La réforme annoncée du régime forestier cultive plusieurs espoirs
L’intention du gouvernement Legault de réformer le régime forestier suscite l’espoir des groupes environnementaux et des partis d’opposition à l’Assemblée nationale, selon qui protéger la forêt des bouleversements climatiques est une « urgence » de premier ordre.
« La façon dont la forêt est exploitée au Québec n’est pas soutenable », a laissé tomber vendredi la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, en réaction à la décision de la ministre des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, de moderniser la Loi sur l’aménagement durable des territoires forestiers. « Une réforme du régime forestier est la bienvenue. »
Sans préciser quand, Mme Blanchette Vézina a annoncé dans les pages du Devoir qu’elle procéderait « rapidement » à une refonte du régime forestier en vigueur depuis 2013 au Québec. Elle y travaillera d’ailleurs dès cet été. L’élue de la Coalition avenir Québec souhaite que l’industrie forestière en fasse « plus avec moins ».
En entrevue pour présenter les résultats de ses tables de réflexion sur l’avenir de la forêt, la ministre s’est notamment engagée à « inclure la notion d’adaptation aux changements climatiques » dans le régime d’aménagement actuel, à revoir l’usage des chemins forestiers et à rehausser l’apport à la production des forêts privées. Selon le directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Québec), Alain Branchaud, il y a là de belles pistes de solution pour l’avenir.
« Pour avoir une foresterie durable, en santé et profitable pour la société, il va falloir faire des changements importants. Quand on est allés à la table de consultation sur l’avenir de la forêt, le slogan qu’on répétait, c’était : couper moins, couper mieux », a-t-il souligné vendredi à l’autre bout du fil.
La forêt comme un « tout »
Selon Alice-Anne Simard, la ministre aura procédé à une refonte réussie « si et seulement si elle permet d’assurer l’avenir de la forêt et de tous ses usages ». « La crise climatique ne doit pas servir de prétexte pour se tourner vers une vision agricole et artificielle de la forêt », a-t-elle souligné dans une déclaration publiée sur les réseaux sociaux.
Après maintes réformes du régime forestier, l’ex-directeur du Centre d’étude sur la forêt (CEF) et professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal Pierre Drapeau accueille avec prudence les ambitions du gouvernement Legault. En attendant de voir la teneur des modifications législatives proposées, l’expert de la foresterie et des écosystèmes forestiers tient à dire une chose à Mme Blanchette Vézina : la forêt n’est pas qu’une usine à bois.
« [Elle] a une grande vocation, qui est celle de procurer des emplois et de vivre des bénéfices de la récolte du bois, et personne au sein de la communauté scientifique n’est d’avis contraire que c’est une des grandes missions de notre forêt. Mais la forêt est également un écosystème qui rend d’autres services que le bois », a souligné M. Drapeau en entrevue avec Le Devoir.
Il nomme entre autres le rôle de la forêt dans la protection de la biodiversité, ses avantages récréotouristiques, mais aussi sa place centrale dans les cultures autochtones. C’était là un des grands constats de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, communément appelée la commission Coulombe, rappelle-t-il.
« Il faut aménager la forêt comme un tout, comme un écosystème », a-t-il souligné, vendredi.
Dans un mémoire cosigné par M. Drapeau et publié dans le cadre des tables de réflexion, le CEF proposait notamment que l’industrie forestière procède à un « aménagement intensif » des forêts en concentrant les secteurs de coupes dans « des portions définies et limitées du territoire ». Interrogée sur cette idée, la ministre Blanchette Vézina avait ouvert la porte à l’étudier.
Relancé à ce sujet, Pierre Drapeau prône l’augmentation des pratiques de sylviculture au Québec, ce qui s’inscrirait parfaitement, à ses yeux, dans la technique d’« aménagement intensif ». « On fait encore beaucoup trop de coupes totales », a-t-il soulevé.
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Joint vendredi par Le Devoir, le Conseil de l’industrie forestière du Québec, qui représente près de 100 membres du secteur de la foresterie, a préféré patienter avant de commenter les ambitions de Mme Blanchette Vézina. Dans son mémoire déposé devant les tables de réflexion sur l’avenir de la forêt, l’organisme avait cependant poussé pour une sylviculture « plus intensive », tout en appelant à « améliorer plutôt que maintenir la capacité productive de la forêt ».
Une réforme souhaitée par plusieurs élus
À Québec, l’idée d’un nouveau régime forestier passe bien. La députée solidaire Alejandra Zaga Mendez, qui avait déposé et fait adopter au début du mois une motion en Chambre pour « augmenter la résilience des forêts en déposant rapidement une stratégie d’adaptation de l’aménagement forestier aux changements climatiques », s’est réjouie vendredi des nouvelles intentions du gouvernement caquiste.
« Avec les feux de forêt que nous avons vécus l’an dernier et l’été qui se prépare, il est impensable de continuer avec la loi actuelle, qui ne mentionne même pas la question de l’adaptation aux changements climatiques », a-t-elle souligné dans une déclaration écrite transmise au Devoir. « J’étudierai attentivement le projet de loi lorsqu’il sera présenté, mais j’espère voir la notion d’adaptation aux changements climatiques y être absolument prépondérante. »
Selon le Parti québécois, l’annonce d’une nouvelle réforme « n’est […] pas prématurée ». « Tant l’industrie que les communautés en ont grandement besoin, et ce, depuis des années », a affirmé le porte-parole de la formation politique en matière de ressources naturelles et de forêts, Pascal Bérubé.
Le Parti libéral du Québec n’a pas pu faire de commentaires vendredi. Il prônait toutefois jusqu’à la semaine dernière une révision du régime forestier « en collaboration avec les acteurs du milieu ».