Les Îles-de-la-Madeleine lèvent la main pour devenir un laboratoire en immigration
Insulaires et fondées sur une économie saisonnière, les Îles-de-la-Madeleine lèvent la main en commission parlementaire sur la planification de l’immigration au Québec pour faire partie d’un « projet pilote » adapté aux régions éloignées.
Les travailleurs temporaires comptent de plus en plus pour les Madelinots. De 44 employés estivaux que comptait l’archipel en 2016, ils sont aujourd’hui passés à 200. Pour les Îles, ce nombre représente un village. Une trentaine s’ajoutera l’an prochain, et tout autant l’année suivante.
Ces employés, la plupart d’origine mexicaine, débarquent au printemps pour transformer les produits de la pêche, puis cessent leur travail quand les bateaux reviennent à quai en juillet. On les réclame de nouveau à la fin août quand la pêche recommence — laissant un grand trou d’oisiveté entre ces deux moments forts pour l’économie des Îles.
C’est ce vide que pourrait combler « un projet pilote de partage des travailleurs étrangers temporaires », plaide en entrevue le maire de la municipalité Les Îles-de-la-Madeleine, Antonin Valiquette, quelques minutes avant son allocution devant les élus de Québec. Les épiceries, les hôteliers et finalement tout le secteur du tourisme profiteraient d’une flexibilité sur les permis de travail fermés que possèdent ces travailleurs qui attendent tout l’été le retour de la pêche.
« S’il y a une chose où on n’a pas eu de misère, c’est de trouver un deuxième employeur pour partager les travailleurs temporaires des usines de transformation », assure le maire, par ailleurs ancien directeur de la Chambre de commerce.
Pour l’instant, les règles ne permettent pas à ces employés saisonniers de travailler pour plus d’un employeur, même si ces derniers sont volontaires. Quand les gens d’affaires madelinots veulent rentabiliser au maximum la présence de ces nouveaux venus, « le deuxième employeur doit refaire à peu près les mêmes démarches que le premier », relate Antonin Valiquette. Ce processus est « extrêmement coûteux » pour les petites entreprises puisque cela implique des études d’impact sur le marché du travail pour chaque employé.
Les frais de déménagement sont tellement élevés pour les régions éloignées comme les Îles-de-la-Madeleine qu’un tel partage des coûts entre employeurs serait assurément rentable pour tout le monde, y compris les travailleurs temporaires, affirme le maire. « On parle d’économies et d’optimisation. »
Pas croître, seulement se maintenir
Les Îles-de-la-Madeleine constituent aussi un cas d’école démographique au Québec. La région vieillit plus vite qu’ailleurs ; selon les études, les Madelinots vivent les conséquences du vieillissement de leur population 10 ans avant le reste du Québec.
La réussite ou non de l’intégration des néo-Madelinots sera un bon indicateur pour le reste du Québec, anticipe la municipalité.
Simplifier la bureaucratie qu’implique l’établissement des nouveaux arrivant, ou à tout le moins permettre aux travailleurs temporaires de devenir rapidement permanents, figurent parmi les principales solutions proposées par le maire Valiquette. « Ça ne donne rien de dépenser de l’énergie et de l’argent pour attirer des gens pour qu’ils repartent, constate-t-il. […] On n’est pas en train de parler d’une optique de développement. On parle de se maintenir. »
La régionalisation de l’immigration, souvent présentée comme étant la clé de la réussite de cette transition, doit enfin faire l’objet d’un suivi plus serré de la part de Québec, relève la communauté de l’archipel dans son mémoire. « Les employeurs des Îles méconnaissent les différents rôles du MIFI et les services qui sont offerts. Il n’y a d’ailleurs pas de représentant du MIFI qui oeuvre directement sur le territoire », note-t-on.
La consultation générale sur la planification de l’immigration au Québec se poursuit jusqu’au 28 septembre.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.