Que reste-t-il des châteaux forts libéraux du Québec?

Justin Trudeau à Montréal pendant un événement de la Saint-Jean, le 13 juin 2024. Environ la moitié des circonscriptions complètement hors de danger pour les libéraux en vue du prochain scrutin se trouvent au Québec.
Photo: Graham Hughes The Canadian Press Justin Trudeau à Montréal pendant un événement de la Saint-Jean, le 13 juin 2024. Environ la moitié des circonscriptions complètement hors de danger pour les libéraux en vue du prochain scrutin se trouvent au Québec.

Le nombre de circonscriptions jugées « sûres » pour les libéraux a fondu au pays, et même au Québec, où la moitié du caucus a été élue avec une plus faible marge que dans Toronto–St. Paul’s, perdue aux mains des conservateurs lundi dernier.

« Des sièges sûrs au Québec, pour les libéraux, je pense que ça se compte sur les doigts de deux mains », affirme le blogueur spécialisé en sondages Philippe J. Fournier.

L’état d’esprit des répondants aux derniers sondages nationaux lui fait dire qu’à peine une vingtaine de circonscriptions du pays sont complètement hors de danger pour les libéraux en vue du prochain scrutin. Environ la moitié se trouvent au Québec.

Des 35 candidats libéraux élus au Québec à l’issue des dernières élections fédérales, 17 ont remporté une course plus serrée que dans Toronto–St. Paul’s, où la ministre Carolyn Bennett avait recueilli plus de 12 000 votes de plus que son plus proche rival (49,2 % des voix). Cette avance n’a pas empêché l’ancien bastion libéral de virer au bleu foncé lors d’une élection partielle le 24 juin dernier.

Cette liste inclut les deux seuls députés québécois qui gardent le silence sur leur avenir politique, mais aussi jusqu’à sept ministres québécois au gouvernement. La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a par exemple été élue avec une avance de 197 voix en 2021. L’avance fut de 2281 voix pour le ministre montréalais Steven Guilbeault et de 2618 voix pour sa collègue de la Gaspésie, Diane Lebouthillier.

Les ministres Soraya Martinez Ferrada (Tourisme), Marie-Claude Bibeau (Revenu), François-Philippe Champagne (Industrie) et Jean-Yves Duclos (Approvisionnement) ont tous obtenu une victoire moins éclatante que la députée sortante de Toronto–St. Paul’s il y a trois ans. Ils devront de nouveau faire face à l’électorat au plus tard à l’automne 2025, dans un contexte de baisse générale des libéraux dans les sondages.

Parallèles incertains

« Quand j’ai vu l’élection dans [Toronto–]St. Paul’s, ma première réaction a été de me dire : Ça veut dire quoi pour l’ouest de Montréal ? » lâche la professeure titulaire de science politique à l’Université d’Ottawa Geneviève Tellier.

Elle fait référence à l’autre moitié des sièges libéraux du Québec, les 18 dont la victoire a été encore plus marquée que les 12 545 voix d’avance de Justin Trudeau dans Papineau en 2021. « Il y a peut-être plus de châteaux forts libéraux dans la région de Montréal que dans la région de Toronto », remarque Mme Tellier, qui les définit comme des circonscriptions qui gardent la même allégeance au fil des élections. Les libéraux en comptent aussi en Outaouais et à Laval.

Sur une carte de Montréal, tout ce qui se trouve à l’ouest de la rue De Bleury est essentiellement tapissé de rouge depuis plus de 30 ans, exception faite de l’élection de 2011, quand une « vague orange » a envoyé à Ottawa 59 députés québécois du Nouveau Parti démocratique (NPD). Les sept circonscriptions restées libérales se retrouvaient toutes sur l’île de Montréal.

À la différence de cette époque, la vigueur actuelle du Bloc québécois change la donne. Une même baisse du vote libéral n’aurait pas le même effet au Québec que dans les autres provinces, estiment les experts interrogés.

La dynamique de division du vote fait en sorte qu’il est possible de remporter une course électorale avec une plus faible avance qu’ailleurs, ce qui peut avantager les libéraux. Ensuite, contrairement à ce qui se passe pour les libéraux de Toronto, ce n’est pas le Parti conservateur du Canada qui chauffe la plupart des élus sortants du Québec, mais bien leurs adversaires du Bloc québécois. Selon les calculs de Philippe J. Fournier, ce parti aurait d’ailleurs plus de sièges sûrs au Québec (27) que le Parti libéral dans tout le pays (20).

Son modèle place les conservateurs de Pierre Poilievre hors de danger dans 144 circonscriptions canadiennes, selon l’état actuel des sondages. Un groupe de neuf députés libéraux aurait d’ailleurs demandé une réunion urgente du caucus, rapportent plusieurs médias. Justin Trudeau a refusé mercredi de lui promettre cette réunion.

Course à faire

« Ce que j’attends, c’est la course dans LaSalle–Émard–Verdun. Ça, c’est un château fort libéral dans la région de Montréal », conclut Geneviève Tellier. Elle doute que les conservateurs aient une chance à cet endroit, mais le Bloc québécois et le NPD pourraient jouer les trouble-fête.

Bref, si Toronto–St. Paul’s était un baromètre pour les bastions libéraux torontois, la circonscription inoccupée depuis le départ de l’ex-ministre de la Justice David Lametti mesurera la résilience de ceux de Montréal. Le premier ministre a jusqu’au 30 juillet pour annoncer une élection partielle.

Aux dernières élections générales, les troupes de Justin Trudeau ont remporté 20 des 22 circonscriptions de Montréal et de Laval, dont LaSalle–Émard–Verdun avec 9869 voix d’avance. Les conservateurs n’ont fait élire aucun candidat à Montréal ou à Laval depuis 1988, soit avant la fondation du Bloc québécois.

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