Quel avenir politique pour le Sénégal?

Des Sénégalais regardent l’allocution du président Macky Sall, jeudi. Il a assuré qu’il quitterait sa fonction comme prévu le 2 avril, ouvrant une nouvelle inconnue dans le cas où l’élection aurait lieu après cette date.
Photo: Michele Cattani Agence France-Presse Des Sénégalais regardent l’allocution du président Macky Sall, jeudi. Il a assuré qu’il quitterait sa fonction comme prévu le 2 avril, ouvrant une nouvelle inconnue dans le cas où l’élection aurait lieu après cette date.

Le président sénégalais Macky Sall a laissé en suspens la date de la présidentielle dont il avait lui même décrété le report, ouvrant l’une des plus graves crises politiques au Sénégal depuis l’indépendance.

Il a indiqué jeudi soir que la date du scrutin serait fixée à l’issue d’un dialogue qui se tiendra lundi et mardi. Il a aussi assuré qu’il quitterait sa fonction comme prévu le 2 avril, ouvrant une nouvelle inconnue dans le cas où l’élection aurait lieu après cette date. 

Alors que d’importants acteurs politiques et de la société civile ont rejeté l’invitation au dialogue, la situation reste très volatile et de nombreuses interrogations subsistent.

Pourquoi un dialogue et avec qui ?

Macky Sall a annoncé le 3 février le report de la présidentielle à trois semaines de l’échéance, s’engageant à mener un « dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé et réconcilié ».

Après l’invalidation du report par le Conseil constitutionnel, c’est par ce dialogue que Macky Sall a dit vouloir sortir de la crise et trouver une date consensuelle.

Le dialogue doit porter sur la date de la présidentielle et sur l’après-2 avril, a-t-il dit jeudi.

« L’élection peut se tenir avant ou après le 2 avril », a-t-il déclaré, ajoutant ensuite qu’il ne pensait pas qu’elle se tiendrait avant cette date.

Il a indiqué qu’étaient invités au dialogue les 19 candidats retenus pour le scrutin, les dizaines d’autres écartés de la course par le Conseil constitutionnel, les partis et la société civile. Des acteurs dont les intérêts semblent difficilement conciliables.

Seize candidats à la présidentielle et un collectif citoyen mobilisé contre le report refusent d’y prendre part. Tous exigent que le président fixe la date avant le 2 avril préalablement à toute discussion.

« Si on trouve ce consensus [au dialogue], je prendrai le décret immédiatement pour fixer la date ; si le consensus n’est pas trouvé, je renverrai l’ensemble au niveau du Conseil constitutionnel, qui avisera », a dit M. Sall.

Que peut-il se passer après le 2 avril ? 

Si l’élection se déroule après le 2 avril, date à laquelle le président s’est engagé à partir, « ce sera une situation de vide juridique », a déclaré à l’AFP le constitutionnaliste Babacar Gueye.

En cas de démission, d’empêchement ou de décès, le président est suppléé par le président de l’Assemblée nationale, dit l’article 39 de la Constitution, mais aucun cas de figure n’est envisagé dans la situation actuelle.

En pareilles circonstances, le seul recours qui reste est le Conseil constitutionnel.

Selon M. Gueye, le Conseil pourrait soit demander au président de l’Assemblée d’assurer l’intérim et d’organiser une élection en lui donnant un délai, soit appeler la classe politique à trouver une solution.

Interrogé sur l’éventualité que le Conseil constitutionnel prolonge le mandat du président au-delà du 2 avril pour qu’il organise le scrutin, M. Gueye, sans l’exclure, juge que ce serait illogique. 

Parce que c’est M. Sall qui a contribué à ne pas organiser la présidentielle à la date prévue, et parce que le Conseil a rappelé l’intangibilité du mandat de cinq ans du chef de l’Etat quand il a mis son veto au report.

L’inconnue Sonko

La figure de l’opposition emprisonnée Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée, et son remplaçant pour la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye, lui aussi incarcéré, ne peuvent prendre la parole publiquement, mais ils restent dans toutes les têtes.

M. Sonko livre depuis 2021 avec le président Sall un duel pour le pouvoir qui a provoqué des troubles qui ont fait des dizaines de morts et des centaines d’arrestations.

Ses diatribes contre le président, la corruption des élites et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ex-puissance coloniale française l’ont fait gagner en popularité. Il a fait la preuve par le passé de sa capacité de mobilisation, notamment auprès des jeunes.

Alors que plusieurs centaines de détenus ont été libérés depuis une semaine, le président Sall s’est dit jeudi « prêt » à libérer les deux hommes avant la présidentielle pour aller vers des élections « apaisées ».

Mais la coalition des deux hommes a prévenu qu’ils refuseraient de discuter avec le chef de l’Etat tant que le président n’aurait pas fixé la date de l’élection.

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