Le Rassemblement national accuse Ruba Ghazal de faire «une forme d’ingérence»

La député de Mercier, Ruba Ghazal, à l’Assemblée nationale en novembre 2023. La solidaire est accusée par le Rassemblement national, parti  d’extrême droite, «d’ingérence» dans la politique française.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne La député de Mercier, Ruba Ghazal, à l’Assemblée nationale en novembre 2023. La solidaire est accusée par le Rassemblement national, parti d’extrême droite, «d’ingérence» dans la politique française.

La députée solidaire Ruba Ghazal fait « une forme d’ingérence » dans la politique française, accuse celui qui a été candidat suppléant du Rassemblement national (RN) aux élections législatives de 2024 pour l’Amérique du Nord, Aurélien Nambride.

« La manière dont Ruba Ghazal a participé activement à la campagne du Front populaire en Amérique du Nord, je peux dire que c’est une forme d’ingérence », a lancé M. Nambride en entrevue avec La Presse canadienne la semaine dernière, avant le premier tour.

« Je trouve ça très dommage qu’une politicienne étrangère fasse une campagne pour de la politique française, pour les Français qui vivent à l’étranger, pour des enjeux nationaux français », a-t-il ajouté.

La semaine dernière, la députée solidaire Ruba Ghazal a écrit sur le réseau social X qu’elle serait au métro Mont-Royal pour distribuer des dépliants du Nouveau Front populaire (NFP), une coalition de partis de gauche, « afin d’inciter les Français du Québec à barrer la route à l’extrême droite ».

Une initiative qui n’a pas plu au candidat suppléant, défait lors du premier tour. « Je n’aime pas vraiment l’ingérence, surtout l’ingérence active. Le RN, c’est le patriotisme et c’est surtout la souveraineté », a-t-il affirmé.

Rassemblement national est le nouveau nom du Front national, parti fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972. Qualifiée d’extrême droite, la formation politique a depuis plusieurs années cherché à se « dédiaboliser », particulièrement avec l’arrivée de Marine Le Pen – la fille du fondateur – à sa tête en 2011.

Même si Aurélien Nambride réfute l’étiquette d’extrême droite que l’on accole à son parti, Québec solidaire (QS) ne se gêne pas pour l’utiliser. En plus de Ruba Ghazal, les députés solidaires Sol Zanetti et Étienne Grandmont ont également appelé la semaine dernière à voter pour la gauche française sur les réseaux sociaux afin de bloquer l’extrême droite.

Lors du premier tour des législatives françaises, dimanche, le RN a terminé premier devant le NFP et le parti Ensemble du président Emmanuel Macron.

Pour la circonscription de l’Amérique du Nord, le duel du second tour oppose le candidat du NFP, Oussama Laraichi (celui qui a reçu l’appui de Ruba Ghazal) et Roland Lescure, qui est issu du parti du président Macron. La candidate du RN pour cette circonscription, Jennifer Adam, et son suppléant, Aurélien Nambride, sont arrivés en troisième place. Le second tour aura lieu le 7 juillet.

Dans le système politique français, le candidat suppléant est celui qui remplacera le candidat élu si jamais il ne peut plus assumer ses fonctions.

« Tout aussi inacceptable »

Ruba Ghazal a aussi été critiquée par des politiciens québécois. « Pas certain, chère collègue, que cette ingérence étrangère de votre part est bien avisée », a écrit le ministre de la Lutte contre le racisme, Christopher Skeete, sur X, la semaine dernière.

En conférence de presse jeudi dernier, le chef conservateur, Éric Duhaime, a dit qu’il avait un « malaise avec le fait qu’une députée payée par les contribuables du Québec soit dans le métro de Montréal à distribuer des tracts pour un candidat à une élection d’un pays étranger ».

« Par définition, c’est de l’ingérence. On ne peut pas comparer ça nécessairement à l’ingérence chinoise lors des élections fédérales. Mais c’est quand même une forme d’ingérence et c’est tout aussi inacceptable », a-t-il ajouté.

QS s’est défendu de faire de l’ingérence en citant la loi canadienne et française.

« Ce que Ruba a fait en donnant son appui et en distribuant des tracts n’est donc pas de l’ingérence étrangère, puisqu’elle a agi de son propre chef et non pas à la demande d’une puissance étrangère […] et elle n’a pas agi pour partager des informations fausses ou inexactes ou portant atteinte aux intérêts fondamentaux français. Il s’agit seulement ici de solidarité internationale et de libre expression en démocratie », indique-t-on.

« Ce sont des initiatives personnelles, mais le parti les appuie tout à fait. L’extrême droite est aux portes du pouvoir et il est normal et sain que la communauté française du Québec se mobilise. Tant mieux si des député-es solidaires s’expriment à leurs côtés », ajoute QS.

Le 9 juin dernier, le président français, Emmanuel Macron, a pris tout le monde par surprise en annonçant le déclenchement d’élections législatives anticipées après des résultats décevants pour son parti aux élections européennes face au Rassemblement national.

L’Assemblée nationale française compte 577 élus et un parti doit en faire élire 289 pour avoir une majorité absolue.

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