Un pow-wow au coeur de la ville

Au centre, Ivanie Aubin-Malo et Jerry Hunter. Photo prise lors de la soirée de clôture de « Corps entravé, corps dansant » présenté à Tangente en mai 2018 en collaboration avec Ondinnok.
Photo: Myriam Baril Tessier Au centre, Ivanie Aubin-Malo et Jerry Hunter. Photo prise lors de la soirée de clôture de « Corps entravé, corps dansant » présenté à Tangente en mai 2018 en collaboration avec Ondinnok.

Le 3 mars prochain aura lieu un pow-wow organisé par le collectif MAQAHATINE. Sur le thème « Alimenter nos feux hivernaux », plus d’une trentaine de danseurs autochtones viendront exprimer leur culture et partager leur art avec les Montréalais et les communautés autochtones locales. Une manière pour eux de « rendre plus accessible » un rassemblement ancestral. 

« Cet événement ne s’est pas fait du jour au lendemain. Au contraire. On est six ans plus tard et ça y est, pour moi, l’Édifice Wilder est prêt à accueillir son premier mini-pow-wow », raconte Ivanie Aubin-Malo, danseuse contemporaine  et instigatrice de l’événement. Québécoise et  Wolastoqiyik,  Mme Aubin-Malo reçoit en 2015, à Vancouver, les enseignements de Curtis Joe Miller, recommandé par James Jones. Il lui apprend alors la danse Fancy Shawl, aussi appelée la danse du papillon. Un style qu’elle n’a découvert qu’à l’âge adulte. 

« Un de mes premiers souvenirs de pow-wow, c’était à Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, lorsque j’étais toute petite, dans les bras de ma mère. Je me souviens que je portais une robe avec un perlage blanc et orange fait par ma marraine, je me rappelle le parfum du foin d’odeur et surtout le son des tambours. » Des années plus tard, sa marraine lui explique  qu’il n’y avait pas de danses pow-wow à cet événement, mais seulement des danses locales. « C’est vraiment au moment où j’ai rencontré James Jones que j’ai appris  les danses pow-wow », ajoute-t-elle. 

À son retour à Montréal, Ivanie Aubin-Malo trouve qu’il manque d’événements réguliers qui permettent de cultiver les liens entre les Autochtones de la ville. « À Vancouver, chaque semaine, je savais où aller pour danser, échanger avec des gens des communautés autochtones des environs », souligne-t-elle. Après avoir contribué à organiser la soirée de fermeture du symposium Corps entravés, corps dansants, organisé par la compagnie Ondinnok et Tangente en 2018, Ivanie Aubin-Malo est devenue commissaire pour Tangente. « J’ai alors eu accès à des ressources pour proposer des idées au milieu de la danse. En quatre ans, avec MAQAHATINE, nous avons organisé trois rassemblements intergénérationnels et près de 30 ateliers pour les danseurs et danseuses autochtones, rapporte-t-elle. Au fil de ces années, les liens se sont solidifiés entre nous, la toile s’est tissée. En mai 2023, on était prêts à ouvrir le cercle et à l’étendre pour joindre une plus grande diversité de personnes. » 

Créer des ponts

« “C’est fou que je n’ai jamais été en contact [avec ces danses] alors que ce sont des cultures d’ici.” Voilà ce qu’ont dit certaines de mes amies après être venues à leur premier pow-wow », raconte Ivanie Aubin-Malo. C’est notamment pour cette raison qu’elle a voulu faire un pow-wow  dans le quartier de la Place des Arts. « C’est très symbolique pour moi. Les pow-wow sont des événements difficilement accessibles pour les gens sans auto. Il n’y a pas d’autobus direct pour s’y rendre [rires] ! Avec cet événement, on voulait rendre accessible ce pow-wow aux habitants de Tio’tià:ke/Mooniyang [Montréal] et montrer que cette célébration peut aussi se faire en hiver », dit-elle. En effet, les pow-wow se déroulent généralement au sein même des communautés autochtones, à l’extérieur pendant l’été et dans des gymnases lorsqu’il fait froid. 

Malgré cette belle occasion, Ivanie Aubin-Malo ne se réjouit pas trop vite. « Nous n’avons toujours pas un lieu à nous, les Autochtones, en ville, pour tenir ce type d’événement. C’est pourquoi on n’a pas le choix de travailler avec des partenaires qui ont des salles. Pourtant, on dit que nous sommes en territoire non cédé autochtone, dont les gardiens des terres et des eaux sont les Kanien’kehà:ka », affirme-t-elle. 

Les pow-wow au sein des communautés respectent certains protocoles. Tout d’abord, il y a la grande entrée, où les hommes aux tambours commencent à jouer et à chanter. Les danseurs et certaines personnes invitées défilent ensuite peu à peu et ouvrent le cercle de danse. Chaque danseur porte son regalia (son costume de danse), qui est « unique à chacun ». Le maître de cérémonie (MC) indique aux danseurs ce qui va se passer et montre au public la façon respectueuse d’interagir. « Quand on n’en a jamais vu, cette entrée est très impressionnante », dit Mme Aubin-Malo. Ensuite, le cercle de danse accueille des danses pow-wow, des danses intertribales (où tout le monde est invité à danser) et des présentations spéciales. Dans les pow-wow, en général, en plus des nombreuses démonstrations de danse, s’ajoutent des artisans et des vendeurs de nourriture. 

Pour le pow-wow du 3 mars, le comité organisateur, formé de Thomasina Phillips, de Barbara Diabo et d’Ivanie Aubin-Malo, a choisi plusieurs invités spéciaux. Un thème les lie : « Alimenter nos feux hivernaux ». « Ça fait référence à la fin de l’hiver, où traditionnellement nos ancêtres n’avaient presque plus de provisions, un moment où les communautés se réunissent pour renouveler leur esprit et exprimer leur gratitude au cycle de la nature, explique Mme Aubin-Malo. Se rassembler pour ce pow-wow va nous permettre de cultiver notre inspiration et d’alimenter nos feux, une fois de retour dans nos communautés ou dans notre routine. »

En plus des convives et des artistes, tout le monde est aussi le bienvenu à participer et à danser. « Personne n’a besoin d’être invité dans un pow-wow. Chacun peut arriver et célébrer. Je suis contente que les salles de Tangente et l’Agora de la danse, étroits partenaires de MAQAHATINE, soient en plein coeur du quartier de la Place des Arts, car les gens qui le fréquentent ont l’habitude de vivre de nouvelles choses, de côtoyer, par exemple, des scénographies intrigantes. Alors, pourquoi pas un pow-wow ?  Ça peut être intimidant quand on ne connaît pas ça, mais on ne regrette jamais de vivre un pow-wow, que ce soit notre premier ou notre centième », conclut-elle. 

Powwow Maqahatine : Alimenter nos feux hivernaux

À l’Édifice Wilder – Espace danse, le 3 mars, de 12 h à 17 h

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