Plus de 400 employés de Radio-Canada victimes d’un problème de paye
Des centaines d’employés de CBC/Radio-Canada verront leur revenu du mois de juillet amputé de sommes qui leur ont été versées en trop en raison d’un nouveau système de paye déjà plombé de problèmes.
Au moins 430 journalistes, réalisateurs, techniciens et autres employés du diffuseur public ont reçu par erreur des indemnités de repas et de déplacement avec leur paye du 13 juin dernier. La direction les a informés jeudi qu’elle comptait réduire leurs deux payes du mois de juillet pour recouvrer ces trop-payés, qui totalisaient pour certains des milliers de dollars.
« La créance a été divisée à parts égales pour tenir compte des employés qui ont reçu un nombre d’heures significatifs [SIC] de trop-payé », peut-on lire dans un courriel que Le Devoir a pu consulter. On y précise que certains employés doivent souscrire à un « plan de remboursement alternatif » : ceux qui doivent des sommes excédant leur rémunération totale du mois de juillet. Le Devoir a pu joindre des salariés, qui ont confirmé avoir reçu entre quelques centaines de dollars et 2000 $ de trop.
Problème de Workday
Le cafouillage massif de juin a été causé par « une erreur dans l’interprétation des fiches de présence », après une récente configuration du système de paye de CBC/Radio-Canada, Workday. « Le problème qui a causé ce trop-payé est maintenant réglé afin d’éviter des situations comme celles-ci à l’avenir », a assuré le porte-parole de la société d’État, Leon Mar, dans un courriel.
Le diffuseur public utilise le logiciel Workday depuis l’an dernier pour rémunérer son personnel. Le gouvernement du Canada l’avait également mis à l’essai dès 2022 dans l’optique de remplacer son système de paye défectueux Phénix, lancé il y a huit ans. Ottawa a toutefois discrètement abandonné cette option en février dernier, arrêtant son choix sur son concurrent Dayforce, sobrement décrit comme « viable ».
En tant que société d’État indépendante, CBC/Radio-Canada a son propre service de paye. Ses employés dénoncent toute une panoplie de problèmes survenus depuis que la société d’État a fait la transition vers Workday, et plusieurs sources ont affirmé au Devoir avoir constaté des irrégularités dans la dernière année. C’est en voulant programmer le logiciel pour qu’il respecte un chapitre de la convention collective sur le temps de repas que des centaines de talons de paye ont affiché des erreurs.
Les représentants syndicaux qui représentent les employés de CBC/Radio-Canada sont bien au fait des ratés. Un comité spécial pour examiner les problèmes de paye liés à Workday a été formé en septembre dernier.
Le Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada (STTRC) est allé jusqu’à distribuer ce printemps des tracts dans les stations du Québec et de Moncton, au Nouveau-Brunswick, sur lesquels il était possible de lire : « Workday : réglez vos #$&?%#$* de problèmes. » On y dénonce le virage vers Workday, pour lequel « Radio-Canada n’était tout simplement pas prêt ».
« À l’interne, plusieurs l’appellent “Worstday” [la pire journée] », atteste la secrétaire et trésorière du STTRC, Lise Millette. Elle qualifie le nouveau logiciel de « petit frère de Phénix », en référence au scandale du système de paye Phénix au fédéral. « Ça fait plusieurs mois qu’on enchaîne les erreurs et le cafouillage. Ce qui s’est produit sur la paye du 13 juin n’est que le dernier en date. »
Des échos de Phénix
Parmi cette longue liste de plaintes du syndicat à l’égard de Workday figurent des erreurs dans le calcul de l’ancienneté, l’oubli d’augmentations de salaire ou encore la disparition de la première demi-heure faite en heures supplémentaires. Quand ces problèmes ont été corrigés, d’autres sont survenus.
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Mme Millette estime que le plan de recouvrement des trop-payés en juin contrevient à la politique interne de Radio-Canada, qui doit normalement récupérer les sommes importantes sur une plus longue période. Elle appelle tous ses membres concernés à demander un arrangement particulier avec l’employeur pour éviter que ne soit amputée une grande part de leur salaire.
En novembre, Radio-Canada a par ailleurs publié un reportage sur les déboires du système de la gestion de la paye Workday à l’Université d’Ottawa.
L’entreprise californienne Workday n’avait pas répondu aux questions du Devoir au moment où ces lignes étaient écrites.