Un plan pour éviter que le Vieux-Québec devienne un «Walt Disney de carton»
La Ville de Québec a présenté, vendredi, sa stratégie pour « insuffler une âme » au Vieux-Québec et éviter que le secteur devienne « un Walt Disney de carton ».
Le secteur fait la renommée de la capitale et attire le principal des touristes venus du monde entier. En haute saison, les accents d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe se mêlent à l’anglais et au français dans les rues et les boutiques de Vieux-Québec.
Cet achalandage international peine à cacher le dépeuplement constant du secteur depuis 20 ans. Le « Vieux » a perdu 9 % de sa population entre 1996 et 2016, passant de 6340 habitants, au milieu des années 1990, à 5770 deux décennies plus tard. La population diminue, mais son âge augmente : le résidant du Vieux-Québec moyen frisait la cinquantaine lors du dernier portrait démographique réalisé dans la capitale. Sans école ni marché d’alimentation digne de ce nom, le quartier peine à attirer des familles et décourage l’enracinement des commerces de proximité, diminuant par le même souffle l’offre de services.
« Cette cascade vers le bas est terminée », a juré le maire Bruno Marchand, vendredi.
La Ville entend revitaliser le secteur pour que « le Vieux-Québec appartien [ne] au Québec, à ses résidants. » Le plan d’action présenté vendredi se décline en quatre axes : la mobilité, l’habitation, le « tourisme autrement » et l’apparition d’une offre commerciale adaptée aux besoins du quotidien.
Vaste chantier d’habitation
Québec s’apprête à signer une offre d’achat avec le Centre hospitalier universitaire pour acquérir deux propriétés au coût estimé de 8,275 millions de dollars. Le centre d’accueil Nazareth et l’ancien pensionnat Saint-Louis-de-Gonzague, deux bâtiments patrimoniaux et « peu utilisés depuis 10 ans » situés à un jet de pierre de la Place d’Youville, ont le potentiel d’ajouter plus de 150 logements au parc immobilier, selon l’évaluation de la Ville. Le secteur s’avère stratégique puisqu’il accueille « un des espaces verts les plus intéressants du secteur », soit l’ancienne cour de l’école, présentement laissé en friche.
La Ville a l’intention de préserver les deux bâtiments, construits dans la deuxième moitié du XIXe siècle, même si elle doit encore procéder à une évaluation pour en déterminer l’état avec exactitude. Québec a aussi fait l’acquisition de l’îlot Saint-Vincent situé non loin, un site qui surplombe la basse-ville, laissé à l’abandon depuis des décennies. La Ville consulte présentement la population pour savoir quoi ériger sur cet endroit stratégique.
L’administration de Bruno Marchand veut aussi valoriser les locaux vacants situés dans les étages supérieurs des bâtiments qui accueillent des commerces en bordure de la rue Saint-Jean et la côte de la Fabrique. Quelque 22 % de ces espaces sont vétustes, a calculé la Ville. Cette dernière a annoncé, vendredi, une aide financière destinée aux propriétaires, chiffrée entre 70 000 $ et 85 000 $, pour les encourager à réaliser des réparations majeures dans le but de convertir ces espaces en logements habitables.
Une trentaine d’appartements pourraient voir le jour « à court et à moyen terme », selon le maire. « Le logement, a analysé Bruno Marchand, c’est vraiment l’enjeu de base si nous voulons ramener des résidents dans le Vieux-Québec. »
La Ville refuse toutefois de laisser la dynamisation du secteur aux mains du marché. « Ça prend du monde, ça prend une masse critique, mais la masse critique, seule, ne suffira pas, a souligné le maire en conférence de presse. Nous refusons cet état de passivité et de faire confiance à un marché qui a de la misère à s’autoréguler. »
D’autres incitatifs pour bonifier l’offre commerciale du Vieux-Québec, présentement plus riche en boutiques souvenirs qu’en marchés d’alimentation, doivent bientôt avoir lieu.
La Ville s’attarde aussi à rendre le secteur plus attractif, notamment en favorisant sa piétonnisation. Un projet-pilote, mis en marche l’été dernier, reviendra sous une forme améliorée en 2024 après avoir connu quelques ratés en 2023. La mise en place d’une piste cyclable sécurisée sur la rue Dalhousie, un secteur névralgique qui borde le fleuve et rejoint la très fréquentée promenade Samuel-De Champlain, a aussi mené à une hausse de 26 % des déplacements à vélo par rapport à l‘année la plus achalandée sur ce tronçon.
Une épicerie à venir
Le retour d’une offre alimentaire plus conséquente qu’à l’heure actuelle dans le Vieux-Québec, où elle se limite à quelques dépanneurs, fait aussi partie des ambitions de la Ville.
« Ça fait partie des principaux enjeux manifestés par la population », a précisé Mélissa Coulombe-Leduc, porteuse du dossier du Vieux-Québec au sein du comité exécutif. La Ville a mené des consultations en août et fait présentement appel à une expertise externe pour évaluer les besoins.
« C’est sûr que ça ne sera pas une grande surface, a expliqué la conseillère du district Cap-aux-Diamants. Les gens du secteur ont en tête une galerie marchande comme les Halles Cartier ou une épicerie de proximité comme le Marché Provisions. »
La Ville doit aussi réfléchir aux stationnements dans le secteur. « Les résidents n’arrivent plus à se stationner sur certaines rues. C’est problématique, a indiqué le maire : certains stationnements leur sont dévolus pour qu’ils puissent rentrer chez eux. »
Le tramway devait offrir à la population de la capitale un mode de déplacement alternatif à la voiture pour se rendre dans le Vieux-Québec. Sa mise sur pause par le gouvernement caquiste ne chamboule pas la stratégie de revitalisation travaillée de longue haleine par l’administration, a assuré le maire, mais impose une réflexion pour rendre le secteur plus paisible et moins fréquenté par les automobiles.
Pour améliorer l’expérience touristique, la Ville entend organiser des événements pendant les périodes creuses et développer des initiatives pour faire découvrir d’autres secteurs de la ville aux touristes. Irritant de taille pour la visite : le nombre restreint de toilettes publiques dans le secteur. Québec sonde l’intérêt des commerces à ouvrir la porte de leur cabinet d’aisances aux touristes pour rendre le soulagement des envies plus facile.