Réinventer l’art du saké
Collaboration spéciale
Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs
Avec la popularité grandissante des sakés dans la Belle Province, un Québécois bien connu du domaine vinicole, François Chartier, a créé une petite révolution dans la tradition, ici… comme au Japon !
Au Québec, le volume des caisses de ces bières de riz a fait un bond de 5 % au cours de la dernière année, et les ventes de ces boissons de spécialité ont augmenté de 8 % à la Société des alcools du Québec (SAQ). La société d’État confirme qu’elle va élargir sa gamme pour la prochaine année. L’un des ambassadeurs de cette tendance, qui a obtenu un succès important avec ses produits haut de gamme, n’est nul autre que le Québécois François Chartier.
De créateur d’harmonies à « master blender » de sakés
François Chartier, détenteur du Grand Pri Sopexa du meilleur sommelier international en vins et spiritueux de France en 1994, auteur, consultant, conférencier et spécialiste des arômes, est connu pour son apport scientifique à « l’harmonie moléculaire », discipline qu’il a créée en 2002. Ses 35 années à parcourir le monde pour analyser les plus grands vins, avec son Chartier World Lab, ont attiré l’attention d’un homme d’affaires japonais, qui a décidé de lui confier l’avenir de sa brasserie de sakés au Japon.
« Je n’en avais jamais encore fait avant. Cet art est sacré au Japon. Le maître sakéificateur (toji) est très respecté ; son savoir est transmis de génération en génération », explique M. Chartier. Pourtant, Toshihiko Tabata, l’homme derrière plusieurs holdings et nouveau propriétaire de la Tanaka Shuzo au Japon, rencontre le Québécois et n’hésite pas à lui demander de créer des sakés pour son établissement. « Il venait de racheter cet établissement, dont la production avait commencé en 1789, mais le toji était mort et il n’avait pas d’enfants pour assurer la relève. C’était une occasion pour lui de renouveler un peu la marque Tanaka et d’ouvrir des marchés à l’étranger. »
Contrairement au Québec, le Japon fait face à une diminution importante de la consommation de sakés, les brasseries doivent se réinventer pour ne pas fermer leurs portes. C’est dans ce contexte que M. Tabata a demandé à François Chartier de l’aider à trouver une façon de développer l’exportation pour pallier la baisse des ventes locales. « Il avait beaucoup aimé ce que j’avais fait avecmes vins de la gamme Chartier, mis sur pied en collaboration avec l’oenologue de Bordeaux Pascal Chatonnet. Il m’a donc confié le rôle de master blenderpour sa brasserie, mais c’était une petite révolution dans les traditions, parce qu’au Japon, l’assemblage dans les sakés ne se faisait pas. C’est la pureté du produit qu’on recherche. »
Le créateur d’harmonies établit son projet avec l’idée de confectionner du saké comme du vin pour conquérir le palais des Occidentaux. « L’avenir, c’est le marché étranger. Alors, j’ai commencé à penser les sakés avec un nouveau regard : une acidité plus soutenue, des méthodes ancestrales, différentes sortes élevées longuement. Et ce, dans le but de les magnifier par l’art de l’assemblage, tout comme on le fait pour les grands vins de châteaux à Bordeaux. »
Laisser le temps faire son oeuvre
Cette représentation du saké destinée aux amateurs de vin est non seulement révolutionnaire pour le Japon, mais une autre philosophie vient aussi s’ajouter à la création hors norme que propose François Chartier. « En élaborant certains produits en cuves pendant plusieurs mois, j’ai réalisé que le résultat leur donnait de la texture et de la puissance ainsi qu’un potentiel de vieillissement en bouteille. » Un concept aussi singulier pour le Japon, qui consomme 98 % de ses sakés dans l’année. En 2018, François Chartier entreprend des élevages de 14 à 20 mois, raconte-t-il. « J’ai commencé à les faire vieillir trois mois, puis six, et je les assemblais chaque fois avec des cuvées plus complexes. Je me rendais compte que l’évolution était remarquable après 14 à 16 mois. On obtenait plus d’umami comme dans les grands vins. Le saké est généralement cinq fois moins acide que le vin, mais j’arrive à en faire avec une acidité naturelle et une texture se rapprochant de celles des grands vins. »
En imaginant le premier millésime du Blend 001 Junmai, de la gamme Tanaka 1789 X Chartier, le spécialiste des arômes révolutionne le genre avec son concept. Le Blend 001 2018 est aujourd’hui offert dans 34 pays.
Au Québec, la seconde étiquette, le Pavillon of Blend 001 2019 Tanaka 1789 X Chartier, est entrée à la SAQ l’an dernier (84,25 $) — et une nouvelle commande est attendue sous peu, promet François Chartier. Élaboré avec une partie de l’assemblage de son grand Blend 001, il est comparable, selon son concepteur, à un deuxième vin de Bordeaux, avec une texture plus riche et plus ample que les sakés traditionnels. D’autres créations de François Chartier, dont une collaboration avec son ami, le vigneron portugais Dirk Niepoort, seront aussi offertes au Québec prochainement.
Depuis la sortie du premier Blend 001 Tanaka 1789 x Chartier, plusieurs brasseries japonaises ont demandé au master blender un coup de main pour renouveler leur marque. Cet automne, un autre projet, dans lequel François Chartier s’est impliqué depuis deux ans, verra le jour. La collection Essence 5 By Chartier, des sakés qu’il a assemblés dans de petites kuras (chais) artisanales, sera disponible sur le marché québécois. Son slogan le définit bien : « Acting locally to make sake shine internationally » (agir localement pour faire rayonner le saké à l’international).
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