Québec veut étendre les services en santé mentale dans les CLSC
Pour s’attaquer aux listes d’attente en santé mentale, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, compte étendre l’accès aux psychologues dans les CLSC et implanter des services sans rendez-vous.
Dans le cadre de la Journée du directeur national des services en santé mentale et en psychiatrie légale, vendredi dernier, M. Carmant a réitéré son souhait d’élargir les services de santé mentale dans les CLSC et d’avoir des disponibilités sans rendez-vous.
En entrevue avec La Presse canadienne, M. Carmant a fait savoir qu’il avait une planification sur un an « de territoires et d’établissements » où il veut ouvrir les services des CLSC.
« Notre gouvernement, ce qu’on veut faire, c’est de rapprocher les services des citoyens dans leur milieu de vie, dans leur communauté », a-t-il expliqué.
Il a vanté les résultats du programme Aire ouverte qui offre des services en santé mentale aux jeunes de 12 à 25 ans. Un budget de 40 millions $ est alloué pour déployer une Aire ouverte dans chacune des régions administratives du Québec.
« Chez les jeunes, on voit une diminution des listes d’attente, mais ce n’est pas encore le cas chez les adultes, a affirmé M. Carmant. Ce qui manque chez les adultes, c’est l’accès aux services sans rendez-vous. On va commencer à le travailler dans les CLSC, ce sont les prochaines étapes. »
La Dre Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues, croit que c’est une bonne stratégie de déployer plus de services en santé mentale dans les CLSC puisqu’il s’agit d’un des premiers lieux vers lequel la population se tourne en cas de besoin.
« Les CLSC, c’est ce qui est le plus accessible, alors de regarnir les CLSC, c’est une excellente idée parce que plus les consultations sont précoces, plus on peut prévenir que les choses s’aggravent et ne se complexifient », a-t-elle commenté.
Elle estime que le sans rendez-vous pourrait aussi être bénéfique pour la population puisqu’il permet une « éducation psychologique », de répondre aux questions des patients et d’enlever des barrières d’accès au service.
Par exemple, si une personne vit un épisode dépressif et qu’on le traite rapidement, cela évitera une dépression plus grave. « Et qui va prendre plus de temps à traiter, qui va précipiter un arrêt de travail et nécessiter des consultations en milieu hospitalier, ajoute Dre Grou. Si on traite plus rapidement les troubles courants, les gens vont être plus fonctionnels et moins malades. »
Elle souligne qu’il faut cependant traiter le problème par la bonne personne. Pour cela, les besoins du patient doivent être bien évalués et les services dont il a besoin doivent être disponibles dans le CLSC.
Dre Grou indique que l’accès à des psychologues dans les CLSC pourrait désengorger les cliniques médicales familiales, rappelant que 40 % des consultations avec un médecin de famille portent sur des troubles mentaux courants. Encore faut-il avoir suffisamment de personnel et c’est là que le bât blesse, selon elle.
Manque de psychologues au public
« C’est sûr que si on veut offrir des services ça prend des effectifs, mais je pense que l’intention est là », a déclaré la présidente de l’Ordre des psychologues.
Toutefois, les psychologues du réseau public sont peu dans les CLSC, ils sont davantage dans les services « de deuxième ou troisième ligne ».
Actuellement sur les quelque 9300 psychologues du Québec, environ 6000 pratiquent dans les services cliniques et de ce nombre, 2050 sont dans le réseau public, dont 520 dans les CLSC.
Les CLSC n’ont pas tous une psychologue sur place.
Le ministre Carmant reconnaît qu’il a de « grands défis » devant lui. « Parce que les nouvelles générations et la post-pandémie lèvent la main beaucoup plus facilement pour les problèmes de santé mentale, et moi, je vois cela comme une bonne chose, a-t-il dit. Cependant, il faut gérer l’augmentation de la demande de services, et il faut innover dans la façon dont on offre les services. »
Il a rappelé que son gouvernement a récemment étendu l’offre de service en santé mentale aux travailleuses sociales, sexologues, kinésiologues et conseillers en orientation.
Dre Grou met en garde qu’il ne faut pas enlever des psychologues dans d’autres départements pour les mettre dans les CLSC. « Si on en met davantage en première ligne, il ne faudrait pas dégarnir les services plus spécialisés, soulève-t-elle. […] Le danger, ce serait de dire qu’on va prendre les psychologues qui accompagnent les patients en oncologie ou en cardiologie par exemple, et qui offrent des services psychothérapeutiques dont les gens ont besoin, et on va les amener en première ligne. Il ne faut pas déshabiller Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul, autrement dit. »
L’intérêt pour le privé est essentiellement dû aux conditions salariales et des conditions d’exercice. Dre Grou souligne qu’il y a eu des efforts pour améliorer les conditions salariales, mais elle ne s’est pas prononcée à savoir si c’était suffisant. Elle a mentionné que les conditions étaient encore loin d’être comparables au privé.
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