QS a besoin de «sang neuf», dit Émilise Lessard-Therrien
Deux mois après son départ, Émilise Lessard-Therrien plaide pour « faire entrer du sang neuf » dans les hautes sphères de Québec solidaire (QS), histoire d’éloigner le parti de stratégies politiques qui, dans le passé, n’ont « pas porté fruit ».
Pour la première fois depuis qu’elle a claqué la porte du parti de gauche, à la fin du mois d’avril, l’ancienne porte-parole solidaire s’est entretenue avec les médias, mercredi, pour aborder les raisons de sa défection.
En entrevue avec Le Devoir, elle a tenu à préciser que ses critiques ne visaient en aucun cas son ex-collègue porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, avec qui elle est déçue d’avoir eu un « manque de complicité », mais envers qui elle n’entretient « aucune hostilité ». « Ça dépasse Gabriel Nadeau-Dubois », a-t-elle soutenu à l’autre bout du fil, mercredi.
En annonçant son départ, le 29 avril dernier, l’ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue avait déploré son incapacité à « plonger ses racines dans la direction du parti ». Dans un long message, elle avait notamment dit s’être butée à « une petite équipe […] tissée serrée » autour de « GND ».
Deux mois plus tard, elle précise ses pensées : les avenues empruntées au cours des dernières années dans les hautes instances de la formation politique sont tout simplement inefficaces, constate-t-elle.
« La première chose qui s’impose, c’est de faire un bilan de ce qui a été fait depuis l’inversement des rôles entre Manon [Massé] et Gabriel. Est-ce que les stratégies qui ont été mises en place nous ont amenés là où on voulait aller ? Je pense que la réponse, de toute évidence, c’est non », affirme-t-elle. « L’absence de résultats, c’est un peu l’éléphant dans la pièce. »
Aux élections de 2022, avec Gabriel Nadeau-Dubois comme candidat au poste de premier ministre, QS avait perdu 15 000 votes par rapport au scrutin précédent. Depuis, dans les sondages, le parti a obtenu entre 12 % et 19 % des intentions de vote. Le plus récent sondage de la firme Léger lui en accordait 14 %.
Sans appeler au départ de GND, Mme Lessard-Therrien invite le parti à « faire entrer de l’air frais » dans son équipe de direction. « Depuis que Manon a pris son pas de recul, c’est normal que tout se soit un peu orchestré autour du leadership masculin. Donc là, il faut faire entrer du sang neuf, c’est sûr », dit-elle.
L’ex-porte-parole solidaire n’a pas précisé ce qu’elle voulait dire par « sang neuf ». Elle a toutefois rappelé que la course pour l’élection de sa successeure se conclurait en novembre. Par la suite, les militants solidaires devront choisir leur candidat au poste de premier ministre, qui aura aussi l’occasion de participer aux débats des chefs.
« La décision de l’aspirant premier ministre, c’est une décision des membres. Mais il faut qu’il y ait du changement. Il faut qu’il y ait du changement si on veut aspirer à avoir des résultats différents », martèle-t-elle.
« Pragmatique », la Déclaration de Saguenay ?
En pleine crise au début du mois de mai après le départ de sa co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois avait plaidé devant les journalistes pour que son parti se « modernise » en adoptant une posture plus « pragmatique ». Cette opération, avait-il dit, passerait par l’adoption, à Jonquière, de la Déclaration de Saguenay et par la refonte du programme de QS.
En conseil national, à la fin mai, les membres du parti ont bel et bien donné leur aval à la Déclaration de Saguenay, en plus d’opter pour une « actualisation » du programme. Mais Émilise Lessard-Therrien refuse d’y voir un appui au « pragmatisme » de GND.
« C’était des chantiers qui étaient déjà en cours, qui étaient déjà initiés, dit l’ex-politicienne de 32 ans. Je pense qu’il y a peut-être eu une petite distorsion de ce que ça devait être à l’origine pour servir les besoins du moment. »
« Je ne suis pas certaine que c’est ça, la définition du pragmatisme, non plus. »
Un avenir en politique ?
Quant à elle, Émilise Lessard-Therrien profite, depuis les dernières semaines, de « [s]es terres ». « J’ai reparti mon moulin à farine ! » lance-t-elle en boutade, lorsqu’on l’interroge sur son avenir professionnel.
L’ex-porte-parole solidaire a toujours sa carte de membre, mais suivra les activités de QS « de loin », affirme-t-elle. Quand Le Devoir lui demande si elle fait une croix sur la politique active, elle dit oui… mais seulement pour 2026. « Disons que je ne suis pas à la recherche d’opportunités en politique partisane », dit-elle.
À cinq mois du choix d’une nouvelle porte-parole, Mme Lessard-Therrien se réjouit que la députée Ruba Ghazal, qu’elle avait battue par trois petites voix au congrès d’élection de novembre 2023, se lance à nouveau dans la course. « Je pense qu’elle a des qualités indéniables, souligne-t-elle. Je suis très contente de voir qu’elle a toujours de l’appétit, qu’elle a toujours cette fougue-là pour essayer de faire mieux avec le parti. »
Pour la suite, elle laisse QS à ses débats internes. « Je n’ai pas envie de jouer les belles-mères », dit-elle.