Place à la gastronomie étoilée… et écoresponsable!

Sophie Ginoux
Collaboration spéciale
Création du Silo, le premier restaurant gastronomique sans déchet au monde et détenteur d’une étoile verte Michelin.
Photo: Silo Création du Silo, le premier restaurant gastronomique sans déchet au monde et détenteur d’une étoile verte Michelin.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Au firmament des grandes tables, les étoiles qui brillent le plus sont souvent celles qui intègrent les sacro-saints guides Michelin. Synonymes de rareté, de finesse et d’excellence, certains de ces établissements d’exception affichent aussi depuis 2020 une autre étoile, de couleur verte celle-là. Elle symbolise leur engagement envers une gastronomie écoresponsable et une prise de conscience autour des enjeux du développement durable. Un message que plusieurs invités du festival Montréal en lumière porteront cette année, dont les chefs du tout premier restaurant gastronomique sans déchet au monde, le Silo de Londres.

Même si la présence du Guide Michelin à l’international peut être critiquée en raison de son opportunisme pécuniaire, il constitue toujours une référence incontournable pour tous les aficionados de la gastronomie. La course aux étoiles que mènent des milliers de restaurants aux quatre coins de la planète et le suspense qui accompagne la parution du guide chaque année témoignent de son importance. 

Depuis ses débuts, en 1900, le célèbre « Guide rouge » a bien sûr évolué. Il répertorie par exemple sur différents supports des hôtels et des boutiques en plus des restaurants, afin d’offrir aux voyageurs des expériences plus diversifiées. En 2020, il a également créé une nouvelle étoile verte, imaginée pour promouvoir les établissements prenant des engagements forts en faveur de la gastronomie durable. Et ce, que ce soit en mettant en vedette des produits locaux, en démocratisant des pratiques écoresponsables auprès de leurs clients ou bien en visant l’autonomie énergétique. À son échelle, chaque étoile verte Michelin constitue un modèle pour le milieu de la restauration et les adeptes de l’art de la bonne chère en général. 

Actuellement, il y a 504 restaurants étoilés vert Michelin à travers le monde. Et parmi ces grandes tables, huit sont représentées par des chefs invités au festival Montréal en lumière. Et parmi eux, deux hommes de la relève qui se démarquent encore plus : Ed Tejada et Ryan Walker, respectivement chef de cuisine et chef des fermentations du Silo, un établissement londonien qui repousse les frontières de la gastronomie écoresponsable. 

Le Silo : retour vers le futur 

Le Silo est né quelques années après un premier pop-up mené en Australie. Ce restaurant tranche nettement avec les tables étoilées habituelles. Son décor épuré, constitué de meubles et de vaisselle de seconde main, va de pair avec une philosophie engagée, pour ne pas dire militante. 

« Nous désirons revenir aux principes qui régissaient nos vies à l’ère préindustrielle, explique Ed Tejada. Ce n’est pas un nouveau modèle, mais il a été oublié au cours du dernier siècle. »  

Photo: Photo fournie par l'établissement Le décor épuré du Silo est constitué de meubles et de vaisselle de seconde main.

En quoi consiste cette approche ? Elle vise à conjuguer plusieurs actions pour éliminer au maximum le gaspillage et les déchets. Au sein d’une société de consommation où l’on jette encore la moitié de nos aliments, les deux chefs du Silo travaillent avec les saisons et en circuit court avec des fermiers locaux. Ils bannissent aussi les emballages à usage unique et maximisent tout ce qu’ils emploient grâce à différentes techniques de fermentation, de préservation et de réutilisation. « Nous sommes fiers de surcycler de 98 à 99 % de nos ressources, indique Ryan Walker. Ce n’est pas évident pour un restaurant de choisir cette voie parce que, rien que pour faire comprendre à nos fournisseurs que nous ne voulons plus de plastique pour nos commandes, c’est compliqué. Mais on y arrive, ce qui prouve que c’est possible dans notre milieu comme dans les supermarchés. »  

Les concepts de saisonnalité et de locavorisme sont également essentiels pour les deux chefs, qui se demandent pourquoi on cherche encore à consommer des tomates ou des fraises venues d’ailleurs en hiver. Une question que s’est aussi posée récemment notre confrère Samuel Sirois de La Presse. « Il faut changer les mentalités des 30 dernières années, reconnaît le chef de cuisine. Et repenser la chaîne d’approvisionnement dans son ensemble. »

Les 3 R, sources de créativité et de saveurs 

Réduire, réutiliser, recycler. Ces trois notions guident le quotidien des chefs du Silo, qui créent de nouveaux plats et explorent des saveurs inédites en transformant ce que nous considérons comme des déchets. À l’intérieur de leur cuisine, où leur garde-manger est constitué de produits tant frais que fermentés ou préservés, l’expérimentation est le maître mot. Des restes de poisson se métamorphosent en sauce, des pelures d’oignon en poudre aromatique. Tout est pensé de manière à éviter la poubelle. 

Le chef du restaurant montréalais O’Thym, Noé Lainesse, qui partagera sa cuisine avec les deux Londoniens les 1er et 2 mars prochains, est dans la même veine. Il a fait le pari de menus 100 % locaux depuis 2015, travaille avec des maraîchers nordiques qui cultivent des légumes en hiver, concocte des garums (fermentations) et vise lui aussi le zéro déchet. 

« J’ai beaucoup appris auprès d’Ed et de Ryan en allant réaliser un stage au Silo l’automne dernier, reconnaît-il. Quand je crée un plat, maintenant, je pense immédiatement aux déchets qu’il va générer et à ce que je pourrai en faire ensuite. Et en transformant ces déchets en quelque chose de mieux, j’ai le sentiment d’ajouter une profondeur, une richesse et des saveurs incroyables à ma cuisine. C’est génial ! » 

Haute voltige responsable à Montréal en lumière 

Le menu commun de dégustation des trois chefs n’est pas encore établi, mais on se doute qu’il sera aussi étonnant que fidèle à leurs principes. Ils y travailleront d’ailleurs ensemble pendant une semaine avant de le présenter au public. 

« J’ai déjà en tête d’utiliser des carottes de neige de l’entreprise d’économie sociale et ferme La Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve (CCHM), ainsi que des ombles du pisciculteur urbain Opercule, livrés par vélo », indique Noé Lainesse. Il ne cache d’ailleurs pas son excitation à l’idée de faire découvrir ces produits à ses invités, qui auront de leur côté dans leurs bagages des garums, poudres et sauces de leur invention. 

Nul doute, finalement, que ces deux repas à l’aveugle seront synonymes d’expérience gustative… et d’inspiration !

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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