Victoire écrasante des travaillistes au Royaume-Uni, les conservateurs battus sèchement

Au terme d’élections aux allures de raz-de-marée historique, les électeurs britanniques ont montré la porte aux conservateurs et confié le pouvoir aux travaillistes de Keir Starmer jeudi, lors du premier scrutin général tenu au Royaume-Uni depuis le Brexit. Ce changement de garde politique est aussi marqué par la montée en puissance du parti populiste Reform UK et par le déclin du parti indépendantiste écossais.

Les premiers sondages à la sortie des urnes laissent présager une nette victoire du Parti travailliste, le Labour, qui retourne au pouvoir après 14 ans de règne des tories.

Selon les estimations de la BBC, les travaillistes se dirigeaient vers une supermajorité de 410 sièges, à 8 sièges de la majorité historique obtenue par Tony Blair en 1997.

Une formation politique a besoin de 326 sièges pour former un gouvernement majoritaire.

« À tous ceux qui ont fait campagne pour le Parti travailliste lors de ces élections, à tous ceux qui ont voté pour nous et qui ont fait confiance à notre nouveau Parti travailliste, merci », a sobrement déclaré Keir Starmer sur X au moment de la fermeture des bureaux de vote.

Le premier ministre sortant, Rishi Sunak, se voit montrer sèchement la porte du 10, Downing Street. Détenteur de 344 sièges au moment du déclenchement du scrutin, le Parti conservateur n’était en voie de faire élire que 131 députés. Il s’agirait ainsi de la pire défaite du parti depuis le début du XXe siècle.

M. Sunak lui-même pourrait être menacé dans sa circonscription de Richmond, dans le Yorkshire du Nord. Il avait pourtant remporté son siège avec une majorité de 27 000 voix en 2019. Au moment de la mise sous presse, il n’avait pas commenté les résultats électoraux, se contentant de remercier les candidats et les partisans conservateurs dans un message laconique publié sur X.

Les libéraux-démocrates, traditionnel deuxième parti d’opposition, ont aussi profité de la débandade conservatrice pour grimper de 15 à 61 députés. À la sortie des urnes, le chef de la formation centriste, Ed Davey, avait prédit « le meilleur résultat du parti en 100 ans » .

L’autre grand gagnant de la soirée est le parti nationaliste et anti-immigration Reform UK, du populiste Nigel Farage. Détenteur d’un seul siège à la Chambre des communes avant la dissolution du Parlement, Reform UK pourrait amasser jusqu’à 13 circonscriptions, selon les sondages. Le parti a également terminé au deuxième rang, devant les conservateurs, dans plusieurs circonscriptions remportées par les travaillistes.

David Bull, l’un des dirigeants de la formation, a qualifié de « moment historique » la percée du parti de la droite radicale.

« On assiste à la sortie en masse des réformistes timides », a-t-il dit à la BBC.

Le Parti national écossais, qui fait la promotion de l’indépendance de l’Écosse, a vu ses appuis fondre au profit des travaillistes. De 43 députés, il pourrait voir sa représentation réduite à seulement 10 parlementaires.

« Ce n’est pas une bonne soirée pour le SNP, selon ces chiffres », a déclaré l’ancienne première ministre de l’Écosse, Nicola Sturgeon, sur les ondes de la chaîne privée ITV.

Années orageuses

Cet effondrement des forces conservatrices n’est pas une surprise. Déjà le mois dernier, les sondages annonçaient un véritable « anéantissement des conservateurs », plombés par leurs politiques d’austérité, la hausse du coût de la vie et une série de scandales.

Les tories étaient aux commandes de la Grande-Bretagne depuis l’accession au pouvoir de David Cameron en 2010. Ce long règne conservateur a été marqué par une instabilité récurrente.

Au cours de cette période, la Grande-Bretagne a connu cinq premiers ministres : Cameron, Theresa May, Boris Johnson, Liz Truss, dont le mandat n’a duré que 49 jours, et M. Sunak. Le pays a également été secoué par sa sortie négociée de l’Union européenne, plusieurs soubresauts économiques, des débats acrimonieux sur l’immigration et la pandémie de COVID-19, entre autres.

Quant aux travaillistes, de centre gauche, ils reprennent les rênes après avoir tourné la page sur l’époque Jeremy Corbin, ancien chef dont les positions tranchées et les performances électorales ont plusieurs fois déçu.

Un « bol d’air frais »

Le nouveau premier ministre, Keir Starmer, 61 ans, le premier travailliste depuis Gordon Brown (2007-2010), se présente comme un centriste.

Son élection représente un « bol d’air frais pour les Britanniques », soutient Frédéric Mérand, professeur et directeur du Département de science politique de l’Université de Montréal, qui ne prévoit toutefois pas de grands bouleversements en lien avec l’arrivée au pouvoir des travaillistes.

« On va changer les personnes, mais on touchera peu aux politiques menées. Son programme est tellement peu détaillé qu’il ne faut pas s’attendre à de grandes annonces au lendemain du scrutin. »

En campagne, Keir Starmer a mis en avant ses origines modestes — mère infirmière et père outilleur —, qui contrastent avec celles de son adversaire Rishi Sunak, multimillionnaire, ancien banquier d’affaires et ancien ministre des Finances.

M. Starmer a promis de ne pas augmenter les impôts des citoyens et des entreprises ni la taxe de vente.

Misant sur une intervention plus grande de l’État, il a annoncé des réinvestissements dans les infrastructures et un redressement des services publics, notamment les systèmes de santé et d’éducation, sérieusement mis à mal par les politiques d’austérité conservatrices. Il a également promis, sans en faire sa priorité, un léger rapprochement avec l’Union européenne, que la Grande-Bretagne a quittée en janvier 2020.

M. Starmer devrait se voir confier la responsabilité de former un gouvernement par le roi Charles III dès vendredi.

Plus de 46 millions d’électeurs britanniques étaient conviés aux urnes afin de renouveler les 650 sièges de la Chambre des communes.

Avec Mathieu Carbasse et l’Agence France-Presse

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