La Rive-Sud de Québec n’a jamais lâché le morceau pour le troisième lien
La sortie de François Legault sur le troisième lien entre Québec et Lévis n’a pas changé grand-chose aux stratégies des maires de la Rive-Sud. Pendant que le reste du Québec croyait le projet bien enterré, ils continuaient de se mobiliser et de faire pression pour qu’il se réalise.
« On n’a pas cessé de travailler sur le dossier », explique en entrevue le préfet de la MRC de Bellechasse et maire de La Durantaye, Yvon Dumont. Ils espéraient que le gouvernement revoie sa décision, dit-il, « mais pas dans les circonstances où ça s’est produit ».
Avant même l’élection partielle du 2 octobre dans Jean-Talon, les élus de la région de Chaudière-Appalaches avaient planifié une rencontre avec leurs homologues de l’île d’Orléans afin de les rallier à un projet de lien routier passant par leur territoire, raconte le préfet de la MRC de Lotbinière et maire de Val-Alain, Daniel Turcotte, dont la municipalité se trouve à 70 kilomètres de la capitale. « On voulait trouver une stratégie, amener un pont, faire quelque chose, pousser plus le dossier encore. »
Les députées caquistes du coin, Stéphanie Lachance et Isabelle Lecours, n’ont jamais cessé de relayer ces préoccupations au gouvernement, affirment les deux préfets.
En Beauce aussi, l’intérêt pour le troisième lien ne s’est jamais tari, selon le député de Beauce-Nord, Luc Provençal. Même après l’abandon du projet de tunnel autoroutier, le député a continué à travailler à sa réalisation. « Je ne me suis jamais caché que, personnellement, à partir du moment où il y a une décision [d’abandonner le projet en avril], j’ai travaillé ce dossier-là », a-t-il dit aux journalistes jeudi.
Et d’ajouter que la semaine dernière, le caucus des élus de Chaudière-Appalaches en avait discuté pour développer une stratégie visant à pousser le dossier. « Ça nous prend un lien routier », maintient-il.
Une opportunité pour le PCQ
Selon l’agrégateur de sondage Québec 125, le Parti conservateur du Québec (PCQ) l’emporterait dans les deux circonscriptions de la Beauce si un scrutin provincial avait lieu aujourd’hui. Dans Bellechasse et dans Lotbinière, le PCQ et la CAQ seraient nez à nez.
Dans les circonscriptions de Lévis et de Chutes-de-la-Chaudière, qui sont représentées respectivement par Bernard Drainville et par Martine Biron, les constats sont moins accablants, mais la pression locale demeure forte.
Mercredi, la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Lévis a pressé le gouvernement de prouver sa bonne foi. « Pour prouver sa sincérité, et surtout rattraper le temps perdu, nous [lui] demandons de rapidement mettre sur pied un comité de suivi sur lequel siégera la Chambre de commerce. »
Pendant ce temps, le maire de Lévis, Gilles Lehouiller, en remettait sur les ondes de Radio X. « On ne pourra pas mettre ce dossier-là sous le paillasson », a-t-il dit. « La population ne démordra pas de ce projet-là, et tous les jours, on en a la preuve. Ce matin, à 8 h 30, j’étais sur l’autoroute 20 en direction de Saint-Nicolas et j’avais de la misère à circuler à la hauteur de Saint-Romuald. Pourquoi ? Parce que tout est engorgé à la tête des ponts. »
Un « projet de mobilité » ou un pont
Jeudi matin, Martine Biron est restée vague sur la forme que pourrait prendre le projet, évoquant un « projet de mobilité pour le Grand Québec ».
Mais les ténors locaux n’en ont que pour un pont passant sur l’île d’Orléans. « On n’a jamais demandé de tunnel », avance le préfet de Lotbinière, Daniel Turcotte. Même si sa MRC n’en bénéficie pas directement — elle se trouve à l’autre extrémité du territoire, à l’ouest —, il croit qu’un nouveau pont à l’est améliorerait la fluidité de la circulation routière.
Questionné sur la possibilité que cela prenne une autre forme, le préfet de Bellechasse lance à la blague qu’on pourrait toujours miser sur… un hélicoptère. À l’instar du député Luc Provençal, Yvon Dumont justifie ce choix par la nécessité de pouvoir transporter des marchandises plus efficacement. « La Rive-Sud a un secteur industriel développé. Pour distribuer ses produits, il faut les rendre les plus accessibles possibles en diminuant les coûts de transport. »
Des appuis sur l’île d’Orléans ?
MM. Dumont et Turcotte avancent en outre que les gens de l’île d’Orléans sont moins opposés à un pont qu’on pourrait le croire. « À ce qu’on entendait à travers les branches, il y avait de l’intérêt à ce qu’un troisième lien passe par chez eux », mentionne M. Turcotte.
Jointe jeudi, la préfète de l’île d’Orléans, Lina Labbé, n’a pas voulu faire de commentaires. Elle « attend d’avoir plus de développements avant de répondre aux médias », a indiqué une porte-parole de la MRC.
L’idée d’un pont n’a rien de neuf. C’est ce qui était réclamé à l’origine comme troisième lien dès les années 1960. En 2017, le candidat à la mairie Jean-François Gosselin avait fait campagne pour un pont à l’est. Une idée qu’avaient appuyée le Parti libéral du Québec en 2015 puis la CAQ jusqu’à sa prise de pouvoir en 2018.
Cette dernière préconisait un nouveau pont reliant Québec à l’île, suivi d’un tunnel ou d’un autre pont reliant l’île à la rive sud du fleuve Saint-Laurent.
Puis, en juin 2019, le ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel, annonçait qu’il financerait plutôt un tunnel à l’est afin de protéger l’arrondissement historique de l’île d’Orléans. « Ce ne sera pas nécessaire de perturber le territoire de l’île d’Orléans », avait-il déclaré.
Six mois plus tard, nouveau changement de cap : le gouvernement révèle qu’il bûche sur un nouveau tracé souterrain reliant les centres-villes de Québec et de Lévis. C’était le Réseau express de la Capitale, qui reliait le tunnel au tramway.