Les Québécois en détresse ont de plus en plus recours au 811
Les Québécois qui vivent de la détresse sont de plus en plus nombreux à recourir au service Info-Social 811. En cinq ans, le nombre d’appels a crû de 114 %. Reste maintenant à savoir s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle. Ou les deux.
Le nombre d’appels est passé de 301 088 lors de l’exercice 2018-2019 à 644 873 lors de celui qui s’est terminé le 1er avril dernier. Une hausse « importante » aux yeux du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
Info-Social est un service complémentaire à celui d’Info-Santé. Il est disponible sept jours par semaine et 24 heures par jour. Quand on signale le 811, trois options sont offertes : Info-Santé, Info-Social et, depuis 2022, le Guichet d’accès à la première ligne.
Le service Info-Social s’adresse aux personnes qui vivent des problèmes psychosociaux en tous genres : un épisode d’anxiété, des inquiétudes pour un proche, un deuil, etc. Les travailleurs sociaux peuvent donner des conseils, répondre à des questions ou orienter la personne vers un autre service lorsque nécessaire.
Le MSSS estime que la hausse du nombre d’appels reçus par le service Info-Social est une bonne nouvelle : elle démontre que ses efforts visant à mieux le faire connaître portent fruit. « Les établissements du réseau […] perçoivent un lien direct entre la promotion effectuée sur diverses tribunes et le recours accru au service », a indiqué sa porte-parole au Devoir.
Davantage de détresse ?
Peut-on aussi en conclure qu’il y a de plus en plus de détresse au Québec ? « Ça peut tendre à indiquer, effectivement, que les besoins sont de plus en plus grands », indique la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Christine Grou, qui précise toutefois qu’il s’agit d’une « hypothèse ».
À l’instar du ministère, Mme Grou estime que le service Info-Social est de plus en plus connu, ce qui est une bonne chose. Par contre, elle se demande ce qu’il advient des usagers après leur appel.
Les statistiques ne disent pas « si les gens ont obtenu une réponse », « s’ils ont été satisfaits de la réponse, est-ce qu’ils ont été référés vers un service et si c’était le bon service », avance la présidente de l’Ordre des psychologues. « Pour beaucoup de gens, pour beaucoup de familles, c’est encore le parcours du combattant. Puis une fois qu’on est orienté, combien de temps on attend pour avoir un service ? »
Selon le tableau de bord du ministère, 16 770 personnes sont en attente d’un service de première ligne en santé mentale au Québec, un chiffre qui a augmenté de près de 5000 depuis avril 2021. Mais le nombre de jeunes sur cette liste a baissé au cours de la même période, passant de 3745 à 2911.
Le recours au 811 est au coeur de la stratégie en santé mentale déployée par le ministère responsable des Services sociaux, Lionel Carmant. Depuis son entrée en fonction, ce dernier répète que les personnes en détresse n’ont pas toutes besoin d’avoir accès à des psychologues et à des psychiatres, et que d’autres professionnels peuvent offrir des services.
Les effets de la pandémie
Dans ses réponses au Devoir, le ministère mentionne aussi que « la période de la pandémie a contribué à augmenter la notoriété du service Info-Social ». Or, la hausse s’est poursuivie bien au-delà de cette période difficile. Au cours de la dernière année seulement, le nombre d’appels a crû de 20 %.
Cela n’a rien d’étonnant, selon Christine Grou. « Malheureusement », les effets de la pandémie « durent plus longtemps que la portée du virus lui-même ». « On l’oublie, mais il y a des gens qui ont perdu des proches qu’ils n’ont pas pu voir. Il y a des gens qui ont perdu des fortunes. Il y a des gens qui ont perdu leur maison. Il y a des familles qui se sont scindées… Il ne faut pas oublier ça. […] C’est moins pire que c’était il y a deux ans, mais il y a quand même des séquelles. »
Elle ajoute que « bien avant la pandémie, les services de santé mentale étaient très insuffisants », entre autres en raison de l’exode des psychologues du réseau public. Au Québec, 37 % des 9291 membres de l’Ordre exerçaient uniquement dans le privé en 2022-2023.
« On est probablement moins en urgence qu’on l’était au regard de la santé mentale, mais il reste que le fossé s’est probablement un petit peu creusé. »
Le service Info-Social s’est développé progressivement à partir de 2015. D’abord implanté à Montréal, il a par la suite été offert partout au Québec. Le service Info-Santé, lui, a été créé en 1992.