Plaidoyer de la dernière chance pour le tramway de Québec

« J’ai donné tout ce que je pouvais donner à ce projet-là », lance le maire de Québec, Bruno Marchand, qui ira défendre son plan B pour le tramway devant le premier ministre François Legault.
Jacques Boissinot La Presse canadienne « J’ai donné tout ce que je pouvais donner à ce projet-là », lance le maire de Québec, Bruno Marchand, qui ira défendre son plan B pour le tramway devant le premier ministre François Legault.

Le maire de Québec, Bruno Marchand, ira s’asseoir mercredi à la table du premier ministre François Legault pour défendre le plan B envisagé par la Ville afin de concrétiser son tramway. « J’irai présenter au premier ministre ce plan B. J’irai présenter tous les détails, et je l’écouterai sur sa vision des choses, a souligné l’élu. C’est maintenant le temps d’entendre le gouvernement sur ce dossier-là. »

L’élu de la capitale ne s’en cache pas : ce sera le plaidoyer de la dernière chance. « Je suis rendu à la limite de mes capacités. J’ai donné tout ce que je pouvais donner à ce projet-là. Maintenant, la balle est dans le camp du gouvernement du Québec, pour voir ce qu’il va faire avec ça. »

En l’absence d’un consortium privé pour assurer la coordination du chantier, la Ville propose de prendre à son compte sa maîtrise d’oeuvre. Une façon de faire éprouvée dans d’autres mégaprojets, mais assortie d’une facture de 8,4 milliards de dollars, ce qui fait sourciller le gouvernement.

Mardi, à la veille de sa rencontre avec le premier ministre Legault, Bruno Marchand a précisé que la somme comprenait un montant de 2,2 milliards réservé aux imprévus. « Ça fait partie de tous les projets, il y a toujours des contingences, a fait valoir le maire de Québec. Dans ce cas-ci, elles sont élevées, à 26 %. C’est conservateur : je suis confiant qu’on entre dans les 8,4 milliards. »

François Legault a déjà qualifié de « cher, très cher » le prix désormais associé au chantier. Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, les ministres caquistes préfèrent désormais évoquer « un mode de transport lourd » plutôt que de nommer précisément le tramway.

Personne au sein du caucus de Québec ne se porterait non plus à la défense du tramway, selon des informations rapportées mardi par Radio-Canada. Celui-ci ferait même l’objet de railleries parmi les députés, certains parlant de « calèche électrique » pour Québec, seule ville canadienne de cette taille à ne pas avoir de réseau de transport structurant.

Malgré les propos rapportés par la société d’État, Bruno Marchand estime qu’il n’incarnera pas l’idiot d’un « dîner de cons » lorsqu’il rencontrera le gouvernement. « Je pense qu’[il a] l’ouverture d’avoir cette discussion franche et honnête. Je la sens : je ne pense pas que c’est un dîner de cons. Pas du tout », a souligné le maire.

« Ça prend un réseau structurant »

La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, a de nouveau remis en question mardi le financement promis par le gouvernement fédéral. Jamais à court d’arguments pour éviter de se prononcer clairement au sujet du tramway, elle a fait tinter cette nouvelle note discordante pour la deuxième fois en une semaine — malgré les assurances d’Ottawa, qui répétait lundi être au rendez-vous en dépit des dépassements de coûts.

« Quand monsieur [le ministre Jean-Yves] Duclos dit “le 4 milliards est acquis et Mme Guilbault le sait”, le quatre milliards, ce n’est pas la contribution fédérale, c’est le montant du projet pour lequel il y a une contribution fédérale », a-t-elle indiqué, faisant référence au précédent coût associé au tramway, soit 3,9 milliards de dollars. « Autrement dit, la seule chose attachée présentement par le gouvernement fédéral, c’est 1,2 milliard sur un projet évalué à 4 milliards. »

Elle a déploré un « libellé qui est volontairement nébuleux » de la part du fédéral, répétant que dans son calcul, Ottawa finance présentement 14 % d’un tramway aujourd’hui évalué à 8,4 milliards de dollars, contrairement à sa promesse d’en financer 40 %. « S’il y avait vraiment 4 milliards d’argent fédéral attaché, ça ferait longtemps qu’on ne serait plus en train d’en parler », a conclu la ministre des Transports.

Le ministre responsable de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, autrefois l’un des alliés les plus assumés du tramway, a fait tinter le même son de cloche pour faire porter la responsabilité d’une éventuelle débâcle sur les épaules d’Ottawa.

« On a toujours mentionné qu’on voulait avoir un réseau structurant. Maintenant, le moyen reste à déterminer. Il y a un tramway sur la table. Nous, on dit : “Ça prend un réseau structurant” », a indiqué le ministre des Infrastructures. « Il y a aussi la notion du fédéral. Le fédéral, actuellement, [il a] un 1,5 milliard. Le reste, ça n’existe pas. Il manque quand même beaucoup d’argent ! »

Avant même que la Ville dévoile son plan B et la nouvelle estimation budgétaire du chantier, le tramway peinait à rallier la population de la capitale. Le plus récent coup de sonde commandé par Québec montrait une opinion favorable qui plafonnait à 40 % après la répartition des 10 % d’indécis.

Avec François Carabin

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