Le restaurant du 9ᵉ étage du Centre Eaton ouvrira ses portes le 17 mai

Photo: Denis Germain Le Devoir Le restaurant Île de France ne sera pas dans la grande salle à manger de style Art déco du 9ᵉ étage du Centre Eaton, mais dans une pièce adjacente moins vaste.

Vingt-cinq ans après sa fermeture, l’emblématique restaurant du 9e étage d’Eaton, au centre-ville de Montréal, rouvrira ses portes le 17 mai prochain. Le restaurant de 120 places ne sera cependant pas aménagé dans la grande salle à manger de style Art déco qui a fait la réputation de l’établissement, mais bien dans une pièce adjacente moins vaste.

La salle principale aux plafonds hauts a fait l’objet d’importants travaux de restauration, mais Ivanhoé Cambridge, propriétaire de l’édifice, a estimé qu’un restaurant de 500 places dans cet espace n’aurait pas été rentable. Le bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec a donc décidé d’ouvrir le restaurant baptisé Île de France  dans l’espace adjacent moins spectaculaire appelé le Foyer. « Ça va être plus chaleureux et plus intime à cause du plafond plus bas », fait valoir Annik Desmarteau, vice-présidente des bureaux pour le Québec chez Ivanhoé Cambridge.

L’ancienne salle à manger accueillera plutôt des spectacles, des expositions et des événements privés avec une capacité de 500 personnes. « La grande salle va quand même être accessible au public avec les événements », assure Mme Desmarteau.

Photo: Denis Germain Le Devoir La grande salle de style Art déco au 9ᵉ étage du Centre Eaton accueillera divers événements.

Si la renaissance du restaurant a pris tant de temps, c’est qu’Ivanhoé Cambridge cherchait un partenaire « solide » pour exploiter le restaurant. L’établissement sera donc dirigé par un regroupement d’entrepreneurs parmi lesquels se trouvent Jeff Baikowitz, Marco Gucciardi, Andy Nulman et Madeleine Kojakian et le collectif Les 7 doigts. « Le 9e est une page de l’histoire de Montréal. À peu près tout le monde a un souvenir rattaché à cet endroit et c’est vraiment émotif. On espère que les gens recréeront de nouveaux souvenirs et de belles expériences avec l’espace », explique Annik Desmarteau.

Vendredi, à l’occasion de la visite offerte aux médias, Ivanhoé Cambridge n’a pas voulu dévoiler le montant des investissements consentis pour le projet. Le menu et les prix des plats servis au restaurant — dont les cuisines seront dirigées par le chef exécutif Liam Hopkins et le directeur culinaire Derek Dammann — n’ont pas été révélés non plus.

Le restaurant Île de France sera de « moyen-haut de gamme » et non pas l’établissement de style cafétéria qu’il était devenu à une certaine époque, a indiqué Mme Desmarteau. « Ils se sont inspirés du menu du début [des années 1930]. On a retrouvé les cartes de l’époque et ils sont partis de ça. Ça va être un restaurant accessible, mais de qualité. On voulait rendre la noblesse à l’espace. »

À compter du 17 mai, seuls les repas du soir seront servis. Progressivement, le restaurant proposera des repas le midi.

Retrouver les couleurs d’origine

Le restaurant L’Île-de-France, conçu par l’architecte français Jacques Carlu, avait ouvert ses portes en 1931 au 9e étage du magasin Eaton. Fermé en 1999 dans la foulée de la faillite d’Eaton, le restaurant est devenu la propriété d’Ivanhoé Cambridge, qui a acquis l’immeuble l’année suivante. Les intérieurs du 9e étage ainsi que la vaisselle, le mobilier et l’argenterie ont été classés en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel en 2000.

Photo: Denis Germain Le Devoir Une des fresques se trouvant dans la grande salle du 9ᵉ étage.

Ivanhoé Cambridge a confié à la firme EVOQ Architecture le soin de restaurer les lieux. Directeur associé d’EVOQ, l’architecte Georges Drolet travaille sur le projet depuis 2001 en collaboration avec le ministère de la Culture. Dans un premier temps, les espaces ont dû être remis aux normes, avec le remplacement de tous les systèmes mécaniques, électriques et de plomberie.

Des infiltrations d’eau survenues au cours des ans ont causé quelques moisissures et la poussière s’est accumulée, mais Georges Drolet soutient que les lieux étaient tout de même bien conservés malgré la fermeture prolongée du 9e étage et l’entretien sommaire qui y a été effectué. « Le lieu a peu changé depuis 1930. Alors, pour nous, ce n’était pas si compliqué de revenir à 1930 », dit-il.

Certains planchers ont tout de même dû être refaits, tout comme le tissu mural. En revanche, les colonnes de marbre, les reliefs en plâtre, les fresques créées par Natacha Carlu, les luminaires, les urnes en albâtre, les grilles décoratives et les portes de monel, un métal signature de l’Art déco qui n’est plus utilisé en raison de son coût très élevé, ont été minutieusement restaurées.

Pour choisir la couleur des murs, il a été nécessaire d’examiner les couches de peinture superposées pour retrouver la couleur initiale, un jaune blé plutôt sobre qui contraste avec les couleurs plus vives appliquées dans les années 1980. « On est vraiment retournés aux couleurs des années 1930 », souligne M. Drolet.

Photo: Denis Germain Le Devoir Une partie de la grande salle

Un lieu unique

L’architecte détruit toutefois un mythe : le restaurant du 9e n’est pas une reproduction du restaurant du paquebot Île-de-France. Lady Eaton, commanditaire du restaurant du 9e étage, a voyagé à bord du paquebot Île-de-France, ce qui l’a probablement influencée, mais Georges Drolet est catégorique : le restaurant du 9e ne ressemble pas du tout à celui du célèbre paquebot. « Il y a une inspiration, mais ce n’est pas une reproduction. C’est vraiment une création unique », soutient-il.

Les recherches qu’il a effectuées à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris et dans les musées d’art décoratif français lui ont fait comprendre que l’architecte Jacques Carlu avait réussi à rallier deux écoles de pensée qui, à l’époque, se livraient une « guerre » en France, soit les architectes avant-gardistes et les architectes traditionnels. « Carlu travaillait aux États-Unis. Il était donc en retrait de ce débat-là et il est arrivé à mélanger les deux, ce qui, en France, aurait été inacceptable. »

Le 9e étage d’Eaton présente d’ailleurs des similitudes avec Le Carlu, un auditorium dessiné par Jacques Carlu à Toronto en 1930.

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