Présidentielle indécise en Iran, un réformateur veut créer la surprise

Une femme dépose son bulletin de vote dans l’urne dans un bureau de Téhéran.
Photo: Raheb Homavandi Agence France-Presse Une femme dépose son bulletin de vote dans l’urne dans un bureau de Téhéran.

Les opérations de vote ont été prolongées vendredi jusqu’à 20 h (16 h 30 GMT) en Iran pour une présidentielle dont l’issue s’annonce incertaine en raison de la percée d’un réformateur face à des candidats conservateurs divisés.

Cette prolongation, habituelle pour les scrutins en Iran, a été annoncée par le ministère de l’Intérieur, qui pourrait encore l’étendre jusqu’à 22 h, voire minuit.

Les autorités n’ont donné aucun chiffre sur la participation, alors que quelque 61 millions d’électeurs étaient appelés à se rendre dans 58 640 bureaux de vote à travers le pays.

Toute la journée, les médias d’État ont montré des files d’hommes et de femmes patientant, un document d’identité à la main, avant de déposer leur bulletin dans l’urne dans des mosquées ou des écoles pavoisées aux couleurs nationales.

Comme il est de tradition, c’est le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a lancé les opérations en votant dès 8 h (4 h 30 GMT), devant des dizaines de caméras, à Téhéran.

« Le jour des élections est un jour de joie et de bonheur pour nous, Iraniens », a-t-il déclaré. « Nous recommandons à notre cher peuple de prendre le vote au sérieux et d’y participer. Je ne vois aucune raison d’hésiter ».

Cette élection a été organisée dans la hâte après la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère le 19 mai.

Elle est suivie avec attention à l’étranger alors que l’Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux pays occidentaux.

Quatre candidats, des hommes quinquagénaires ou sexagénaires, sont en lice.

Si aucun d’entre eux ne rassemble plus de la moitié des suffrages, un second tour se tiendra le 5 juillet, ce qui n’a été le cas que lors d’une seule présidentielle, en 2005, depuis l’avènement de la République islamique il y a 45 ans.

Les résultats officiels sont attendus au plus tard dimanche, mais des estimations devraient être publiées samedi.

Photo: Atta Kenare Agence France-Presse Le candidat réformateur Massoud Pezeshkian salue la foule après avoir voté dans un bureau de Téhéran.

L’espoir du camp réformateur

La surprise pourrait provenir du seul candidat réformateur, Massoud Pezeshkian, un député de 69 ans qui était quasi-inconnu lorsqu’il a été autorisé à concourir par le Conseil des Gardiens, l’organe chargé de superviser les élections.

D’apparence discrète mais s’exprimant sans détour, ce médecin issu de la minorité azérie a redonné espoir aux camps réformateur et modéré, totalement marginalisés ces dernières années par les conservateurs et ultraconservateurs.

Face à lui, les partisans du pouvoir actuel se divisent entre les candidats Mohammad-Bagher Ghalibaf, président conservateur du Parlement, et Saïd Jalili, ancien négociateur ultraconservateur du dossier nucléaire et hostile à un rapprochement avec l’Occident.

Pour espérer l’emporter, Massoud Pezeshkian doit compter sur une forte augmentation de la participation par rapport aux dernières élections, boudées par environ la moitié des électeurs.

Seuls 49 % d’entre eux avaient voté à la présidentielle de 2021, pour laquelle aucun candidat réformateur ou modéré d’envergure n’avait été autorisé à concourir.

Des opposants, notamment ceux de la diaspora, ont appelé au boycott du scrutin.

L’ancien président réformateur Mohammad Khatami, qui n’avait pas participé aux législatives en mars afin de protester contre la disqualification des réformistes, a toutefois voté dans la matinée.

En revanche, l’ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi, assigné à résidence depuis 2011, a annoncé via sa fille sur Instagram qu’il ne participerait pas au scrutin.

Pour Mohammad Reza Hadi, un électeur de 37 ans interrogé dans un bureau de vote de Téhéran, il est important de voter « afin de choisir nous-mêmes le sort politique de notre pays ». « C’est une façon d’exprimer nos revendications », a ajouté Ehsan Ajdi, un employé, à l’AFP.

Le voile en débat

Quel que soit le résultat, l’élection devrait avoir des répercussions limitées car le président a des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, qui est le chef de l’État.

Au cours des débats, l’ultraconservateur Saïd Jalili a critiqué les modérés pour avoir signé en 2015 l’accord sur le nucléaire iranien avec les grandes puissances, qui « n’a pas du tout profité à l’Iran ».

« Sommes-nous censés être éternellement hostiles à l’Amérique ou aspirons-nous à résoudre nos problèmes avec ce pays ? », s’est interrogé M. Pezeshkian, en appelant lui à une relance de l’accord nucléaire afin d’entraîner une levée des sévères sanctions qui affectent l’économie iranienne.

Par ailleurs, la question très sensible du port du voile obligatoire pour les femmes s’est imposée dans la campagne, près de deux ans après le vaste mouvement de contestation qui avait secoué le pays fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire.

Dans les débats télévisés, les candidats ont pris leurs distances avec les interpellations policières, parfois musclées, des femmes refusant de porter le hidjab dans les lieux publics.

« Nous ne devrions en aucun cas traiter les femmes iraniennes avec une telle cruauté », a déclaré Mostafa Pourmohammadi, le seul candidat religieux.

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