Un réseau de transport d’électricité fiable, du barrage jusqu’à nos maisons
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Énergies
Un chercheur de l’Université de Sherbrooke travaille avec Hydro-Québec et Rio Tinto pour éviter que les Québécois aient à vivre ou à revivre une panne d’électricité majeure.
« La tempête de verglas de 1998 a montré l’importance de rester à jour dans le domaine », raconte Sébastien Langlois. Depuis 2004, le professeur en génie civil à l’Université de Sherbrooke poursuit des recherches en collaboration avec Hydro-Québec pour assurer la fiabilité du transport de l’hydroélectricité.
« Les sujets sur lesquels nous travaillons varient selon les besoins d’Hydro-Québec et des gestionnaires de lignes », note le spécialiste des aspects mécaniques et structuraux des lignes de transport. Du vieillissement normal des lignes à haute tension (la plupart ayant été construites dans les années 1960 et 1970), en passant par les catastrophes naturelles et la demande en énergie sans cesse grandissante, les défis sont multiples. C’est dans cette foulée qu’en 2022, M. Langlois et son équipe ont reçu un total de 1,6 million de dollars pour travailler en partenariat avec Hydro-Québec et Rio Tinto.
Vieillissement et innovation
Au cours des deux dernières années, le professeur s’est penché plus particulièrement sur la fiabilité des conducteurs, une composante essentielle dans le transport de l’énergie. Conçus en aluminium avec un coeur d’acier, ce sont eux qui transmettent l’énergie. « Les infrastructures sont vieillissantes. Même si elles ne sont pas nécessairement en mauvais état, on se pose beaucoup de questions, entre autres dans combien de temps devra-t-on remplacer des composantes », explique-t-il. Corrosion, vibrations et vieillissement naturel finissent en effet par provoquer fissures et ruptures des fils d’aluminium. Même si des efforts ont été faits dans le passé pour minimiser cette usure, l’ampleur du réseau et des investissements nécessaires demande une meilleure prédiction.
Grâce à des expérimentations en laboratoire sur des parties de composantes, des modulations numériques à plus grande échelle et d’autres modèles mathématiques, les chercheurs veulent prédire le moment et l’endroit où de potentielles ruptures peuvent survenir, pour pouvoir procéder à une inspection physique au moment opportun. Les chercheurs ont ainsi développé une méthodologie de prédiction qu’ils ont déjà présentée à Hydro-Québec, qui s’occupera de la mettre en oeuvre. « Nos méthodes d’analyses avancées ne sont pas toujours utilisées dans la pratique, mais elles servent à concevoir des méthodes simplifiées qui serviront aux ingénieurs au jour le jour », précise M. Langlois.
L’équipe s’est aussi penchée sur le développement d’un nouveau concept de pylône en aluminium, une ressource abondante au Québec. « Ça pourrait être intéressant, notamment dans les milieux éloignés, comme ça diminue de moitié le poids des pylônes », souligne M. Langlois. Un détail non négligeable pour ces zones, où il faut parfois transporter les pièces par hélicoptères, ce qui est coûteux. Cette diminution de poids permettrait également d’utiliser des outils de levages moins imposants.
Les chercheurs veulent par ailleurs analyser le cycle de vie de l’acier en comparaison à l’aluminium et entrevoient un intérêt à utiliser l’aluminium « pour potentiellement réduire l’impact environnemental sur l’ensemble du cycle de vie de ce produit », espère M. Langlois.
Expertise locale et essentielle
La validation de leur concept se poursuivra dans les prochaines années. « La prochaine étape serait de faire un projet pilote en intégrant le pylône dans une ligne prototype pour tester le concept », soulève M. Langlois. Parce que même si des inspections sont régulièrement effectuées, « certaines lignes sont très éloignées. On doit donc concevoir des lignes fiables, sans qu’on ait besoin de s’en occuper », observe-t-il. Avec la pression de plus en plus grande sur le réseau, on ne peut pas se permettre de baisser la fiabilité. « C’est un défi important », estime le professeur. Les investissements importants doivent être planifiés en amont, ce que facilitent des projets de recherche comme ceux de Sébastien Langlois.
Heureusement, le Québec continue de maintenir et de développer son expertise. « On est chanceux d’avoir ça au Québec », remarque M. Langlois, qui forme lui-même des étudiants avec ses projets de recherches. Les chercheurs universitaires, les firmes d’ingénieries et l’expertise maintenue à Hydro-Québec (qui a son propre centre de recherche) sont précieux et assez uniques dans le monde. « Ça fait en sorte que quand il y a un problème ou un défi à relever, on sait qui appeler, alors qu’ailleurs dans le monde, cette expertise s’est perdue », constate-t-il.
Souvent loin des yeux, ces structures sont pourtant cruciales « On est tous habitués à avoir de l’électricité dans nos maisons, et quand on a une panne, tout est bouleversé. C’est tout un travail pour assurer la fiabilité du transport », rappelle-t-il.
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