Le réformateur Massoud Pezeshkian remporte la présidentielle en Iran

Le nouveau président iranien, Masoud Pezeshkian, serre le poing après avoir voté lors du second tour des élections dans un bureau de vote à Shahr-e-Qods, près de Téhéran, Iran, le 5 juillet 2024. Il est accompagné de l’ancien ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, à gauche.
Photo: Vahid Salemi Associated Press Le nouveau président iranien, Masoud Pezeshkian, serre le poing après avoir voté lors du second tour des élections dans un bureau de vote à Shahr-e-Qods, près de Téhéran, Iran, le 5 juillet 2024. Il est accompagné de l’ancien ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, à gauche.

Le réformateur Massoud Pezeshkian, qui plaide pour une ouverture vers l’Occident, a remporté samedi la présidentielle en Iran, face à l’ultraconservateur Saïd Jalili.

Organisée après le décès en mai du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère, la présidentielle s’est tenue dans un contexte de mécontentement populaire face à l’état de l’économie du pays pétrolier frappé par des sanctions internationales.

À l’issue du second tour du scrutin vendredi, M. Pezeshkian a recueilli 53,6 % des voix contre 44,3 % à son adversaire, selon les autorités électorales. Après un premier tour le 28 juin marqué par une forte abstention, la participation s’élève à 49,8 %.

« Le chemin devant nous est difficile. Il ne sera facile qu’avec votre collaboration, empathie et confiance. Je vous tends la main », a dit M. Pezeshkian, 69 ans, sur X après sa victoire.

Nul n’aurait parié sur le député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l’Iran, lorsque sa candidature a été acceptée par le Conseil des gardiens avec cinq autres candidats, tous conservateurs.

Mais M. Pezeshkian a reçu le soutien des anciens présidents Mohammad Khatami (réformiste) et Hassan Rohani (modéré) ainsi que de l’ex-ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, qui était à ses côtés samedi soir lors d’un discours qu’il a prononcé pour remercier ses partisans.

« Vos votes ont rendu l’espoir à une société plongée dans un climat d’insatisfaction », a affirmé le président élu dans l’enceinte du mausolée de l’imam Khomeiny, fondateur de la République islamique, près de Téhéran. « Je n’ai pas fait de fausses promesses lors de cette élection, je n’ai rien dit que je ne pouvais tenir », a-t-il assuré.

« Les limites » du président

Des images diffusées par les médias d’État ont montré un rassemblement à Tabriz samedi pour « saluer la victoire » du président élu.

Des Iraniens interrogés par l’AFP se félicitent de cette victoire, d’autres disent ne pas croire à un changement.

« Nous sommes très heureux que M. Pezeshkian ait gagné. Nous avons besoin d’un président lettré pour résoudre les problèmes économiques », déclare Abolfazl, un architecte de 40 ans.

« Je ne me sens pas concernée. Ces [candidats] lancent seulement des slogans. Lorsqu’ils prennent le pouvoir, ils ne font rien pour le peuple », dit Roya, une femme au foyer de 50 ans.

Appelé le « docteur » par beaucoup d’Iraniens, M. Pezeshkian est en faveur de « relations constructives » avec les États-Unis, ennemi de l’Iran, et les pays européens pour sortir le pays de son « isolement ».

Mais le président en Iran a des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, chef de l’État et ultime décideur sur les dossiers stratégiques.

Dans un message de félicitations, celui-ci a recommandé au président élu « d’utiliser les nombreuses capacités du pays, en particulier des jeunes révolutionnaires », pour le faire progresser.

Pour Ali Vaez, de l’International Crisis Group, la victoire de M. Pezeshkian « rompt avec une série d’élections nationales qui ont vu le camp conservateur renforcer son emprise sur tous les centres du pouvoir ».

Toutefois, « la domination des conservateurs demeure sur les autres institutions de l’État », relève-t-il sur X. « Et les limites de l’autorité présidentielle signifient que M. Pezeshkian devra mener une bataille difficile pour garantir des droits sociaux et culturels plus importants […] et un engagement diplomatique à l’étranger ».

« Voix des sans-voix »

M. Pezeshkian, qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d’un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se présente comme la « voix des sans-voix ».

Le président élu appelle à régler la question du port obligatoire du voile pour les femmes, l’une des causes du vaste mouvement de contestation ayant secoué l’Iran fin 2022 après le décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict.

Le scrutin était suivi de près à l’étranger alors que l’Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux Occidentaux.

M. Pezeshkian a promis de négocier avec Washington pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018 d’un accord international conclu en 2015.

Des figures de l’opposition en Iran et dans la diaspora avaient appelé au boycott du scrutin, jugeant que les camps conservateur et réformateur représentaient deux faces d’une même médaille.

Autre poids lourd du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite a félicité M. Pezeshkian, le roi Salmane espérant « développer les relations entre les deux pays frères », réconciliés en 2023 après plusieurs années de rupture.

D’autres monarchies arabes du Golfe ainsi que l’Irak et la Syrie, ont aussi adressé des messages de félicitations à M. Pezeshkian, de même que l’Inde, la Chine et la Russie.

« Le peuple iranien a envoyé un message clair de demande de changement et d’opposition au régime des Ayatollahs », a pour sa part réagi sur X le ministre israélien des Affaires Étrangères, Israël Katz, dont le pays est l’ennemi juré de Téhéran.

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