Québec et Lévis promettent la fin des égoïsmes municipaux
Une nouvelle ère de collaboration économique s’ouvre entre Québec et Lévis, selon les poids lourds politiques de la région. L’époque où les deux villes travaillaient « dos au fleuve » tire à sa fin : désormais, le Saint-Laurent, autrefois « barrière » entre les deux rives, deviendra un « lien unificateur » pour la région.
Une « zone de développement économique métropolitaine » doit consacrer cette nouvelle harmonie entre Québec et Lévis. Jeudi, les ministres responsables de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches accompagnaient les maires de chacune des deux villes pour annoncer la création de cette entité aux objectifs encore nébuleux.
L’idée maîtresse de cette zone, c’est d’en finir avec l’esprit de clocher parfois manifeste entre les deux villes. Il était notoire que l’ancien maire de Québec Régis Labeaume ne supportait plus son homologue d’en face lors des dernières années de son règne, au point où le passage de Gilles Lehouillier à l’hôtel de ville de la capitale nationale quelques semaines après l’élection de Bruno Marchand avait constitué une nouvelle dans la presse locale.
Une première rencontre, prévue en juin, doit établir les jalons d’une feuille de route devant orienter le développement économique de la grande région. La zone jouira d’un financement commun : le secrétariat de la Capitale-Nationale garnira la moitié de son enveloppe, chaque Ville la remplira en y versant chacune un quart. La taille du budget, toutefois, reste à déterminer.
La pénurie de main-d’oeuvre, particulièrement sévère dans la région et aggravée par le petit nombre d’immigrants qui choisissent d’y planter leurs racines, figurera parmi les priorités de la zone à naître. Le maire de Lévis a aussi évoqué l’importance de réfléchir à un différent usage du territoire afin de mieux régir l’évolution du périmètre urbain.
À titre d’exemple, le maire Bruno Marchand a ajouté que la collaboration entre Québec et Lévis pourrait maintenant aller jusqu’à une concertation visant à déterminer l’endroit où une nouvelle entreprise devrait prendre racine. « Nous devons avoir la capacité de dépasser notre intérêt spécifique », a souligné le maire de la capitale.
Ces propos font écho à la vision qu’il énonçait au cours d’une entrevue éditoriale au Devoir, en avril 2022, lors de laquelle il soulignait l’importance de la collaboration municipale face à l’urgence climatique. « La nature se fout de nos limites territoriales, disait alors l’élu de Québec. Chacun peut se dire que ses responsabilités arrêtent au bout de son territoire, mais face aux enjeux que nous vivons, nous sommes mal placés pour arrêter là dans notre travail de concertation. »
Jeudi, le maire articulait une pensée similaire, évoquant des enjeux qui « dépassent les capacités de Québec [et] de Lévis ». Il faut faire en sorte, indiquait-il encore, d’aller « au-delà de ce qui est naturel, c’est-à-dire de travailler chacun pour soi », pour collaborer en alliés, et non en ennemis, au bien public.
« Nous prenons l’engagement, devant la population, de rechercher ce qui nous rassemble et de travailler autour de nos intérêts communs, a promis Bernard Drainville. Nous allons développer le “réflexe régional”. »
Entre concorde et discorde
Cette bonne entente, ont assuré en choeur les quatre élus, résistera aux désaccords qui surviendront inévitablement sur le chemin. « L’objectif, c’est de créer des liens entre les deux rives », a indiqué le maire de Lévis.
Il n’a pas précisé, toutefois, s’il avait le troisième explicitement en tête.
Le tunnel qui doit unir Lévis et Québec pourrait susciter la discorde entre les deux maires. Gilles Lehouillier l’appuie sans réserve ; son homologue de Québec, lui, cache mal le peu d’enthousiasme que lui inspire le projet. Le fardeau de la preuve incombe au gouvernement, répète Bruno Marchand depuis son élection : c’est à la Coalition avenir Québec de prouver que le tunnel envisagé a toutes les vertus qu’elle lui prête.
Bernard Drainville, jeudi, a fait du troisième lien une condition « essentielle » à l’envol de la région jusqu’au rang de « métropole économique » du Québec. « Je souhaite que nous nous entendions, a indiqué le ministre de l’Éducation. Mais si nous ne nous entendons pas, ce ne sera pas la fin du monde. »