instagram et X. Ces ressources restent accessibles en utilisant un VPN.
Ces dernières années, les médias russes qui critiquent le pouvoir ou l’offensive en Ukraine ont été visés par des procédures judiciaires ou interdits, et de nombreux médias indépendants ont fermé leurs portes et leurs journalistes se sont exilés à l’étranger.
À lire aussi
Les législateurs russes ont introduit de lourdes peines de prison pour les personnes qui diffusent ce qui est considéré par les autorités comme étant de « fausses informations » sur les forces armées.
Des journalistes occidentaux ont aussi été visés par la justice russe.
Le procès pour espionnage du reporter américain Evan Gershkovich du Wall Street Journal doit s’ouvrir mercredi à Ekaterinbourg, dans l’Oural. Le journaliste, son média et Washington rejettent ces accusations et accusent Moscou de le détenir pour pouvoir l’échanger contre des Russes en prison en Occident.
Journaliste russo-américaine, Alsu Kurmasheva du média RFE / RL est également en détention en Russie en attente de son procès pour une infraction à la loi sur les « agents de l’étranger », un texte utilisé par le Kremlin pour persécuter dissidents, organisations et médias indépendants.